Rebecca Amsellem, l’anti-Wonder Woman

Rebecca Amsellem © renaud callebaut

Avec son livre, Les Glorieuses – Chroniques d’une féministe, et la newsletter qu’elle envoie chaque semaine, cette docteure en économie entend inspirer un activisme inclusif déterminé à mettre K.-O. le culte de la Wonder Woman.

Enfant, Rebecca Amsellem a annoncé qu’elle voulait devenir présidente de la République. La maîtresse a cru à de l’insubordination ; l’élève n’a pas compris la semaine de colle. Plus tard, elle s’est dit que l’idéal serait  » d’être payée pour lire des livres « . Bibliothécaire, éditrice ? Le cursus d’économie qu’elle pousse jusqu’au doctorat semble l’écarter de ce plan de carrière. Pourtant, aujourd’hui, la jeune femme bouquine durant les heures de bureau et, à l’image d’un chef d’Etat, entend bien influencer la société et la politique. Profession : activiste. Banco.

Tout est parti d’une newsletter :  » Au départ, c’était un hobby, une question de survivance quand j’écrivais ma thèse « , se souvient la fondatrice des Glorieuses, qui envoie aujourd’hui sa missive hebdomadaire à 90 000 abonnés. Elle y aborde des thématiques liées au quotidien des femmes. Elle pointe des inégalités, célèbre des initiatives et épingle avec humour le challenge que représente chaque existence, combattant le mythe de la perfection.  » La société a créé des barrières pour qu’on ne se rebelle pas : être la plus blanche possible, la plus mince possible, la plus attirante possible. Ces injonctions font qu’on n’a plus d’espace mental pour ne serait-ce que penser au fait qu’il n’est pas normal que ces diktats existent. C’est le principal outil de la domination.  »

Prudente n’est pas un adjectif qui me caractérise.

Accepter les imperfections, pour mieux voir les vraies injustices. A la lettre d’information se sont ajoutées différentes actions, notamment le mouvement #7novembre16h34. Cette date symbolisait le jour où les femmes auraient pu se mettre au repos jusqu’à la fin de l’année, en 2016, si l’on se base sur leurs revenus annuels 15 % inférieurs à ceux des hommes. Elle tweete quand Le Petit Robert parle d’érotisme et non d’agression sexuelle dans sa définition de  » frotteur « , elle organise des clubs pour promouvoir la sororité. Celle qui assure qu' » on ne naît pas féministe  » monte la garde, agit.

Comme elle s’est éveillée à la problématique de lutte des classes en lisant Zola vers 10-12 ans, Rebecca Amsellem a découvert les enjeux du féminisme à travers les mots de ses prédécesseurs : Virginia Woolf, Anaïs Nin, Olympe de Gouges… Alors, quand un éditeur lui propose un contrat d’auteur, elle décide assez naturellement de dresser une sorte d’anthologie de son féminisme. Dans Les Glorieuses, elle mêle figures exemplaires et parcours imaginaires à la femme qu’elle est.  » Il y a deux choses essentielles pour faire bouger les lignes. Les femmes doivent prendre soin d’elles : s’accorder du temps, se créer un espace, c’est déjà politique. Ensuite, il faut raconter son histoire et celles de dames dont on a trop longtemps nié l’existence. Utiliser le  » je  » est fondamental ; il faut transmettre. D’autres lisent ces récits et se disent qu’elles ne sont pas seules. Et si elles ne sont pas seules, c’est qu’il y a un problème plus large.  »

Dans une époque de prise de conscience grandissante, l’activiste entrevoit une porte prête à s’ouvrir, un bastion au bord de la reddition :  » On est à un moment-clé. On a des femmes qui sont au pouvoir et qui peuvent aider, qui ont de l’argent, qui sont légitimées par la société et des études. On n’a jamais été aussi proches d’un changement de paradigme des rapports entre les sexes.  »

Dans sa newsletter, il y a pourtant une série de thèmes qu’elle n’aborde pas. Pas encore. Elle ne veut même pas les citer. Prudente ?  » Ce n’est pas vraiment l’adjectif qui me caractérise « , répond-elle, allumant un sourire effronté dans d’immenses yeux bleus qui peuvent devenir glace, au détour d’affirmations déterminées. Réfléchie, alors.  » On ne peut pas tout révolutionner d’un coup, il y a une stratégie à mettre en place. Le bon changement se fait au moment où l’opinion publique commence à être prête sur un sujet et où l’on fait en sorte qu’elle le devienne complètement, via notre action.  » Un plan de bataille à suivre chaque semaine, dans sa boîte mail.

BIO EXPRESS

15 octobre 1988 : Naissance à Paris.

Septembre 2015 : Lancement de la newsletter Les Glorieuses.

Novembre 2016 : Soutenance de thèse en économie (sur les stratégies d’internationalisation des musées) et fondation du mouvement #7novembre16h34.

Avril 2018 : Parution du livre Les Glorieuses – Chroniques d’une féministe chez Hoëbeke.

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