Monica Bellucci: « La jeunesse, c’est une façon de voir la vie. Il faut accepter le temps qui passe »
A 53 ans, l’actrice italienne, élue plusieurs fois » plus belle femme du monde « , devient l’ambassadrice de Nivea. Preuve que la beauté n’a pas d’âge biologique et que l’on a tout à gagner, comme elle, à oser prendre des risques.
Le choix des mots ne doit rien au hasard. La preuve, c’est à plusieurs reprises qu’elle opte pour les termes de » femme adulte » et non pas de » femme mûre » pour qualifier ces quinquas nouvelle génération dont elle est devenue, pour Nivea, l’ambassadrice de la gamme Hyaluron Cellular Filler. Comme s’il fallait en être arrivée là pour abandonner sans remords ces marqueurs de jeunesse qu’impose la société, s’assumer telle que l’on est et entrer en pleine conscience dans ce nouvel âge d’or de la beauté qui prend en compte, avec bienveillance, le charme de l’expérience.
Sublime dans sa robe à fleurs Dolce & Gabbana – » ce sont des amis « , murmure-t-elle de cette voix de velours à la petite musique chantante qu’elle pose, silences compris, à la perfection -, elle s’étonne de la coïncidence de sa présence en Belgique, jusqu’à la veille de notre entrevue, pour le tournage de Spider in the Web, le film d’espionnage du réalisateur Eran Riklis, qui vient juste de se terminer. » Une vraie découverte pour moi, insiste-t-elle. J’ai adoré l’architecture, les restaurants, le chocolat ! »
La jeunesse, c’est une façon de voir la vie. Il faut accepter le temps qui passe.
A 53 ans, Monica Bellucci n’a pas le temps de souffler. On la verra bientôt dans la troisième saison de la série Dix pour cent ; comme tous les » extras « , elle y joue son propre rôle, l’occasion sans nul doute de se moquer de l’image que l’on se fait d’elle. Un cliché de papier glacé qu’elle a su transformer en féminité quasi militante lorsqu’elle accepte, à 50 ans passés, de devenir James Bond Girl. » La jeunesse, c’est une façon de voir la vie, plaide-t-elle. Il faut accepter le temps qui passe : dans un monde où on a tous peur de vieillir, le fait de dire que l’on peut continuer à aimer et à être aimé est un message magnifique. » Développements nuancés.
Est-ce difficile de rester en paix avec son miroir lorsque l’on a incarné plus jeune, de manière quasiment universelle, une certaine idée de la féminité ?
Je préfère parler d’évolution que de vieillissement. L’âge n’est plus quelque chose qui déprécie les femmes car elles se rendent compte que le temps qui passe, l’expé- rience accumulée, tout cela fait d’elles des personnes meilleures. Elles acquièrent plus de respect pour elles-mêmes lorsqu’elles réalisent que la beauté qu’elles dégagent vient de leur vécu, de ce qu’elles peuvent enseigner aux générations futures. Cette expérience justement, il ne faut pas la mettre en compétition avec la jeunesse. Parce que celle-ci aussi est magnifique et, quand on la vit, elle est sublime. Lorsqu’on est jeune, on amène une énergie qui est là mais qui n’est pas consciente. Quand on est adulte, la beauté n’est plus celle de l’âge biologique : elle vient de la sagesse, de la bienveillance qui s’acquiert avec le temps. Quand on est jeune on voit tout en noir et blanc, on se forge des diktats qui sont le produit de choses qu’on vous a racontées. A 50 ans, ce que l’on dit vient de ce que l’on a vécu. Et ce n’est pas la même chose.
Qu’est-ce qui vous a séduite dans la démarche de Nivea, dont vous êtes désormais ambassadrice ?
Choisir une femme adulte pour représenter des crèmes pour femme adulte, c’est une marque de respect. C’est une manière de dire que l’on accepte qu’elle puisse changer avec le temps. Lorsque j’ai été approchée, je me suis sentie honorée de faire partie de cette famille. Je me suis renseignée et j’ai aimé l’idée que cette marque ait été créée en 1911 par un dermatologue et un pharmacien. Que leur première crème soit née pour soigner et qu’elle soit là depuis toujours, ce qui fait d’elle un peu la mère de toutes les crèmes. C’est une marque qui met en confiance. Nivea pour moi, c’est une institution. J’utilise ses produits depuis toujours : en Italie, je vous assure, il n’y a pas une maison où il n’y a pas une boîte de Nivea quelque part. Le fait qu’ils aient pensé à moi, c’est aussi le signe qu’ils aiment l’histoire que je raconte.
Vous parlez de féminité, d’authenticité, de famille, de confiance. Ce sont des valeurs importantes dans votre vie ?
Je suis italienne, du coup ces piliers qui sont les miens me viennent sans doute de ma culture. Pour les Italiens, la famille, c’est quelque chose d’essentiel. Chez nous, on a coutume de dire : » Si tu veux savoir où tu vas, tu dois savoir d’où tu viens. » Après, bien sûr, je dis toujours à mes filles : » Prenez le meilleur de votre maman, le meilleur de votre papa et tout ce qui est moins bien, jetez-le ! » Il faut faire le tri dans son passé, mais il y a toujours de bonnes choses qui nous aident à continuer notre chemin.
Lorsque l’on parle de vous, on fait toujours référence à votre beauté. Cela ne vous ennuie jamais ?
Les compliments, on n’en a jamais assez ! Si on me dit que je suis une jolie femme, je ne me sens pas agressée à cause de cela. La beauté c’est un don. L’entretenir, par contre, c’est un travail.
En tant que comédienne, a-t-on d’ailleurs le choix de ne pas faire tout ce qu’il faut pour ?
Le corps pour une actrice, c’est son outil de travail. La beauté crée une curiosité, mais elle pose aussi des limites. Car une actrice jolie, on a tendance à la cantonner à certains rôles, à ce qu’elle représente physiquement. Cela change heureusement avec le temps, mes personnages prennent de plus en plus d’ampleur. Avant, lorsque je lisais un scénario, la description se limitait souvent à : » Elle est belle ! » C’était une marque de fabrique. A 50 ans, il y a des rides en plus, mais ce n’est pas grave. Car personne aujourd’hui ne va dire que les rides ne sont pas sexy. Que, sous prétexte qu’on en a, on n’est plus féminine.
Est-ce plus facile aujourd’hui pour une actrice de trouver des rôles intéressants, passé un certain âge ?
Avant, une actrice qui avait encore du boulot à 40 ans, c’était une chance. Quand la fraîcheur avait disparu, les rôles suivaient le même chemin. Malgré la beauté, l’expérience et le talent. Maintenant, il y a de longues carrières magnifiques. Les réalisateurs ont enfin compris que la féminité n’est pas liée aux ovaires. On dégage d’autres choses, à l’écran comme dans la vie.
Etes-vous en paix avec votre corps ?
Ce n’est pas facile de s’accepter tout le temps, c’est le travail de toute une vie.
Que cherchez-vous dans un rôle ?
Du challenge ! J’ai besoin d’être la première épatée. Je suis toujours à la recherche d’une nouvelle manière d’exister à l’écran. J’enchaîne les projets comme jamais.
Vous avez un jour dit qu’il était essentiel, pour vous, de prendre des risques. Arrivez-vous à transmettre ça à vos filles, alors qu’en tant que mère, c’est plutôt difficile d’ordinaire ?
Je leur ai offert un livre qui s’intitule Histoires du soir pour filles rebelles d’Elena Favilli. Cela parle de petites filles qui ont eu le courage de casser le moule qui leur était imposé par leur famille ou leur culture. Et c’est la force de briser cette ligne génétique qui leur a ouvert la porte vers autre chose. On peut forcer son destin sans faire de mal aux autres pour autant. Prendre des risques, c’est faire des choses que votre mère ne comprend pas et c’est normal ! Je me souviens que lorsque je jouais dans Irréversible de Gaspar Noé ou que j’interprétais Marie Madeleine dans La passion du Christ de Mel Gibson, ma maman me disait toujours : » Pourquoi tu ne tournes pas dans des films normaux comme ceux que je regarde à la télé ? » Le courage, alors, c’est de l’aimer, de la respecter, tout en poursuivant son chemin quand même.
En quoi la maternité a changé votre vie ?
Le discours sur ce sujet, c’est quelque chose de très privé, de personnel, en tout cas qui ne peut engager que moi. J’ai des amies qui ont opté pour d’autres choix de vie, qui n’ont pas d’enfants et qui en sont très contentes. Ce n’est pas ce qui fait de vous une femme adulte. A un moment de ma vie, j’en ai éprouvé le besoin, j’ai suivi mon instinct, c’était pour moi un passage obligé. A travers mes filles, j’ai appris beaucoup, grandi même. Devenir mère, en ce qui me concerne, c’est apprendre à donner, peu importe ce que vous recevez en retour. C’est donner du plaisir, et ça c’est quelque chose qui fait partie de la maternité.
Leur parlez-vous des combats féministes d’aujourd’hui ? Pensez-vous qu’il leur sera plus facile d’être femmes demain ?
Je ne peux pas deviner si mes filles seront heureuses plus tard, de quoi sera faite leur vie. La seule chose que je fais, c’est espérer qu’elles ressentent tout mon amour pour elles. Elles aussi vont apprendre la vie à travers leurs erreurs, pas à travers mon expérience. Ce qu’il y a de beau aujourd’hui, c’est que les femmes ont le courage de parler. Cela nous a coûté car nous avions peur de nous exprimer, peur surtout de ne pas être crues. Nous apprenons enfin à dire ce que nous pensons, et cela provoque des réactions autour de nous. Nos filles, à travers nous, comme nous à travers l’expérience des femmes qui nous ont précédées, mettront en place une nouvelle chaîne qui nous unira toutes. Nos filles auront plus de respect pour elles-mêmes, elles transmettront ce respect à leurs filles mais aussi à leur garçons, leur apprendront à respecter les femmes. C’est ce respect mutuel qui fera que l’on pourra créer une société plus saine, évidemment.
Nos filles, à travers nous, comme nous à travers l’expérience des femmes qui nous ont précédées, mettront en place une nouvelle chaîne qui nous unira toutes. Nos filles auront plus de respect pour elles-mêmes, elles transmettront ce respect à leurs filles mais aussi à leur garçons, leur apprendront à respecter les femmes.
Vous considérez-vous comme féministe ?
Oui. Et je suis pourtant une femme qui aime les hommes. Je suis convaincue que nous avons besoin d’eux comme eux ont besoin de nous. C’est une position parfois difficile à assumer car une certaine vision du féminisme tend à opposer les hommes et les femmes. Ce n’est pas la mienne. Nous devons obtenir la parité sociale : être payées pareil, respectées pareil, mais accepter notre différence, nous avons d’autres forces. Nous devons nous respecter mutuellement dans nos différences. Alors oui, je suis féministe parce j’ai trop de respect pour toutes les femmes qui ont combattu avant nous, les Simone Veil, les Simone de Beauvoir, les Louise Bourgeois. Elles ont osé créer, dire, faire bouger à travers leur combat la société.
Vous souvenez-vous de tous vos rôles et en gardez-vous une part en vous ?
Isabelle Huppert a dit quelque chose de beau et juste à la fois dans une interview : dans chaque actrice, il y a 1 000 princesses endormies et, quand elle dit oui à un rôle, elle en réveille une. J’aime cette comparaison.
Cela veut dire qu’il y a des rôles qui ne se refusent pas ?
Absolument. Une comédienne agit sur l’instant, pas toujours de manière vraiment consciente. Dans le cinéma, il n’y a pas besoin de mots, l’image est plus forte que tout. C’est à cette magie que l’on ne peut pas dire non. Par exemple, je ne pouvais pas refuser d’apparaître dans la série Twin Peaks aux cotés de David Lynch car je savais que ce serait la cerise sur le gâteau de ma carrière. J’allais avoir un moment de jeu, avec lui, complètement onirique. Pour Spectre, c’était tellement révolutionnaire de choisir une femme adulte pour une scène d’amour avec James Bond : un moment de sensualité avec une femme plus âgée que lui, c’était un message universel, magnifique. Je viens aussi d’accepter de tourner dans une série italienne qui s’appelle Le Miracle. Je n’ai pas lu le scénario, le réalisateur m’a envoyé l’image de ce que je devais représenter et j’ai dit oui. Le monde de l’image, c’est ce qui m’a conduite au cinéma. Lorsque j’étais jeune, en Italie, je vivais en province ; que ce soit dans les magazines ou dans les films, c’est elle qui me permettait de m’évader. Je rêvais de me retrouver à la place de ces femmes qui m’inspiraient. En Italie, on vous dit souvent : » Méfie-toi de tes rêves parce qu’ils peuvent se réaliser. » C’est ce qui m’est arrivé : je vis aujourd’hui de ma passion. Je crois en cette synergie entre le désir et ce qu’il provoque.
L’appartement de Gilles Mimouni (1996). p>
C’est sur ce tournage qu’elle rencontre Vincent Cassel dont elle partagera la vie pendant dix-sept ans. Ils auront deux filles et tourneront neuf fois ensemble. p>
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Astérix et Obélix : mission Cléopâtre d’Alain Chabat (2002). p>
Avec plus de 14 millions d’entrées, ce long-métrage est son premier gros carton. Il lui offre enfin un rôle qui la laisse faire preuve d’autodérision. p>
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Irréversible de Gaspar Noé (2002). p>
Le film fait scandale à Cannes – en cause, une scène de viol qualifiée alors d’insoutenable – lors de la projection. Aujourd’hui encore, le malaise n’est pas dissipé. p>
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La passion du Christ de Mel Gibson (2004). p>
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Dans ce portrait violent des dernières heures du Christ, qualifié de réaliste par son réalisateur et d’antisémite par ses détracteurs, elle incarne Marie Madeleine. p>
Spectre de Sam Mendes (2015). p>
A 50 ans, elle rejoint le cercle très fermé des James Bond Girls. p>
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