Oh les beaux jours!

Je suis persuadé que le fait de s’entasser sur les plages, l’été, de griller au soleil, de peser de son poids sur un minuscule lopin de sable avec la mer immense au loin et, plus près, sa frange domestiquée, en dépit de l’angoisse que ce fait de société me provoque et en dépit de la consternation inévitable du passant qui, depuis le surplomb de la promenade, embrasse d’un seul coup d’oeil cet étalage pressé de viande abandonnée, abdiquée, sur l’arène des vacances…

Je suis persuadé, dis-je, que l’espèce humaine répond par cette attitude, à bien des égards aberrantes, à un instinct essentiel et beau, celui de tourner le dos au continent et à l’espace praticable, de tourner le dos au faire et à l’agir pour se livrer passionnément à l’être, à son être pur. C’est la pente de la nature, et l’humain est à l’avant des eaux qui y ruissellent. L’humain est la pensée de la nature. Même quand il ne pense pas. Et évidemment beaucoup mieux et plus digne quand il pense. La bronzette massive sur la plage est consternante parce qu’elle donne le spectacle d’une humanité qui ne pense pas, mais elle est admirable parce que malgré tout elle est le spectacle de la pensée de la nature, et de son penchant, de son désir. En quelque sorte aussi de son avenir. De son espérance. Ce mouvement constant de la matière qui se travaille pour s’alléger, se sophistiquer, se transformer en esprit. Merveilleuse patience. Et, dès qu’arrivent les beaux jours, l’humanité, pensée de la nature, ruisselle vers les bords de la matière pour s’abandonner au doux rien faire, annulant dans le repos son corps utile et vivant avec un bonheur parfois extrême une inconscience de nirvana.

G.P.

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