En images: Le mythique hôtel Sofar au Liban fait revivre son passé glorieux

© AFP

Situé à une trentaine de kilomètres de Beyrouth, au coeur du village éponyme, l’hôtel Sofar était l’un des établissements les plus prestigieux du Moyen-Orient, du début du XXème siècle jusqu’aux années 1970, recevant diplomates, militaires français et britanniques, mais aussi stars du cinéma et divas de la musique arabe. Mais cet hôtel de 75 chambres a été pillé et bombardé durant la guerre civile qui a ravagé le Liban de 1975 à 1990.

Aujourd’hui en ruine et abandonné, il accueille l’exposition d’un peintre britannique, Tom Young, qui rend hommage à son héritage cosmopolite. « Cet endroit est plein d’Histoire », s’enthousiasme l’artiste, qui expose 40 toiles jusqu’au 14 octobre à l’hôtel Sofar, où fut ouvert le tout premier casino du Liban.

Malgré la guerre, l’imposante façade en pierre de taille conserve son lustre. Les galeries et salons déserts du rez-de-chaussée sont baignés de lumière. Sur les murs décrépis, des peintures et des tableaux ont été accrochés.

Une toile où les tons bleu-vert dominent représente les géants de la musique arabe et égyptienne: « l’astre de l’orient » Oum Kalthoum, attablée avec le chanteur Farid El-Atrache, pendant que le « rossignol brun » Abdel Halim Hafez chante la sérénade à une danseuse du ventre. Tous trois ont séjourné au Sofar.

Denière mode parisienne

« C’était autrefois l’un des plus grands hôtels du Moyen-Orient, c’est ici que des rois et des princesses, des émirs et des généraux se retrouvaient », s’émerveille M. Young, 45 ans, aux vêtements tachés de peinture.

Sur un autre tableau, des hommes en smoking font valser des femmes en robe longue lors d’un bal. La scène est inspirée du récit que fait l’écrivain libano-américain Amin al-Rihani de sa visite à Sofar, « le Palais des Nobles ».

« Il y avait ce soir-là une soirée dansante à l’hôtel. Nous nous arrêtâmes (…) à regarder les danseurs, des hommes en tenue de rigueur, et des femmes mises à la dernière mode parisienne, avec des décolletés plongeants », narre le romancier qui dit avoir reçu un accueil glacial en raison de sa tenue négligée.

Un autre tableau, inspiré par une photo de l’AFP en 1947, immortalise une réunion diplomatique de la Ligue arabe, organisée à Sofar pour discuter de la Palestine, un an avant la création de l’Etat d’Israël.

L’oeuvre se trouve dans une petite pièce éclairée par la faible lumière d’un lampadaire. Sur le tapis vert usé d’une table de poker ayant réchappé au pillage, des jetons et un jeu de cartes gisent éparpillés. A côté, l’acteur Omar Charif, dont le portrait a été peint par M. Young, observe les visiteurs.

« On a voulu encourager les gens à imaginer tout ce qui se passait dans cet hôtel (…) qu’ils y entrent comme si rien n’y avait été changé », explique Noor Haydar, commissaire de l’exposition. « Les cartes sont encore sur la table; dans les cuisines, la lumière est allumée », poursuit-elle.

Construit en 1892 par les Sursock, prestigieuse famille beyrouthine, l’hôtel de quatre étages se trouvait sur la ligne des chemins de fer qui reliait la capitale libanaise à Damas, et constituait une étape pour les notables en voyage.

Souvenirs et racines culturelles

Les organisateurs de l’exposition — dont Roderick Sursock Cochrane, l’un des propriétaires de l’hôtel — espèrent ainsi insuffler une nouvelle vie au Sofar, en le transformant en « espace pour l’art, la culture et l’éducation ».

En marge de l’exposition, des ateliers artistiques mais aussi des intermèdes musicaux et dansants sont organisés. Et quelques éléments de la vie quotidienne de l’hôtel sont présentés au public, comme les horaires des trains de l’époque.

Installé au Liban depuis une décennie, M. Young s’y est fait connaître pour son engagement en faveur de la préservation du patrimoine libanais. Il s’intéresse notamment aux vestiges architecturaux du pays, les vieilles villas d’inspiration ottomane et vénitienne menacées par la fièvre immobilière de l’après-guerre civile. A Beyrouth, il a fait revivre la « Maison Rose », transformée en centre d’art temporaire.

Dans un pays multiconfessionnel déchiré par quinze années de conflit et où ce pan douloureux de l’histoire suscite encore des débats infinis, M. Young s’intéresse à l’épineuse question de la mémoire nationale.

« Les Libanais sont coupés de leur Histoire. Ces lieux sont fermés et ça fait partie d’un problème plus large, en lien avec la mémoire et l’effacement de la mémoire », dit l’artiste. « Les souvenirs et les racines culturelles, c’est ça qui vous donne un sentiment d’identité. Et en un sens, c’est ce qui manque au Liban. »

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