Philippe Hensmans (Amnesty): « Vous connaissez beaucoup de boulots où l’on vous paye pour emmerder des gouvernements? »

© KSENIA KULESHOVA
Mathieu Nguyen

La voix d’Amnesty Belgique depuis bientôt vingt-cinq ans, c’est lui. Nous le retrouvons au coeur de l’actu avec la traditionnelle campagne de vente de bougies mais aussi un rapport sur l’impact de la Covid dans les maisons de repos, qui a trouvé un écho  » jusqu’au New York Times « , se félicite-t-il.

La crise agit comme un révélateur des problèmes. Les problèmes des maisons de repos étaient présents avant, ils sont juste plus visibles. A voir la quantité de réactions que notre rapport suscite… Ce n’est pas un hasard s’il s’appelle « l’angle mort de la politique Covid du gouvernement ». Maintenant, notre objectif, ce n’est pas de prétendre qu’on va traiter la question pendant dix ans, mais de donner un coup de kick et de soutenir les organisations qui travaillent sur le sujet. Dire: « Elles ont des droits, il y a des organisations qui existent, il est temps que les partis politiques changent leurs programmes. » Là, on joue notre rôle.

Il ne faut pas être trop désespéré par ce que l’on voit sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas représentatif de ce que pensent les gens. Nous faisons très régulièrement des sondages, pour évaluer l’opinion des Belges sur certains sujets. L’un des derniers en date concernait les migrants, et il en est ressorti que pour au moins 20% des Belges, non, il n’y a pas trop de migrants, et que l’on peut encore en accueillir. Et ces 20%, ça fait tout de même un paquet de monde.

Sur Internet, il ne suffit pas d’ignorer les trolls: il faut occuper le terrain. On dit toujours qu’un troll n’existe que parce qu’on lui répond et que si on ne le fait pas, il meurt de sa belle mort. C’est vrai, mais cela ne suffit pas, il faut encore occuper l’espace. C’est pour cela qu’on a créé un groupe fermé sur Facebook, intitulé #JeRésiste, dont les 1 400 membres reçoivent une des propositions d’articles, publiés sur Facebook par des médias belges, où il pourrait être utile de rappeler les valeurs fondamentales de la démocratie ou des droits humains. Quand on voit de gros rassemblements de trolls, on essaye d’intervenir, pour ne pas leur laisser le champ libre. C’était un vieux projet, que l’on a fini par mettre sur pied il y a moins d’un an, et qui semble bien fonctionner, puisque le camp d’en face s’en plaint.

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On reporte un peu trop facilement la charge sur les réseaux sociaux. « Facebook doit bloquer ceci, Twitter doit bannir cela. » Mais c’est surtout aux responsables, qu’ils soient politiques, académiques ou autres, de rappeler leurs troupes à l’ordre, de simplement leur signifier: « Ça, ça ne passe pas. » Si, moi, je dis quelque chose de contraire aux valeurs de l’organisation pour laquelle je travaille, je suis viré du jour au lendemain. Une différence importante, c’est qu’aujourd’hui, tout est public, ou au moins plus facile à répandre. Auparavant, vous auriez entendu certains propos au café ou chez le coiffeur; de nos jours, on découvre un tweet polémique dès le réveil, parce que des gens l’ont déjà relayé et il est visible partout.

On peut réagir à quelque chose ou quelqu’un sans lui faire de publicité. Certains personnages n’existent qu’en les nommant. Cette question, on en a beaucoup débattu, notamment à l’époque de l’ancien secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration. Certains pensaient que si on lui répondait, si on protestait contre ce qu’il avait dit, on lui faisait de la pub. Eh bien, je pense moi que l’on peut réagir sans donner son nom; d’ailleurs je ne donne jamais son nom: je parle de « l’ancien secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration ». Tout le monde sait de qui je parle, et ceux qui ne le connaissent pas ne le connaîtront pas par moi.

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Quand j’ai commencé, c’était un peu les années dorées. La chute du Mur, les révolutions dans les pays de l’Est, la mobilisation citoyenne au moment de la fin de Ceausescu en Roumanie, tout ça, c’était extraordinaire. On se disait « On est en train de progresser », alors qu’on se demande maintenant si l’on n’est pas en train de régresser. Mais en fait, on avance, lentement, au fur et à mesure.

Tous les ans, je me demande si je vais continuer. Est-ce que j’en ai encore l’envie et, surtout, est-ce que je ne deviens pas un obstacle à ma propre organisation? La longévité n’est pas forcément une bonne chose. J’ai une évaluation de mon conseil d’administration, qui a toujours considéré que je pouvais rempiler, donc j’ai de la chance. Je le répète souvent, mais c’est un chouette job: vous connaissez beaucoup de boulots où l’on vous paye pour emmerder des gouvernements?

C’est une énorme erreur de croire qu’il n’y a pas de conflit entre les personnes sous prétexte qu’elles bossent pour Greenpeace ou Amnesty. Ce sont des organisations humaines, avec leur lot de conflits, ça fait partie de la vie. Dans ce type d’environnement, avec des gens très mobilisés et très exigeants les uns envers les autres, alors les conflits vont parfois être plus durs qu’ailleurs, où les gens pourraient se dire « Après tout, moi, du moment que je touche mon chèque, je m’en fous ». C’est moi qui ai monté la première grève à Amnesty, je sais de quoi je parle.

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