Un autre regard sur les réfugiés

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Fanny Bouvry
Fanny Bouvry Journaliste

Jean-Dominique Burton publie, pour la Foire du Livre de Bruxelles, l’ouvrage Sans Papiers Photographiques (*) qui offre un regard respectueux et humain sur les réfugiés. Soit 23 portraits féminins et 22 masculins de 18 nationalités différentes. Rencontre.

Il s’agit là d’un travail de longue haleine. C’est que le sujet était délicat et l’envie de ne pas brusquer les sujets prédominante pour Jean-Dominique Burton. Durant dix ans, le photographe et vidéaste belge est allé à la rencontre de personnes séjournant au Centre Fedasil de Rixensart et ayant tout abandonné dans l’espoir de trouver un monde meilleur chez nous.

Au final, ce projet a d’abord pris, en 2016, la forme d’un film, alternant portraits et courtes interviews, en langue maternelle, non traduite, afin d’apporter une regard neuf sur ces réfugiés et leur parcours. Après plusieurs diffusions dans la commune, il a été montré sur TV5 Monde où il a bénéficié d’une très large diffusion.

Sans Papiers Photographiques – Le film

Un autre regard sur les réfugiés

Aujourd’hui, cette démarche humaniste prend la forme d’un bouquin, grâce aux éditions bruxelloises Prisme, qui ont mobilisé toute la chaîne du livre (imprimeur…) pour que ce  » projet fédérateur, artistique et altruiste, fruit de dix ans de rencontres et d’échanges  » voit le jour.

Sa sortie, lors de la Foire du Livre de Bruxelles, qui se tient du 14 au 17 février à Tour et Taxis, sera accompagnée d’une conférence de l’auteur, avec le journaliste de la RTBF Eddy Caekelberghs, le 15 février à 18 heures.

Jean-Dominique Burton revient pour nous sur cette aventure…

Vous êtes graphiste de formation, comment en êtes-vous venu à la photographie ?

J’ai étudié le graphisme, la typo et l’imprimerie. Puis, attiré par les philosophies orientales, je suis parti en Inde. Lorsque je rentrais en Belgique, mes amis regrettaient que je ne puisse rien leur montrer. Pour moi, c’est ce que je vivais qui était important. Mais la demande était tellement forte que finalement, j’ai refait trois ans d’études en photo et cinéma. C’est comme ça que j’ai commencé à construire des histoires et à voyager, d’abord trente ans en Asie, puis en Afrique. La différence m’a toujours intéressé. Etre auprès de mes semblables, je trouve ça très facile. J’ai toujours recherché la confrontation par rapport à des spiritualités – entre autres le bouddhisme et l’hindouisme – mais aussi face à des gens qui perdent tout et parviennent à reconstruire une vie par après.

Un système de communication naturel, par le regard, le toucher, le chant… C’est finalement beaucoup plus riche que de baragouiner une langue.

Pourquoi les portraits vous attirent-ils particulièrement ?

En réalité, c’est souvent une alliance d’un portrait et de l’environnement où il se trouve. Mais il est vrai que c’est à travers le regard des gens que je ressens les choses. Je fais partie de la  » génération sacrifiée  » en matière de langues. Ma deuxième langue est le néerlandais, qui m’a été mal enseigné. Ça a toujours été mon handicap. J’ai donc dû développer un système de communication naturel, par le regard, le toucher, le chant… C’est finalement beaucoup plus riche que de baragouiner une langue.

Comment est né ce projet avec les réfugiés, en Belgique cette fois ?

De temps en temps, je reviens vers mes racines. J’ai par exemple passé un an à travailler sur les derniers planteurs de tabac de la Semois, pour faire un livre qui a permis de protéger leurs séchoirs. J’essaye toujours qu’il y ait une suite sociale et réelle à mon travail. Pour Sans Papiers, je conduisais mes enfants à l’école, à Rixensart, et dès 2005, j’ai vu apparaître plein de femmes africaines avec des vêtements chatoyants qui dénotaient dans la grisaille belge. Je me suis intéressé à leur parcours et je me suis rendu compte que dans le Centre Fedasil, à deux pas de chez moi, il y avait plus de 100 nationalités différentes. C’était plein de récits, de langues, c’était Babel. A la base, mon travail devait être soutenu au niveau européen. Puis, j’ai perdu ce financement et la commune de Rixensart m’a proposé de prendre le relais.

Un autre regard sur les réfugiés

Chacune des personnes prise en photo, tient un objet…

J’ai commencé en 2005 ce processus. J’avais monté un studio à Fedasil et je leur demandais de venir avec un objet qu’ils avaient rapporté de leur pays… Tous en avaient un, c’était un talisman, un doudou… Plus récemment, quand j’ai refait des portraits, les nouveaux arrivants n’avaient pour la plupart plus d’objet, ils étaient partis les mains vides et l’avaient photographié dans leur téléphone.

Il faut montrer à tous, et aux enfants, qu’on peut se nourrir des autres cultures.

Qu’apporte ces témoignages visuels en fin de compte ?

Je pense qu’en Belgique, on a l’impression qu’on  » sauve  » les réfugiés, mais en réalité c’est bien plus : on a aussi beaucoup à apprendre d’eux. C’est ce que j’essaye de souligner. Il y a des gens qui prennent des billets d’avion pour le bout du monde afin de rencontrer telle ou telle culture, alors qu’ici, ce sont les cultures qui viennent à nous. Tout n’est pas rose mais il faut profiter au maximum de ces échanges. Mon film et mon livre sont des appels à regarder avec bienveillance et admiration la différence. On sait que dans le futur, il va y avoir un afflux de migrants, il faut d’ores et déjà réfléchir à comment les accueillir. Il faut montrer à tous, et aux enfants, qu’on peut se nourrir des autres cultures. Quand on part d’un point de vue positif, tout change.

(*) Sans Papiers Photographiques, par Jean-Dominique Burton, Prisme Editions.

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