La chronique de Grégoire Polet: The best bidoche

Toutes les deux semaines, l’écrivain Grégoire Polet nous dévoile ses coups de coeur et coups de griffe.

L’autre jour, en me promenant dans un rustique village catalan (versant de colline, rivière dans un creux, prés abrupts, maisons de pierre, odeur de feu de bois), dans la vitrine de l’unique magasin, j’ai vu, suspendus, les plus longs saucissons que j’aie jamais rencontrés. Deux mètres cinquante au bas mot. Je savais bien que l’intestin est fort long, je comprends donc qu’on puisse trouver des boyaux de plusieurs mètres et les fourrer ensuite en saucissons interminables et musculeux, mais entre ce qu’on conçoit théoriquement et la surprise de ce qu’on voit, il y a un pas.

Bien ! Une surprise pareille m’avait saisi le jour où, dans une antique ville de moines guerriers (Morella, ville encore toute médiévale, ronde, montant comme la tour de Babel peinte par Bruegel, au milieu d’une immense étendue vide et venteuse qu’elle prétendait jadis surveiller et qui désormais l’isole comme un mont Saint-Michel de pleine terre dans un océan de solitude), je vis, cette fois : du jambon de vache ! Toute une énorme patte de vache rose, écorchée-fumée, pendue par le sabot dans une petite vitrine, quand vous passez dans la rue, ça vous tire du coin de l’oeil, ça vous fait tourner la tête, vous pencher, dévier votre chemin, faire deux pas de côté et ressembler à une vache en meuglant : waooiointavuçac’estquoiçjambon ?

Je pense à ouvrir un resto à Bruxelles : une porte entre deux fenêtres (transformées en vitrines minimalistes blanches luxe). Dans chaque fenêtre un vaste, colossal, jambon de vache, cambré et pendu par le sabot, comme botte de cuir à 3000 euros chez Gucci. J’appelle le restaurant: The best bidoche. Tout le monde en parle. Je fais fortune. Qui veut ?

Grégoire Polet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content