L’Alentejo, le Portugal enivrant et brûlant

© photos : Eric Vancleynenbreugel

Longtemps connue de rares initiés, cette région sud-portugaise régale les amoureux d’espace et de panoramas épurés. Au menu : plages sauvages, paysages bruts, villes historiques et collines coiffées de villages blancs. Une merveille.

De l’autre côté du Tage, débute une province qui couvre pas moins d’un tiers du Portugal. L’Alentejo a mis du temps avant d’attirer les voyageurs. Mais l’Algarve qui la prolonge au sud a cessé de lui faire de l’ombre. Son climat identique, ses paysages ensorcelants et ses petites villes pleines de charme ne font que sublimer son art de vivre tout en sérénité. A côté de cela, la région possède d’innombrables coins secrets, à l’instar de Comporta, un superbe morceau de côte sauvage balayé par l’Atlantique, au sud de l’estuaire du fleuve Sado.

Un vent boho-chic

C’est Christian Louboutin qui fut le premier conquis par l’anonymat dont il pouvait profiter ici. Jusqu’alors inconnue, même des guides de voyage les plus pointus, Comporta va rapidement attirer d’autres célébrités : de Javier Bardem à Scarlett Johansson, en passant par Alicia Vikander, Harrison Ford, Philippe Starck… et Madonna qui, au printemps 2018, poste une vidéo devenue virale la montrant galopant à cheval sur la plage. Ce qui attire les happy few, c’est bien sûr cette étendue de sable fin de douze kilomètres qui, selon certains, serait l’une des plus belles d’Europe. Aucun gratte-ciel à l’horizon. Juste de modestes maisons de pêcheurs et quelques villas design perdues au milieu des pins. Mais aussi des petites boutiques boho-chics, ainsi que des bars et restos décontractés perchés sur les crêtes des dunes. Des adresses sélectes, souvent habillées de bois et de matériaux bruts, qui se sont ouvertes dans les pinèdes venant lécher la côte. Seul bruit perceptible : celui du vent dans les branches. Il en est ainsi sur presque toute la côte alentejane, restée joliment sauvage et à l’abri des affres dont l’Algarve a souffert.

Blancheur immaculée des ruelles de Monsaraz.
Blancheur immaculée des ruelles de Monsaraz.© photos : Eric Vancleynenbreugel

Du porc et du gin

L’Alentejo, c’est également un terroir d’une richesse incroyable. A commencer par son porc noir se nourrissant de ce qu’il dégotte dans les sous-bois de chêne-liège.  » Cet animal mange à peu près tout, sauf les pousses de chêne justement, précise Ricardo Miranda, éleveur près de Santiago do Cacem. Sans doute savent-ils que, sinon, ils tueraient ce qui produit leur mets préféré : le gland.  » A une poignée de kilomètres de la côte, cet agriculteur touche-à-tout a décidé, il y a quelques années, de diversifier ses activités en créant une petite distillerie. Il y fabrique le  » medronho « , l’alcool traditionnel à base de caroubes. Mais aussi du gin, qu’il a souhaité élaborer exclusivement avec des ingrédients locaux. Un défi relevé haut la main : caroubes de l’Alentejo, zestes de citron pelés à la main, baies de genévrier et herbes concourent à des breuvages frais et parfumés. Une production en circuit court qu’il a nommée Black Pig en hommage à sa première activité.

Ponte da Ajuda, sur le Guadiana.
Ponte da Ajuda, sur le Guadiana.© photos : Eric Vancleynenbreugel

En tournant le dos à l’Atlantique, l’Alentejo ne faillit pas à sa réputation d’immensité : champs de céréales, vignobles et forêts de chênes-lièges jusqu’à l’horizon. Une plaine aux aspects rudes, écrasée de soleil en été, plutôt froide en hiver. C’est pourtant au coeur de ce paysage que différentes civilisations ont modelé une cité couverte de palais, d’églises et de couvents. Ainsi, Evora est une leçon d’histoire à ciel ouvert, avec ses mégalithes s’élevant depuis des milliers d’années dans le maquis tout autour de la ville, son temple de Diane édifié par les Romains au IIe siècle, ou sa cathédrale gothique du XIIe siècle. Un héritage qui vire à l’insolite lorsqu’à l’intérieur de l’église São Francisco, on pénètre la Chapelle des Os. Gravée dans le marbre du linteau de la porte d’accès à la chapelle, une phrase –  » Nous, les ossements qui sommes ici, attendons les vôtres  » – invite depuis le XVIe siècle les visiteurs à méditer sur la vanité et l’attachement aux biens terrestres. Ensuite, place à la stupeur et à l’inattendu : des murs aux colonnes, la chapelle est tapissée de crânes, de fémurs et de tibias. Des os recueillis il y a plusieurs siècles dans les tombes et les églises locales. Grâce à sa longue histoire et son homogénéité architecturale représentative des XVIe et XVIIe siècles, lorsque la ville devint le siège de la cour royale, Evora est aujourd’hui entièrement classée au patrimoine mondial par l’Unesco.

Temple de Diane, le mieux conservé de la péninsule.
Temple de Diane, le mieux conservé de la péninsule.© photos : Eric Vancleynenbreugel

Autre joyau universel, la cité bastion d’Elvas produit son petit effet. Postée à un tir de canon de la frontière espagnole, pile sur la route la plus directe vers Lisbonne, la plus grande ville fortifiée d’Europe étend sur toutes les hauteurs environnantes un imposant réseau de forts bâtis en étoile. En arrivant par la route d’Estremoz, c’est un autre chef-d’oeuvre de gigantisme qui barre l’horizon : l’aqueduc da Amoreira enjambe tel un monstre la vallée de ses 843 arches, dont certaines dépassent la trentaine de mètres de hauteur.

Vin invisible

Surprenant : une bouteille de vin portugais sur deux est produite dans l’Alentejo. En majorité des crus rouges, fruités et charpentés, dont les méthodes sont parfois très inhabituelles. A proximité de Monsaraz, l’Adega Ervideira propose des dégustations de sa production sur un toit-terrasse surplombant les vignobles. A ne pas manquer : le  » vin invisible  » (un blanc élaboré à partir de raisins rouges ! ) et le  » vin d’eau  » (qui vieillit sur le fond de l’immense lac artificiel d’Alqueva). Il faut aussi savoir que l’Alentejo reste le plus grand producteur mondial de liège. Les vastes forêts de chênes-lièges, aux troncs variant du beige au rouge sang, contribuent à dessiner un paysage unique. Son écorce est récoltée tous les neuf ans. Et si une partie de cette matière naturelle est toujours transformée en bouchons, ses applications ont explosé : planche de surf, isolant, matériau d’habillage des automobiles (siège, tableau de bord…) et même cuir végétal servant à façonner des casquettes ou des sacs à main.

Le célèbre pelourinho (pilori) d'Elvas.
Le célèbre pelourinho (pilori) d’Elvas.© photos : Eric Vancleynenbreugel

Chasse aux étoiles

Aux confins orientaux de la province, le relief se plisse à l’approche de l’Espagne. Ici, les villages se hissent sur les sommets. Cerclé de remparts et dominé par son château, Monsaraz est d’une fascinante majesté, s’étirant en longueur sur un éperon face aux rives sinueuses du lac d’Alqueva. Ses maisons basses et chaulées, ponctuées d’un trait de vert ou de bleu, se serrent le long des deux rues principales qui longent les remparts. A son pied, d’immenses propriétés terriennes se partagent la plaine. Planté de chênes, d’oliviers mais aussi de dolmens, le splendide domaine São Lourenço do Barrocal est aux mains de la même famille depuis huit générations, s’ordonnant de façon insolite le long d’une voie pavée bordée des bâtiments immaculés qui abritaient autrefois les travailleurs agricoles et leurs proches. Dans cette ambiance zen et chic, tout invite au lâcher-prise : les piscines, les balades à cheval ou les vélos qui n’attendent que les curieux prêts à explorer les environs parsemés de menhirs et de dolmens. Dans cette région, à la nuit tombée, le ciel s’emplit d’une intense pluie d’étoiles. Faiblement peuplé, l’Alentejo est un sanctuaire privilégié pour les chasseurs d’astres, et c’est particulièrement vrai autour du lac d’Alqueva. Ici, chaque nuit, l’éclairage public des communes avoisinantes est volontairement réduit au minimum afin de pouvoir contempler la Voie lactée au moins 250 nuits par an… mais une seule vaut déjà largement le voyage.

Toujours blottie derrière ses murs, Elvas domine la plaine jusqu'en Espagne.
Toujours blottie derrière ses murs, Elvas domine la plaine jusqu’en Espagne.© photos : Eric Vancleynenbreugel

En pratique

Se renseigner

Deux sites en français : www.visitportugal.com www.visitalentejo.pt

Y aller

Nous avons fait confiance à Caractère, l’un des spécialistes belges des voyages exclusifs. Programmes à la carte, itinéraires préétablis, hôtels de charme : chaque aspect du voyage est étudié et toutes les adresses ont été visitées par l’équipe. Le circuit de 8 jours L’Alentejo Exclusif inclut des nuitées au São Lourenço do Barrocal et au boutique-hôtel Torre de Palma à Monforte, une découverte des plus beaux sites et villes de la province, une observation des étoiles avec un astronome et une visite des mégalithes avec un archéologue. www.caractere.be

Se loger

Santiago Hotel Cooking & Nature. Vue imprenable sur la vieille ville de Santiago do Cacem, espaces lumineux, piscine extérieure, fitness… et puis surtout une cuisine, ouverte, où l’accent est mis sur les produits (cours sur demande). www.santiagohotel.pt

São Lourenço do Barrocal. Quand loger à la ferme prend un caractère à la fois zen et exclusif. www.barrocal.pt

Se restaurer

Comporta Café. Sur la plage de Comporta, on se rafraîchit de vins du cru, de cocktails et de smoothies onctueux, tandis que la pêche du jour et les plateaux de fruits de mer garnissent les tables.

Période idéale

Printemps et automne. L’été pour les amoureux de soleil (très) ardent.

Street art sur un mur de ferme.
Street art sur un mur de ferme.© photos : Eric Vancleynenbreugel
Incontournable, Monsaraz est l'un des plus beaux villages du pays.
Incontournable, Monsaraz est l’un des plus beaux villages du pays.© photos : Eric Vancleynenbreugel

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