Tania de Montaigne

Chroniqueuse, écrivaine et chanteuse, Tania de Montaigne a de multiples talents. Avec son dernier roman, Les caractères sexuels secondaires, elle pose un regard décalé et décomplexant sur le quotidien des femmes « comme tout le monde ». Mais elle, qui est-elle vraiment ?

Etes-vous « une femme comme tout le monde » ?
Oui, même si, en réalité, il n’y en a pas. Les femmes veulent faire comme tout le monde. Mais chacune se débrouille comme elle peut… Il est passionnant d’observer ce à quoi on échappe et ce vers quoi on tend. Les livres sur le développement personnel me rassurent. Ne sommes-nous pas les seuls animaux à penser ce que nous sommes ?

Petite fille, vous étiez…
Timide. Mon rêve ? Avoir les cheveux qui bougent et recevoir un vélo avec des roues qui tournent ! Fan de Louis de Funès, j’avais droit à une dérogation quand ses films passaient à la télé. Par ailleurs, d’origine antillaise, je n’étais pas habituée à ce que la couleur de peau vous détermine. L’école m’a forcée à me poser des questions. C’était rude, mais cet apprentissage m’a obligée à me penser. Aujourd’hui, je refuse de me laisser résumer à ça, sans pour autant oublier que la distinction a été la ligne directrice de sociétés comme l’apartheid ou l’Allemagne nazie. C’est toujours en germe…

Votre ambition de jeunesse ?
En entamant des études de sciences politiques, je voulais améliorer l’accompagnement scolaire. J’ai évolué dans une école de notables, formant une élite. Le week-end, je retrouvais ceux de l’école de la cité. Orientés vers la coiffure et la mécanique, la plupart ne décrochaient pas leur Bac. Tout se joue sur la façon dont on s’appréhende… Marraine du réseau de lutte contre l’illettrisme Coeurs à lire, je travaille sur le lien entre l’école, les parents et les enfants, afin qu’ils soient acteurs de leur scolarité.

Une leçon de la vie ?
Ma mère et ma grand-mère m’ont appris à ne pas m’imposer de limites. Tout est possible à condition de travailler pour exaucer ses désirs. Quand j’ai eu envie d’écrire ou de faire de la musique, je ne me suis pas bloquée. Au pire, c’était insatisfaisant.

Vos livres de prédilection ?
Dans la bibliothèque de mon oncle, je prenais en cachette la BD de Gotlib. Formidable, un vrai rapport à l’absurde. Je suis tombée, par hasard, sur Jean-Philippe Toussaint. Monsieur (Les éditions de Minuit) est bluffant car il s’autorise l’humour et la mélancolie. J’anime le cours Lecture et écriture, en Sciences Po à Paris, parce que l’une mène à l’autre. La lecture est une rencontre avec soi-même. Il suffit de papier et d’encre pour lever l’ancre.

Un(e) musicien(ne) ?
Selon Benjamin Biolay – qui produit les morceaux que j’écris -, j’aborde la musique de façon littéraire. Il m’a fait découvrir aussi le destin de Marilyn Monroe. Passionnant.

Une série télé ?
Petite, c’était Happy Days pour cette vie en chansons, où il n’y avait rien de grave. Là, je suis accro à Six Feet Under.

Un modèle ?
Quand je me décourage, je pense à Björk. Que ce soit dans sa liberté ou son travail, elle témoigne d’une grande exigence de singularité.

Vous rêvez de rester coincée dans un ascenseur avec…
Steven Soderbergh, pour qu’il me raconte comment il réfléchit ; George Clooney car, outre sa beauté, il m’a l’air drôle ; John Irving, qui m’intrigue pour sa façon d’envisager les personnages féminins.

Vos « caractères sexuels secondaires » ?
Mes seins, qui sont « techniquement en avant » (rires). Chez un homme, la voix est un critère important.

Etre en couple, c’est…
Il est possible que deux personnes se trouvent une affinité – fondée sur des choses névrotiques – et se retrouvent pour un temps. La rupture est néanmoins intéressante car c’est dans ces moments qu’on est obligé de se questionner.

Le look qui vous va ?
Je ne suis pas esclave des fringues ou des chaussures. Ces accessoires doivent être à mon service et non m’empêcher de marcher ou de m’asseoir. Depuis que ma mère m’a acheté des talons, j’en mets malgré mon 1,75 m. J’aime les vêtements cool et près du corps, surtout les pantalons, les tee-shirts et les robes. Mes modèles : pas chers, en coton et lavables en machine !

Votre recette de bonheur ?
Tout comme dans mon roman, un peu d’aventure qui passe par l’art, la douceur et le rire. S’il y a déjà ça, c’est une chouette vie.

Optimiste ou pessimiste ?
Je pense qu’il existe des choses sur lesquelles on peut peser, à sa mesure. En faisant du bénévolat dans des associations, j’essaye de faire découvrir la lecture, à une personne qui n’y a pas accès.

Avoir des « centaines de questions sans réponse », délicieux ou frustrant ?
J’avoue que j’aime bien ça car, c’est en marchant qu’on invente un chemin.

Propos recueillis par Kerenn Elkaïm

Les caractères sexuels secondaires, par Tania de Montaigne, Flammarion, 240 pages.

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