Babylone, merveille de l’Irak

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En plus de 4.000 ans, la cité antique de Babylone, inamovible symbole de l’Irak, a connu l’opulence des jardins suspendus et les saccages de la guerre, avant d’être inscrite vendredi au patrimoine mondial de l’Unesco.

A travers les vestiges, sous un soleil de plomb, les rares visiteurs peuvent retracer les différentes époques de Babylone, partant de celle des Akkadiens à celle de la folie des grandeurs du dictateur irakien Saddam Hussein, qui a reconstruit les palais de Nabuchodonosor à même les ruines, au grand dam des archéologues.

Sous un soleil de plomb, Farzad Salehi, un homme d’affaires iranien de 38 ans, avance avec un ami et un guide sur la voie processionnelle de Babylone, à 100 km au sud de Bagdad. « C’est fantastique », s’exclame-t-il. Mais « c’est aussi triste de ne voir aucun touriste, le gouvernement devrait faire davantage pour attirer des visiteurs de partout ».

Car Babylone, site de 10 km2 tout juste inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, fait rêver et intéresse bien au-delà de l’Irak.

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Ses fameux jardins suspendus, qui n’ont jamais été localisés, ainsi que de la tour biblique de Babel sont connus du monde entier. Sans oublier Nabuchodonosor II, roi de Babylone, célèbre entre autres pour avoir détruit le Premier Temple de Jérusalem, en 587 avant J.C, et érigé la Porte d’Ishtar, immense ouvrage de briques bleues gardant l’une des huit entrées de Babylone.

De l’Euphrate à Berlin

Transportée par milliers de morceaux au début du XXe siècle au nom de l’archéologie coloniale, la Porte d’Ishtar est aujourd’hui de nouveau sur pied, bien loin des rives de l’Euphrate… à Berlin.

L’Irak, qui pourrait ne jamais récupérer l’édifice original, large de 28 mètres et vieux de 2.600 ans, se contente depuis de pâles copies aux couleurs criardes, qui ornent restaurants et centres commerciaux, jusqu’à l’entrée de l’aéroport de Bagdad.

Pas un élève irakien n’a échappé au voyage scolaire sur le site archéologique. Et pas un livre scolaire n’est imprimé en Irak sans un chapitre consacré à Babylone.

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« Il semble qu’il soit impossible de se débarrasser de Babylone dans le récit national multimillénaire de l’Irak », note Géraldine Chatelard, conseillère pour le patrimoine mondial auprès du gouvernement irakien.

Pourtant, Babylone aurait pu représenter une période païenne et donc mécréante pour les partis religieux désormais au pouvoir en Irak.

Et la passion que lui a porté Saddam Hussein aurait aussi pu la lier à jamais à son règne sanglant. Des bas-reliefs le mettant en scène trônent encore dans son palais qui surplombe Babylone.

« Fierté nationale »

L’ancienne capitale, transformée par le temps en une immense étendue de briques couleur sable, a payé un lourd tribut aux millénaires qui se sont écoulés depuis son apogée, mais aussi aux conflits qui ont meurtri l’Irak ces quatre dernières décennies. Le pillage de soldats américains et polonais, qui y en avaient fait leur base militaire de 2003 à 2005, a aggravé la situation.

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« Ils ont laissé des tonnes de déchets militaires et ils avaient même repeint la reproduction de la porte d’Ishtar à l’entrée en noir », raconte, atterré, Qahtan al-Abeed, directeur des Antiquités de Bassora, qui a porté le dossier de Babylone auprès de l’Unesco.

Depuis dix ans, les autorités archéologiques irakiennes et le Fonds mondial pour les monuments ont déblayé un passage parmi les ruines pour inciter les visiteurs à explorer la cité antique.

L’annonce de l’Unesco est « une reconnaissance prestigieuse et une bonne nouvelle pour les autorités qui espèrent qu’elle va renforcer la fierté nationale », assure Mme Chatelard.

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Sur les cinq sites irakiens déjà inscrits à l’Unesco, trois figurent sur la liste du patrimoine en péril, dans ce pays où le groupe Etat islamique (EI) s’est livré il y a cinq ans à un « nettoyage culturel ». Après 35 ans du parti Baas –dont une décennie d’embargo– puis 15 ans de violences confessionnelles et jihadistes, l’Irak veut revenir sur la scène culturelle et touristique, revendiquant près de 7.000 sites archéologiques. Intégrer la prestigieuse liste de l’Unesco permettra peut-être d’inciter les dirigeants irakiens à investir dans la restauration de Babylone, après des années de budget serré en raison de l’effort de guerre.

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Ils ont déjà alloué « 50 millions de dollars à Babylone », soit 44,5 millions d’euros, se félicite M. Abeed qui espère ainsi susciter « une prise de conscience ».

Ghadir Ghaleb, une ingénieure de 24 ans qui travaille depuis un an à Babylone le rappelle: « Ici se trouvent nos racines et les racines de la civilisation ». « Babylone me rend fière », confie-t-elle à l’AFP. « Nos ancêtres ont construit tout ça. Maintenant c’est à nous de le protéger ».

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