48 heures à Bilbao

Le pont de la Salve, devant le musée Guggenheim. © SDP / Guggenheim Museum
Agnes Goyvaerts Journaliste

Celle que les Basques appellent « Bilbo » n’est pas encore saturée de touristes, malgré son très attirant musée Guggenheim. La ville a pourtant toutes les cartes en main pour devenir un jour la nouvelle Barcelone, sur le plan culturel, architectural ou même culinaire.

JOUR 1

9 heures – Demandez la carte

Dans cette cité qui s’étend sur les rives du Nervión, jusqu’à la mer, on a vite fait d’accumuler les kilomètres. L’office de tourisme, sur la Plaza Circular, a la solution: la Bilbao Bizkaya Card, qui permet d’emprunter sans limitation ses bus, trams, métros et même… son téléphérique pendant 24, 48 ou 72 heures, et ce à un prix modique (10, 15 ou 20 euros). Elle ouvre également l’accès gratuit aux visites guidées de Bilbo Turismo et propose des réductions dans certains musées (ni le Guggenheim, ni les beaux-arts, hélas). Bref, un investissement précieux.

9h30 – Jamon jamon

Traversez le pont et suivez le fleuve jusqu’au Mercado de la Ribera pour une première rencontre avec les mille saveurs de la ville. Depuis 1927, on y propose des tonnes de produits locaux, mais aussi des échoppes où l’on peut déguster sur place un café bien serré, une brioche, une part de tortilla ou une incontournable assiette de Jamón Ibérico de Bellota. Au passage, levez donc les yeux pour admirer les jolis vitraux colorés de la halle.

Pas d'apéro sans pinchos.
Pas d’apéro sans pinchos.© Getty Images

12 heures – Pique-nique avec vue

Une fois les provisions glanées, empruntez le téléphérique pour rallier le Mont Artxanda. Le cadre parfait pour un pique-nique. Installée à 250 mètres d’altitude, la plate-forme d’observation offre une vue éclatante sur la ville. L’occasion, justement, de cogiter sur le surnom d’El Botxo – « le trou » – curieusement attribué à Bilbao. Certains estiment qu’elle le doit à sa situation: une tache urbaine nichée dans un écrin de vertes collines. D’autres y voient une référence à son passé industriel et à ses aciéries qui empêchaient la lumière d’arriver jusqu’ici. Quoi qu’il en soit, c’est dans les années 90 que Bilbao a connu son véritable second souffle, avec des projets architecturaux et culturels qui, petit à petit, ont fait sa réputation. Le port a déménagé plus en aval, les abords du fleuve se sont dotés d’une agréable promenade et le spectaculaire musée Guggenheim y a pris ses quartiers. Depuis le Mont Artxanda, sur votre gauche, sont visibles les ruelles étroites de la vieille ville – ou casco viejo -, tandis qu’à droite, le Nervión déploie jusqu’à l’océan ses méandres et ses ponts – dont le Zubizuri, signé par l’architecte Santiago Calatrava. On aperçoit aussi les quartiers plus modernes, développés principalement autour de « l’artichaut » du Guggenheim et du stade de football San Mamés.

Le Zubizuri de Santiago Calatrava.
Le Zubizuri de Santiago Calatrava.© SDP/Bilbao Tourismo

14h30 – Leçon de basque

Tradition espagnole respectée: vers 13h30, toutes les boutiques baissent leurs volets jusqu’à 16 ou 17 heures. Un mode « sieste » que l’on met à profit pour apprendre quelques mots de basque, histoire de s’y retrouver dans les noms de rues et de lieux, dont les mentions bilingues prêtent parfois à confusion. L’idiome local n’étant apparenté à aucune autre langue connue, c’est fastidieux. Ainsi, la « calle » espagnole (rue) se fait « kalea » en basque, le « puente » (pont) devient « zubia », et sachez qu’un peu partout, un petit « eskerrik asko » (merci) sera très apprécié…

15 heures – Marins et bâtisseurs

L’histoire du Pays basque est passionnante. La preuve au Museo Vasco, installé dans la vieille ville à côté de l’église de Los Santos Juanes, dans un ancien collège de jésuites. Ses quatre étages évoquent l’architecture typique – de grandes maisons blanchies à la chaux, avec des volets verts ou rouges -, la chasse à la baleine qui a longtemps été la première source de revenus de la région, les ferronneries qui ont fait la richesse de la cité, le mobilier, les vêtements, les géants ou l’art. Tout en haut, trône un modèle réduit de la province de Biscaye, où l’on peut ausculter Bilbao en version miniature.

16h30 – L’appel du béret

Le Casco Viejo s’est réveillé de sa sieste. Dans ses ruelles, le rez-de-chaussée de la plupart des bâtiments est occupé par des magasins, bars et restaurants qui, à l’exception de quelques shops à touristes, n’ont pas encore trop souffert de la gentrification et vivent jusqu’à présent d’une clientèle locale. Ici, un épicier qui remplit à la pelle un sac en papier de haricots secs. Là, des morues séchées suspendues dans une vitrine. Plus loin, le chapelier de la Calle Victor, fabricant de couvre-chefs sur mesure depuis quatre générations, arbore notamment les fameux « txapelas », alias les bérets basques. Ailleurs, commencent à surgir des enseignes plus modernes, comme celle du styliste Alberto Sinpatron et son étalage témoignant de son évidente sympathie pour Vivienne Westwood. « Bilbao est la nouvelle Barcelone, affirme-t-il, et il y a quelque chose d’indéfinissable qui unit les créateurs d’ici. » Un peu plus loin, les élèves de l’académie font campagne pour une mode durable, tandis qu’une boutique hippie laisse échapper des effluves de cannabis.

La promenade Abandoibarra, le long de la rivière.
La promenade Abandoibarra, le long de la rivière.© Getty Images

18 heures – L’heure des pinchos

Les Basques donnent l’impression de ne jamais s’arrêter de manger… sauf pendant la sieste, bien sûr. Le temps fort de leur journée? L’heure de l’apéro, ou plutôt du « potéo », durant lequel on fait la tournée des bars et des amuse-bouche étalés sur les comptoirs. Une sorte de compétition permanente entre les pinchos, qui rivalisent de goûts, de couleurs et d’originalité. Entre la pleurote garnie d’une (authentique!) crête de coq, les simples banderillos (olive, piment, anchois…) ou les délicates compositions à base de crabe, de jambon ou de sardines, il y a de quoi se sustenter durant des heures. Bon à savoir: le nom de pincho vient du cure-dents reliant les ingrédients. Traditionnellement, on se sert à volonté, puis, à l’addition, il suffit de faire le compte des bâtonnets. Nos adresses testées et approuvées? Le Bar Bilbao, sur la Plaza Nueva, dont la façade bleu vif attire (entre autres) les supporters de l’Athletic Bilbao, ou encore le Victor Montes, qui remporte clairement la palme du plus beau décor.

JOUR 2

10 heures – Entre pluie et beau temps

Petite promenade en mode « impro ». Et l’occasion de comprendre pourquoi le paysage, autour de Bilbao, est aussi verdoyant: les averses ne sont pas rares! Aussi, à la moindre ondée, surgissent une multitude de vendeurs de parapluies. La ville est également habituée au « sirimiri », un léger crachin qui contraint les habitants à couvrir le linge qui sèche aux fenêtres d’un parapluie ou d’une bâche. Les parasols des terrasses, eux, se transforment en « pépins » quand c’est nécessaire…

12h30 – L’art à la pelle

C’est l’heure idéale pour faire un saut au Guggenheim (billet à réserver en ligne pour éviter les files): la première vague de visiteurs, arrivée vers 10 heures, a passé la porte depuis un bail. L’extraordinaire bâtiment de Frank O. Gehry est à la hauteur de sa réputation, tout comme le Puppy fleuri de Jeff Koons ou l’araignée surdimensionnée de Louise Bourgeois. C’est également une excellente adresse pour manger: les plats du Bistro sont signés par Josean Alija, le chef de l’incroyable restaurant étoilé Nerua. Pour 39 euros, on déguste un menu 3-services avec abondance de choix, vin et service irréprochables. Précisons tout de même que Bilbao possède bien d’autres atouts pour séduire les amateurs d’art, à l’instar du très beau Museo de Bellas Artes, sur la rive opposée, ou de l’épatant Azkuna Zentroa, aménagé par Philippe Starck dans un ancien entrepôt de vins reconverti en centre polyvalent, où se rencontrent les formes d’expression les plus novatrices.

Au Guggenheim, le Puppy de 12 mètres de hauteur, une oeuvre de Jeff Koons.
Au Guggenheim, le Puppy de 12 mètres de hauteur, une oeuvre de Jeff Koons.© SDP/Guggenheim Museum

14h30 – Sur les flots

Une escapade s’impose jusqu’à la station de métro Areeta ou Portugalete. En sortant, on tombe nez-à-nez avec le majestueux Puente Colgante ou Puente de Vizcaya, le plus ancien pont transbordeur au monde. Conçu par un élève de Gustave Eiffel, il relie depuis 1893 les petites villes de Portugalete et de Getxo. Si vous n’êtes pas sujet au vertige, empruntez l’ascenseur jusqu’à la passerelle située à 50 mètres du sol, puis traversez celle-ci à pied pour admirer la vue sur l’embouchure du Nervíon. Autre approche, plus classique: prendre la gondole automatisée qui charrie piétons et voitures d’une rive à l’autre, puis poursuivre jusqu’à la plage (rive droite) ou profiter d’une très belle promenade bordée de parcs, plaines de jeu et oeuvres d’art, qui repart en direction de la ville.

Le Puente Colgante et sa gondole suspendue..
Le Puente Colgante et sa gondole suspendue..© SDP/Basquetour

16 heures – Shopping? Claro!

Autres stations de métro à rallier: Moyua ou Abando, au coeur des quartiers animés truffés de bureaux et de boutiques. Il faut savoir que les bouches du tube de Bilbao, structures de verre et d’acier semblant émerger du sol comme des chenilles étincelantes, ont été dessinées par le célèbre architecte britannique Norman Foster. Elles sont d’ailleurs affectueusement surnommées « fosterito’s ». Dans le centre commercial de l’Ensanche, on remarque que les Bilbayens ont gardé le goût des beaux classiques: élégamment vêtus, ils sortent de chez Zara ou du mythique Corte Inglés. Çà et là, on croise des boutiques de chaussures, de tissus ou de décoration traditionnelles. Mention spéciale pour le concept store Persuade (8, Villarias), qui affiche des marques telles que Maison Margiela et Comme des Garçons, mais aussi des chapeaux, vases et meubles originaux. Pour des vêtements sympas et raffinés (Irié, Opening Ceremony…) à associer avec des parfums inspirés, direction Arropame (5, Villarias). L’impressionnant bâtiment qui trône au milieu de ce quartier bouillonnant? C’est le Diputación, qui abrite les institutions publiques.

La modernité du métro bilbayen, dont les bouches sont signées Norman Foster.
La modernité du métro bilbayen, dont les bouches sont signées Norman Foster.© SDP

18h30 – Détente à prix cool

Après le boulot, beaucoup se retrouvent dans les bars de la Calle Diputación, dont l’ambiance est nettement moins touristique que celle de la vieille ville. Pour prendre un verre et déguster d’excellents pinchos, on recommande le bar El Globo et la Viña del Ensanche. Le vin de la région, le txakoli – prononcez « tchakoli » -, est aussi frais que léger. Initialement produit par les paysans des environs pour leur usage personnel, il a peu à peu gagné en qualité, au point que la province compte aujourd’hui une cinquantaine de domaines dotés de technologies de pointe. A savourer avec du poisson, des crustacés ou du fromage de brebis, il est généralement servi à prix d’ami: un euro le verre. Bien sûr, les « riojas » sont tout aussi respectables et bon marché. Mini point négatif: les cartes de bières, qui affichent surtout de l’Amstel ou de la Heineken, alors que l’Espagne regorge de bons houblons…

Vue panoramique sur la vieille ville.
Vue panoramique sur la vieille ville.© SDP/Basquetour

21 heures – Soirée rock

En direction du pont Ribera, sur la rive opposée au marché couvert, se dresse une église convertie en temple de la musique: le Bilborock, qui accueille des groupes débutants ou plus connus quasi tous les soirs. On est ici dans le quartier de San Francisco, réputé pour sa vie nocturne, où les étudiants, les gays, les hipsters ou les rockeurs zigzaguent entre le Peso Neto, le bar Marzana ou encore le Perro Chico qui sert d’excellentes bières artisanales (enfin!) face à ses charmants carrelages bleus. Idéal pour quitter Bilbao le coeur léger et l’esprit en fête…

Le Bilborock, implanté dans une ancienne église.
Le Bilborock, implanté dans une ancienne église.© Agnes Goyvaerts
En pratique

Se renseigner

Visites, bonnes adresses et hébergements: www.bilbaoturismo.net

Y aller

Brussels Airlines propose des vols directs Bruxelles/Bilbao à partir de 74 euros A/R. www.brusselsairlines.com

S’y attarder

Vous restez un jour de plus? Filez donc à Getaria pour visiter le musée Cristobal Balenciaga, dédié au créateur qui a dessiné – entre autres – la robe de mariée de la reine Fabiola. Deux jours de plus? La ville de San Sebastian n’est pas loin: une délicieuse station balnéaire un rien surannée… mais qui compte encore plus de bars à pinchos au km² que Bilbao!

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