Destination: Costa Rica, le pays qui donne des ailes

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Après trois jours de quête, la joie se mêle à l’étonnement : d’une beauté éblouissante, dans la frondaison, ils sont en train de danser, chanter, batifoler. En pleine parade nuptiale, ils se préparent à s’accoupler, loin de nos regards. Dès que la femelle au plumage vert tendre s’approche du lek – sorte d’arène de parade -, le mâle drapé dans nos couleurs nationales – robe noire, tête rouge vif et cuisses jaunes -, se pavane d’un air vaniteux. Neuf centimètres de haut pour à peine douze grammes : cet oiselet a l’air futile… mais quelle grâce ! Il sautille d’un bout à l’autre d’une branche, étire ses pattes, volette entre les rameaux, chantonne, pousse des cris d’allégresse, fait vrombir ses ailes… Soudain, notre Casanova fait volte-face et sort son arme de séduction ultime en effectuant, plus vite encore que Michael Jackson, une sorte de moonwalk : il glisse à reculons, tête baissée, la queue et le croupion dressés, tel un danseur d’opéra, puis jette triomphalement les ailes en l’air comme pour dire  » Dans mes bras, chérie ! « . Un spectacle magique. Même si, pour contempler ce couple de manakins, il faut à la fois du temps, de la patience et du flair. Au coeur de la forêt tropicale humide de Corcovada, seulement accessible par la mer, on peut admirer près de trois quarts des 850 espèces d’oiseaux qui peuplent la petite République du Costa Rica. Comme un bonheur ne vient jamais seul, un peu plus tard, nous apercevrons un manakin à tête bleue : l’élégance est toujours au rendez-vous au pays des oiseaux…

Corcovado par bateau

Les ornithologues amateurs adorent venir ici. A mi-chemin de l’isthme centraméricain, le pays constitue un trait d’union privilégié entre les deux Amériques. Avec sa double zone littorale, ses volcans et ses différents types de forêts, il forme une véritable corne d’abondance abritant 5% de toute la vie sur Terre. A peine plus grand que les Pays-Bas, le Costa Rica compte neuf zones climatiques riches de 232 espèces de mammifères, 440 de reptiles, 120 de grenouilles, 1 240 de papillons ou encore de dizaines de milliers d’insectes. Dans cette végétation luxuriante, le parc national de Corcovado et son impressionnant décor tropical constituent tout simplement le biotope le plus riche de la façade Pacifique.

Situé sur la péninsule d’Osa, il n’est accessible que par bateau, et par temps clément. Après avoir bravé le ressac impétueux, le courant et les vagues déchaînées, nous arrivons juste au bon moment pour admirer quelques dizaines de tortues luth sortir de l’oeuf et ramper vers la mer. Ces tortugas marines sont parmi les plus grandes du monde. Elles reviendront peut-être dans trente ans pondre sur la même plage, bouclant ainsi le cycle de la vie. Poursuivant notre route, nous allons de surprise en surprise : profusion d’arbres gigantesques, fougères énormes, bourreaux qui s’entortillent autour des troncs… Entre clarté ou pénombre, silence ou bruits stridents, rideaux de lianes ou de mousses, la mer verte d’Heliconia, d’orchidées et d’arums. Et encore une fois, des oiseaux chanteurs, tout proches et pourtant invisibles.

Trois jours d’excursion dans la forêt. Trois jours de bonheur et d’étonnement. Ici, une harde de cochons sauvages passe devant nous. Là, un boa grimpe sur une branche. Plus loin, un porc-épic mexicain dort haut perché. On croise aussi un Onoré farouche qui nous épie d’un oeil méfiant, puis le Morpho bleu fluorescent, d’une beauté envoûtante, qui volette entre les feuilles. Au moment du départ, nous apercevons même quelques primates : le singe hurleur, l’atèle, le capucin et le sapajou jaune, dont les yeux semblent trop grands pour son petit corps. C’est avec le regard enchanté que nous quittons Corcovado, lieu mystérieux et fascinant…

Incroyable faune

Dans la forêt humide du parc national Braulio Carillo, la Cattleya skinneri, l’orchidée pourpre, s’épanouit sur une souche. Aussi appelée Guaria Morada, c’est elle qui sert d’emblème à ce pays que Christophe Colomb, face à la beauté et la diversité des paysages, a baptisé la  » Côte riche « . La variété de plantes et d’animaux est encore plus vertigineuse dans l’arrière-pays que sur le littoral. Les distances ont beau être courtes, les temps de parcours sont longs de part et d’autre de la route Panaméricaine. Plantations de café et de thé, écoliers turbulents, pistes de montagne caillouteuses… Nous traversons des réserves biologiques hautes, denses et splendides, de la mangrove d’Isla Damas à la flore tropicale de Carara, en passant par le marais de Caño Negro, la forêt sèche ou la forêt de nuages, le páramo (écosystème très fragile) et les sommets du parc du Chirripo. De pures merveilles s’offrent à nos yeux : des colibris aux teintes bleutées, ou un savacou huppé, héron farouche de Tortuguero. Puis, entre les crabes tigrés et les crocodiles, un fourmilier nain doré qui somnole dans un arbre…

Le jour suivant, près du pont qui enjambe le Rio Grande de Tarcoles, nous guettons les perroquets dès cinq heures du matin. Quatre aras rouges aux ailes bordées de jaune fendent le ciel. Une vision magnifique et empreinte de sérénité. La nuit suivante, un guide nous emmène faire la connaissance d’une minuscule grenouille verte et noire : le dendrobate doré, une espèce venimeuse. Sa cousine, le dendrobate fraise, avec ses pattes arrière bleu-noir, est tout aussi dangereuse. On ne s’en approche pas trop. Tout comme on évite soigneusement le terciopelo, qui est considéré comme le reptile le plus venimeux de la forêt. Des oiseaux, encore des oiseaux, nous guettent : de la chouette à lunettes au tamatia de Lafresnaye, en passant par le pic à couronne rouge et le Calliste à coiffe d’or… Rien que leurs noms valent le détour !

Des volcans dans la brume

Le gallo pinto, composé de riz et de haricots, d’oeufs sur le plat, d’une banane cuite et de coeurs de palmier, le tout agrémenté de la sauce locale Lizano, est le petit-déjeuner local qui nourrit bien son homme. Le barman ajoute d’ailleurs un petit cafesito pour faciliter la digestion. A l’arrière-plan, le volcan Arenal crachote des volutes grises dans le ciel. Une force de la nature qu’il est préférable de contempler à distance. Notre guide nous ramène à l’époque où l’Amérique centrale n’existait pas. Les deux continents étaient alors séparés par une étendue d’eau. Petit à petit, un archipel d’îles est apparu suite au mouvement des plaques tectoniques et à l’activité volcanique. Un processus de trois millions d’années qui a façonné l’isthme tel qu’il existe aujourd’hui.

Le cône de l’Arenal se dresse, tel un vieil homme vert, dans une mer de nuages. Des dizaines de colibris virevoltent tout autour de la terrasse où nous terminons notre petit-déjeuner. Ces  » pique-fleurs  » ont des noms tout aussi fantastiques que leur plumage : brillant fer-de-lance , à gorge pourprée, à tête cuivrée, à épaulettes, magenta, ermite vert… Difficile de faire plus poétique. Nous ne quittons pas du regard le cratère du volcan. Soudainement, un bruit sourd se fait entendre : le son retentissant d’une bulle de gaz qui éclate puis dévale les pentes escarpées de l’Arena. Lave et cendres s’élèvent dans le ciel, les nuages se déploient et gonflent. Une éruption éclate, laissant un plumeau de fumée voiler le ciel azuré. Et les oiseaux n’ont même pas l’air de s’inquiéter…

D’autres cracheurs de feu sommeillent dans les parcs des volcans Irazu, Poás et Rincon de la Vieja. Un chemin sinueux se perd dans le brouillard. Au-dessus de la paroi du cratère, on ne distingue rien : à 3 432 mètres d’altitude, la couleur boueuse de l’Irazu se fond dans le néant, recouverte par une épaisse couverture brumeuse. Mais on ne repart pas tout à fait déçu, après avoir entrevu de nouvelles ailes dans toute cette ouate : le merle fuligineux et le junco des volcans. Au Costa Rica, le voyageur est toujours récompensé. Plus loin, au Poás, situé près de la capitale San José, on apprend que ce volcan possède la plus grande bouche du monde, avec un cratère de 1 500 mètres. Là aussi, un brouillard épais gâche la vue. Mais la patience défie parfois les éléments : lorsqu’il se dissipe enfin, nous apercevons la marmite de Terre-Mère, d’où s’échappent des vapeurs vertes et brunes.

En quête du quetzal

Se coucher tôt et se lever tôt, c’est l’un des principes de la  » pura vida  » chère au Costaricains, dont la philosophie se retrouve partout : rues animées, nature exubérante, profusion de sonorités et de couleurs, cuisine variée, paysages splendides, vie animale et végétale surprenante. L’aube nous accueille au hameau de Monteverde, sur lequel six mètres de pluie se déversent chaque année, et dont les collines avoisinantes sont masquées par d’éternelles brumes. Des vapeurs s’élèvent des rues détrempées, le ciel s’éclaircit lentement. Il est 4 h 30 et nous avons rendez-vous avec un guide ornithologique de la forêt de nuages de Monteverde, censée héberger le mythique quetzal.

Le premier oiseau que nous repérons est un Trogon à ventre orange. D’autres chanteurs donnent également de la voix : le solitaire masqué et le Calliste safran. Nous progressons en silence à travers la réserve et ses épiphytes, bromélies et avocatiers, qui constituent la nourriture préférée du quetzal, même s’il ne dédaigne pas les lézards, les scarabées et les fruits. Nous scrutons le dais de feuillage deux heures durant, apercevant au passage un Toucanet émeraude, dont le plumage est exceptionnellement étincelant. Et puis enfin, une fois de plus, notre effort est récompensé :  » Quetzal ! « , murmure notre accompagnateur comme s’il marmottait une formule magique. Figée, une femelle se cache dans le feuillage touffu. Un peu plus loin, tout aussi immobile, un mâle vert au plastron rouge éclatant. Une bouffée d’adrénaline s’empare de notre corps. Le quetzal est resplendissant. Une véritable oeuvre d’art, reconnaissable à sa calotte huppée et à ses plumes caudales immenses.

Son éclat et sa fierté lui valent d’être l’oiseau le plus vénéré d’Amérique centrale. C’est bien lui, le Quetzalcoatl, le serpent à plumes incarnant la divinité du bien chez les Toltèques et les Aztèques. Dans les temples mayas, il est connu sous le nom de Kukulkán. Le jour où Montezuma eut le malheur d’accueillir Cortez, il portait une coiffe en plumes de quetzal. L’oiseau est aussi l’emblème national du Guatemala, où il orne les billets de banque du même nom, et où les citoyens sont honorés de l’Ordre du Quetzal. Nous avions cherché en vain l’oiseau dans l’État mexicain du Chiapas. Mais menacé d’extinction, il ne prospère plus que dans les hautes terres du Costa Rica et du Panama. Après de multiples détours, nous avons une chance unique de l’admirer de près. Un cadeau du Costa Rica, un de plus…

Par Mark Gielen

En pratique

SE RENSEIGNER

Un site plein d’infos ? www.visitcostarica.com

Ambassade belge du Costa Rica : costaricaembassy.be

Y ALLER

Iberia relie chaque jour Zaventem à San José, via Madrid et Miami. www.iberia.be

Sudamerica Tours propose des circuits touristiques individuels ou avec guide, de 10 à 17 jours (avec le Nicaragua ou le Panama). Autres possibilités : circuit touristique en voiture (8 à 13 jours) ou combiné à une croisière en voilier. www.sudamericatours.be

SAISON IDEALE

La meilleure époque (mais aussi la plus touristique) est la saison sèche, qui s’étend de fin novembre à fin avril. Pendant les mois d’hiver, de fortes averses éclatent en fin d’après-midi. Accessoires indispensables : imperméable, jumelles, chaussures de marche, vêtements chauds en montagne et insectifuges. Éventuellement un guide des oiseaux et des mammifères.

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