Marc Sluszny: risque Zorro

A 48 ans, ce courtier en Bourse précocement retraité dresse son adrénaline et mate ses craintes à coup de défis aussi improbables que barrés. Entre un saut en chute libre et une petite baignade avec les grands requins blancs. Même pas peur.

A 48 ans, ce courtier en Bourse précocement retraité dresse son adrénaline et mate ses craintes à coup de défis aussi improbables que barrés. Entre un saut en chute libre et une petite baignade avec les grands requins blancs. Même pas peur.


Anvers, côté cossu. Il a garé sa Jaguar, ôte son bonnet. La poignée de main est franche, bien entendu. L’appartement, à l’avenant : ronde-bosse en bronze de Charles le Téméraire, une autre de Louis XIV, seyant de droit divin bien calé sur son destrier. Au mur du salon, une collection impressionnante d’épées qu’on dirait sorties tout droit du Hussard sur le toit. Une cotte de mailles, même, acquise chez Sotheby’s. « Quand j’était enfant, je voulais devenir chevalier », lâche le plus sérieusement du monde Marc Sluszny, bouc stoïque, carrure carrée. L’homme, un vrai, donc, 48 ans, fils de diamantaires, courtier en Bourse jusqu’il y a peu, a décidé de ne pas décevoir le gamin qu’il est toujours, quelque part : voilà plus de vingt ans qu’il vit dans un film d’action. Et quelques mois qu’il travaille son rôle à temps plein.


On ne saura pas grand-chose sur son enfance, qu’il dit « normale ». Peu importe. Le film commence à devenir palpitant à son adolescence, dans les années 80, sur les courts de tennis. Classé cinquième au championnat belge, il représente le plat pays qui est le sien à la Coupe Davis. Mais ne fait pas le poids face aux dieux de l’époque, les Noah, Borg et autres McEnroe. S’en rend compte et plutôt que de jouer le second couteau toute sa vie, s’en va aiguiser sa soif de défi ailleurs. Se dit que la traversée de la Manche à la nage, ce n’est peut-être pas la mer à boire et que « si je peux faire ça, je peux tout faire ». Il a 26 ans quand il débarque exténué, près de Calais : »J’ai réalisé à ce moment-là qu’il ne fallait pas être Superman pour réaliser ses rêves, ça ne dépend que de ce qu’on veut y investir. »


Simple sur le papier, ce lieu commun sans nom a tout de même motivé Marc Sluszny à survoler les Andes en planeur, les Etats-Unis en hydravion, sauter d’un fjord norvégien en base jump, à l’élastique depuis une montgolfière, se classer huitième au championnat du monde d’escrime, septième sur le circuit de Zolder à bord d’une Porsche GT3. Entre autres ; la liste est longue. Kristof Van de Parre la détaille dans De negen levens van Marc Sluszny. De kick voorbij, biographie parue en 2009 (1), qu’on pourra traduire en français par « au-delà du frisson ». Car c’est bien là que l’aventurier cherche son graal, derrière la lourde porte de la peur, là où « on se sent libre ». Il surligne : « Il ne faut pas croire que je suis accro à l’adrénaline comme à une drogue. En revanche, j’adore vaincre mes angoisses. La seule chose qu’on ne peut contrôler, c’est la mort, mais on peut surmonter la crainte qu’elle provoque. » Sans cela, assure-t-il, « jamais » il n’aurait pu garder son sang-froid, un jour de poisse où il resta bloqué dans une grotte, à 100 mètres sous la mer.


Au risque de faire songer à Jean-Claude « aware » Van Damme, Marc Sluszny n’hésite pas à invoquer « les maîtres samouraïs » pour expliquer comment « les seuls qui survivent dans les situations extrêmes sont ceux qui parviennent à se concentrer sur leur hara, le point où toute l’énergie passe. » Dans ces moments-là, pas question de penser aux enfants – on sait qu’il en a deux – ou aux amours – il n’en dit pas grand-chose, et seulement off the record. Concentré de virilité old-style, Marc Sluszny s’épanche peu, mais ne voudrait pas qu’on le croie « sans émotions. J’en ai plein des émotions, même si je passe mon temps à ne pas me laisser envahir par elles. »


Evidemment : quand on s’en va nager avec les grands requins blancs en Afrique du Sud, un des derniers challenges qu’il a relevé et sur lequel il prépare un film, Sharkwise, il vaut mieux ne pas trembler trop facilement. « Le requin blanc, c’est l’archétype de la mort, du diable, du mauvais. Si tu apprends à les connaître, à adopter la bonne attitude en nageant près d’eux, tu te rends compte que c’est faux. » Question de hara sans doute. Et puis de toute façon : s’il devait mourir demain, Marc Sluszny assure qu’il afficherait un grand sourire parce que « j’ai toujours vécu de sorte que si je meurs demain, je me dise que j’ai assez vécu. » Il est libre, Marc.


Baudouin Galler

(1) De negen levens van Marc Sluszny. De kick voorbij, par Kristof Van de Parre, Uitgeverij Vrijdag. (traduction anglaise disponible sous le titre To the limit. The 9 lives of Marc Sluszny).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content