A Toulouse, les Machines sortent d’un long sommeil

François Delarozière, directeur artistique de la célèbre compagnie de spectacle de rue, La Machine. © AFP

Longtemps bannies de la Ville rose, les machines géantes de François Delarozière sortiront jeudi d’hibernation pour révéler au grand jour leurs carcasses d’or, d’acier et de cuir, et déambuler fièrement pendant quatre jours dans un centre antique de Toulouse fermé à la circulation.

« On offre un cadeau aux Toulousains, on leur apporte du rêve », se félicite François Delarozière, directeur artistique de la célèbre compagnie de spectacle de rue, La Machine. Après Nantes, Liverpool ou Yokohama, c’est à Toulouse que « nos créatures géantes vont créer une émotion au cours d’un spectacle de rue en quatre actes » baptisé ‘Le Gardien du temple’, souligne le concepteur d’un vaste bestiaire d’automates mondialement connus.

Vedette du spectacle, un Minotaure mouvant de 47 tonnes et 12 mètres de haut, manipulé par seize machinistes, sortira des tréfonds de la ville labyrinthe, sous le regard protecteur d’Ariane, la colossale araignée qui le guidera jusqu’au temple sacré, selon un scénario gardé secret.

A l’image du Grand éléphant de la compagnie à Nantes, le Minotaure « sera le porte-drapeau métropolitain » de Toulouse, s’enorgueillit l’ingénieur-artiste, qui veut bien confier à l’AFP que le colosse « portera sur son dos le Capitole », où siège aujourd’hui l’Hôtel de ville toulousain.

Entièrement « inventé » et créé pour Toulouse, Le Minotaure sommeille pourtant depuis 2013 dans l’usine de Tournefeuille (Haute-Garonne). Voté par la précédente municipalité PS de Pierre Cohen, à hauteur de 2,5 millions d’euros, le mastodonte, truffé de technologies, attend depuis cinq ans l’autorisation d’être exploité.

– « crispations » –

Car le monstre mi-homme mi-taureau a d’abord provoqué des « crispations » chez le nouveau maire LR Jean-Luc Moudenc. « Certes, c’est un bel objet mais c’est un très gros investissement culturel », explique Francis Grass, son adjoint à la culture. Il cite un investissement de 25 millions d’euros au total, dont 5,7 millions de subventions sur dix ans, et 2,2 millions pour le spectacle.

« C’est quand même beaucoup d’argent public, il fallait discuter des contreparties et des risques », dit-il à l’AFP, parlant de « discussions assez ardues ».

La municipalité de Pierre Cohen s’était aussi engagée dans la construction d’une Halle des machines, sorte d’écurie de 6.000 m2 pour abriter le Minotaure et 60 à 80 créatures fantastiques, en bordure de la piste légendaire qui vit décoller Mermoz et Saint-Exupéry. Pour un coût de 16 millions d’euros.

Un contrat de mise à disposition d’un an avait été signé « que nous ne pouvions pas dénoncer », ajoute M. Grass, et la position de la Halle « si près d’un lieu sacré » de l’aéronautique, faisait tache pour les nostalgiques. Y compris pour Jean-Luc Moudenc qui à l’époque parlait de « monstruosité » et de « provocation » dans ce lieu de mémoire, selon France3.

Pendant près d’une décennie, La Machine « était incontestablement en sommeil », admet Francis Grass. « On ne monte pas ce genre de projet aux forceps, il faut que l’idée fasse son chemin », tempère un François Delarozière, placide.

Finalement, la ville a réuni deux projets en un seul lieu, baptisé « la Piste des géants », où la mémoire illustre des pionniers de l’aéropostale côtoie les créatures monumentales de la Halle.

« Les machines s’humanisent quand on les fait bouger », précise François Delarozière, qui dessine ses créations comme le faisait Léonard de Vinci. « Par le mouvement, on crée de l’émotion, le mouvement est l’expression de la vie ». Ainsi le Minotaure déploiera sa carcasse de bois de tilleul sur la piste mythique, dès l’inauguration de la Halle, les 9-10-11 novembre.

« Comme une écurie vivante où les chevaux se préparent avant de partir au spectacle », la Halle veut désormais « faire rêver » quelque 200.000 visiteurs l’an prochain, espère la compagnie nantaise qui crée 35 emplois. La mairie prévoit même des packages aéronautique-la Machine-la Cité de l’espace, pour attirer davantage de touristes à Toulouse.

Un heureux épilogue pour les machines géantes, qui avaient été chassées manu militari de Toulouse à la fin des années 80 quand elles étaient estampillées Royal Deluxe. L’ancien maire Dominique Baudis n’avait pas apprécié qu’on fasse rôtir un bus de la ville sur un tourne-broche géant.

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