Loi anti-avortement au Texas: Uma Thurman dévoile son « secret le plus sombre »

Uma Thurman, en février 2019 © Reuters

Dans un geste rare, l’actrice américaine Uma Thurman révèle avoir avorté dans sa jeunesse, exposant son « secret le plus sombre » en soutien aux femmes du Texas interdites d’interrompre leur grossesse.

A 51 ans, la star de Pulp Fiction et Kill Bill a osé briser ce tabou, toujours très fort aux Etats-Unis, dans une tribune poignante publiée mercredi par le quotidien Washington Post.

Elle explique avoir suivi « avec une profonde tristesse et un sentiment proche de l’horreur » l’entrée en vigueur de la loi texane qui, depuis le 1er septembre, interdit quasi tous les avortements dans ce vaste Etat conservateur.

Face à ce texte « radical » qui ne prévoit pas d’exception en cas d’inceste ou de viol, la comédienne a décidé de partager pour la première fois publiquement son expérience « dans « l’espoir de détourner les flammes de la controverse des femmes vulnérables affectées par cette loi ».

Uma Thurman, qui a commencé une carrière de mannequin dès ses 15 ans, explique qu’avant ses 20 ans, elle est tombée enceinte d’un homme plus âgé, alors qu’elle se trouvait en Europe loin de sa famille. « Je voulais garder le bébé, mais comment? »

Dans une conversation « terrible » avec ses parents, ce « fantasme enfantin de maternité » s’est dissipé, raconte-t-elle. La relation n’était « pas viable », « ma carrière commençait tout juste, je n’avais pas les moyens de payer un foyer stable, même pour moi. Nous avons décidé en famille que je ne pouvais pas poursuivre ma grossesse. »

« Aucun regret »

Avec l’aide d’une amie, elle s’est rendue à Cologne, en Allemagne, pour avorter. « Ça faisait terriblement mal, mais je ne me suis pas plainte, je portais une telle honte que je pensais mériter cette douleur… »

« L’avortement de mon adolescence a été le choix le plus difficile de ma vie, il m’a causé une peine profonde à l’époque et m’attriste encore aujourd’hui », poursuit-elle.

Mais « je n’ai aucun regret »: « il m’a ouvert le chemin pour une vie pleine de joie et d’amour. Choisir d’interrompre cette grossesse m’a permis de grandir et de devenir la mère que je voulais être », écrit la comédienne qui a eu ensuite trois enfants.

Aujourd’hui, elle a « le coeur brisé » face à la loi texane, « un outil de discrimination contre les femmes défavorisées » puisque les plus riches pourront voyager hors de l’Etat pour obtenir une interruption de grossesse.

Le texte « dresse les citoyens les uns contre les autres », regrette-t-elle encore.

La loi texane, qui fait l’objet de plusieurs recours en justice, comporte en effet un dispositif inédit: il ne revient pas aux autorités de faire respecter la mesure, mais « exclusivement » aux citoyens, encouragés à porter plainte contre les organisations ou les personnes qui aident les femmes à avorter.

« Merci »

« Je n’ai rien à gagner de ces aveux et peut-être beaucoup à perdre », souligne Uma Thurman dans sa tribune.

Près de 50 ans après l’arrêt emblématique de la Cour Suprême « Roe v. Wade », qui a reconnu le droit des femmes à avorter, près de 40% de la population pense toujours que les avortements devraient être illégaux dans la plupart des cas, selon l’institut Pew.

Les militants anti-avortement sont très présents sur le terrain et les réseaux sociaux, et les acteurs du planning familial dénoncent régulièrement les pressions exercées sur leurs médecins ou sur les femmes qui consultent leur clinique.

Dans ce contexte, le texte d’Uma Thurman a suscité des réactions aux antipodes. « Merci Uma Thurman de partager votre histoire », a tweeté l’association féministe National Women’s Law Center.

Elle « se félicite d’avoir tué un bébé », critique le site d’informations des opposants à l’avortement LifeNews.

Avant elle, d’autres stars américaines, comme Madonna ou Nicki Minaj, ont osé briser le tabou. Dans un recueil, l’actrice Whoopi Goldberg a livré le témoignage le plus poignant, racontant qu’à 14 ans, elle a utilisé un cintre pour mettre un terme à une grossesse non désirée.

Leur nombre reste bien loin des signataires du « Manifeste des 343 », publié en France en 1971, dans lequel 343 femmes, dont Simone de Beauvoir ou Catherine Deneuve, reconnaissaient avoir avorté clandestinement. Le texte avait contribué au basculement de l’opinion publique et à l’adoption d’une loi légalisant l’avortement.

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