Pourquoi on aime le lin: promenade dans les champs de Flandre Occidentale

Il y a mille raisons d’aimer le lin européen. Pour sa naturalité, son éthique et sa traçabilité. Et pour sa beauté. Les pharaons l’avaient compris, Jules César aussi. Cet été, les maisons de mode contemporaines lui déclarent leur amour. Petite promenade à la source, dans les champs de lin de Flandre Occidentale.

Il y a donc mille raisons d’aimer le lin européen. On sait que vous nous croirez sur parole, on se contentera dès lors de vous en expliquer 2. C’est plus que suffisant. En route pour Denterghem et ses champs de lin en fleur, par un matin de juin.

1. Parce que le lin en fleur, c’est beau

Le weekend avait été pluvieux. Tempétueux même. Il avait laissé des traces dans le champ de lin qui s’étale là sur 13 hectares, dans la campagne de Denterghem, Flandre Occidentale. On aurait dit qu’un géant s’y était amusé à faire des roulés boulés, sauf que ce n’était pas du jeu : les hautes tiges par endroit s’étaient couchées sous les coups de massue de l’orage et du vent combinés. Mais si le temps se remet, si le soleil fait correctement son travail, alors peut-être qu’elles se redresseront vers le ciel, pointant à nouveau leur mètre ondoyant à la lisière de l’horizon. Pour le reste, ça ne va pas trop mal.

Des petites fleurs bleues ont fait leur apparition, elles se faneront dans la journée, c’est la loi du lin : une floraison éphémère et matinale, mais à éclosion différée, certifiée sans OGM. La famille Decaluwé est prête, il y a Éric, le père, la mère, la fille, le beau-fils, réunis au sein de Delinco, l’une des plus grandes entreprises de teillage en Belgique. Ils cultivent le lin ici et sur d’autres terres en Wallonie, s’inscrivant dans cette bande côtière qui va de Caen à Amsterdam et qui depuis la nuit des temps vit, dort, mange et rêve par et pour la liniculture.

Dans quelques semaines, il sera temps d’arracher les tiges et de les laisser rouir à même la terre, en andains, en une nappe régulière. Sous l’action naturelle de la rosée, de la pluie, du vent et du soleil, mais pas trop – comprenez l’importance de la météo-, la fibre textile se désolidarisera des parties cellulosiques de la tige, c’est fascinant. En attendant, il n’est pas encore l’heure de l’arrachage. Bart Depourcq, président de la Confédération européenne du lin et du chanvre, s’aventure parmi tout ce vert couronné de bleu, il cueille une botte de lin, d’un geste sûr, il la noue puis la fait tourner pour vérifier la montée de la cellulose. Il sourit, c’est bon. La nature fait son oeuvre, avec zéro irrigation et respect total des sols puisque le lin ne  » suce  » pas la terre et qu’on le cultive en rotation tous les sept ans – merci, dit le terroir reconnaissant.

2. Parce que le lin, c’est local

Cette culture qui s’étend de la France aux Pays-Bas, en passant par notre plat pays, produit 85 % du lin mondial – 130 000 hectares et 171 000 tonnes de fibres longues teillées. Les Decaluwé forment un maillon de la chaîne. On a quitté le champ de Denterghem, direction Zulte, où s’alignent les bâtiments de Delinco. C’est là qu’arrivent en droite ligne les balles d’andains, après le rouissage, quand septembre débutera. Le grand hangar de stockage est loin d’être rempli, il y flotte un parfum herbacé, quelques balles des récoltes des années précédentes y sont encore stockées, prêtes pour le teillage. Le processus est mécanique, une grosse machine, avec l’aide de l’homme, déroule les ballots sur un tapis roulant. Dans un bruit assourdissant et nuage de poussière volante, la broyeuse broie la nappe de tiges, opération zéro déchets – tout est bon dans le lin. Au bout de la chaîne, des écheveaux attendent le regard aiguisé d’Éric Decaluwé. On dirait de fins et longs cheveux, d’une belle couleur grise. Il inspecte la brillance, le toucher un peu gras puis casse quelques fibres, d’un coup sec : la brisure n’est pas nette, la récolte est de qualité. Viendront alors le peignage et la filature, confiés à d’autres professionnels forcément amoureux de cette matière naturelle, puis enfin le tissage, le tricotage et même l’ennoblissement  » Quand c’est mauvais au champ, prévient-il, c’est mauvais jusqu’au bout.  » Et inversement. Exactement comme le champagne, auquel le lin emprunte la méthode afin de mêler les fibres pour un fil de qualité constante. Il s’agira, dès lors qu’on s’offrira une parure de lit, une nappe ou un vêtement de vérifier l’étiquette. S’il est labellisé lin européen, European Flax et Masters of linen, on peut craquer les yeux fermés, en toute connaissance de cause.

Le lin, toute une histoire

La preuve avec quelques dates clés.

-36 000. Les premiers fragments de lin textile, découverts dans une grotte en Géorgie, datent de cette époque-là, bien longtemps donc avant notre ère.

-58. Jules César entame sa guerre des Gaules et est durablement impressionné par la qualité des textiles en lin produit dans les plaines des Flandres par une population qu’il désigne sous le nom de Belgae.

1066. La tapisserie de Bayeux et ses 70 mètres de lin déroulent l’histoire de Guillaume Le Conquérant

1685. La révocation de l’Edit de Nantes pousse à l’exil plus de 6000 tisseurs et dentelliers français. Le savoir-faire du lin se répand à travers l’Europe.

2010. Innovations techniques avec la maille de n et le lin lavé, plus souple, élastique et infroissable.

2021. 85 % de la production mondiale du lin fibre provient d’une zone côtière allant de Caen à Amsterdam.

Le lin, en chiffres

Zéro irrigation (dans les champs). Zéro déchet (au teillage). Thermorégulateur (sur la peau). Résistant (au fil des ans). Et stylé. Merci les créateurs, merci les maisons de luxe, merci les grands groupes de mode. Prenez Uniqlo qui, ce printemps-été, a volontairement mis le lin européen à l’honneur, en un partenariat fructueux avec la Confédération européenne du lin et du chanvre. Une histoire de  » lifewear philosophy  » où il est question de cette matière eco-friendly, locale et plus chic que jamais. Ce n’est pas pour rien que les Japonais traduisent le lin par cette si jolie métaphore :  » le vent tissé « . Ce n’est pas un hasard si les chiffres montrent l’engouement pour cette matière séduisante. La Confédération européenne du lin et du chanvre vient de publier une étude qui en dit long sur le phénomène : on y apprend que + 49 % des designers ont présenté au moins 1 silhouette en lin dans leur collection printemps-été 21, versus 2020 ; + 102 % de looks en lin dans les collections Femme sur les podiums printemps-été 21 versus 2020 ; 1 hectare de lin européen = 900 kg de fils ou 3750 m2 de tissus ou 4000 chemises ou 450 parures de lit complètes 1375 chaises en lin composite et, primordial, que 515 000 Tonnes de CO2 sont retenues chaque année par la culture du lin européen

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