Le tourisme fait sa révolution : Etat des lieux des nouvelles manières de voyager

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Airbnb, NightSwapping, Belvilla ou Charles’Home sont les symboles d’un secteur touristique qui bouge. De quoi empêcher les hôtels bruxellois de dormir ? Pas forcément.

Le cas d’Airbnb reste le plus débattu. Bien que l’entreprise californienne affiche (déjà) huit ans à son compteur, il ne se passe pas un trimestre sans que des questions se posent. Récemment, c’est à Barcelone que la célèbre plate-forme de location de logements en ligne s’est fait taper sur les doigts : 600 000 euros d’amendes lui ont été réclamés par le maire de la ville, pour cause d’appartements exploités sans autorisation. Dans la cité la plus visitée d’Espagne, les habitants ronchonnent, irrités par les nuisances – bruits, dégâts, hausse des loyers… – liées au flot incessant de touristes. Il n’en fallait pas plus pour que les nouveaux venus du secteur soient accusés, eux qui doivent composer avec des lois qui sont à peu près différentes dans chaque pays où ils sont « implantés » – rappelons qu’ils ne font que servir d’intermédiaires, via le Web, entre ceux qui accueillent et ceux qui louent.

Le tourisme fait sa révolution : Etat des lieux des nouvelles manières de voyager
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En Belgique ? Pour d’autres raisons, Airbnb et consorts sont également regardés d’un oeil inquisiteur. Surtout par ceux qui subissent leur succès. Les patrons d’hôtels parlent d’une concurrence déloyale : ces logements-là ne sont soumis à aucune réglementation, et les hôtes ne payent ni impôts ni taxe sur la location. Qu’est-ce qui empêcherait, dès lors, pour prendre un cas extrême, d’exploiter commercialement des bâtiments entiers en y créant des meublés estampillés Airbnb et, du coup, de contourner tranquillement toutes les normes légales et fiscales ? Rien. Du moins jusqu’à ce que le gouvernement bruxellois prenne des mesures. En mars dernier, une ordonnance sur les offres d’hébergements touristiques était enfin validée, imposant à un locataire toute une série d’obligations : enregistrement auprès de l’administration Economie et Emploi, avec copie du contrat d’assurance du bien, accord écrit de copropriété, ou réponse à des critères pointilleux, au niveau de l’éclairage ou de l’aération, par exemple.

Vue sur les Marolles, depuis la Place Poellaert
Vue sur les Marolles, depuis la Place Poellaert© Getty Images

Aucun souci, a répondu Airbnb dans un premier temps, se félicitant de cette clarification, tout en se réjouissant de participer à la saine concurrence entre les nouvelles formes d’hébergement. Avant de se rétracter il y a quelques jours à peine, en invitant ses utilisateurs à se plaindre sur la page web de ses membres bruxellois. L’entreprise de location trouve finalement cette ordonnance beaucoup trop lourde et contraignante, évoquant une disproportion entre les professionnels et les non-professionnels, ainsi que des « restrictions abusives au partage du logement ». Qui, à terme, pourraient avoir « des conséquences négatives sur le secteur du tourisme. »

En attendant, ces dernières années, les offres n’ont fait que croître, redessinant encore un peu plus les contours d’un secteur qui voit désormais les choses en grand. Les hôtels et les campings ne sont plus les seuls à goûter au gâteau. Désormais, les voyageurs ont l’embarras du choix : pied-à-terre collaboratif ou insolite, échanges de propriétés, voire nuitées gratuites sur canapé. Un mouvement qui ne semble pas près de s’arrêter, puisque ces « propositions » alternatives ont aussi comme avantage de réduire le coût des escapades, à une époque où les couples comme les familles adorent s’offrir des week-ends ou des citytrips plusieurs fois sur l’année.

L’âge d’or du collaboratif

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La compétition s’annonce rude dans les années à venir. Bientôt, Airbnb devrait atteindre les 10 000 membres rien qu’en Belgique. De son côté, la société HomeExchange – qui existe sous nos latitudes sous le nom de TrocMaison – connecte des voyageurs de plus de 150 pays, en développant un troc basé sur le principe du « donnant-donnant ». On prête son bien, et en échange, on s’en va loger chez celui que l’on héberge. Dans ce cas-ci, aucune somme d’argent n’intervient. Si ce n’est, bien sûr, l’abonnement annuel de 130 euros à souscrire auprès de HomeExchange, qui permet de procéder à un nombre illimité d’échanges. Et si la formule, d’apparence, semble s’adresser aux voyageurs aux budgets (très) limités, il ne faut surtout pas croire que les portefeuilles plus aisés sont mis sur la touche : contre une cotisation de 500 euros par an, il est tout à fait possible d’accéder à des demeures de luxe.

Preuve que cette nouvelle ère ne mise pas uniquement sur l’économie de moyens : parmi ses arguments, elle arbore fièrement la promesse d’une nuit dans un lieu « authentique » ou « local », peu importe le coût. Avec, dans ce cas-ci, la garantie que votre propre maison reste occupée pendant votre absence… En Belgique, une entreprise comme HomeExchange – leader mondial du genre – dénombre aujourd’hui un peu plus de 600 membres. Ce n’est pas gigantesque, mais le chiffre progresse de mois en mois. Et ce n’est encore rien face aux offres de location « traditionnelles » qui fourmillent sur notre territoire.

Un simple coup d’oeil sur des sites comme Homelidays ou Belvilla permet de s’en convaincre: rien que chez ce dernier, ce sont quelque 1500 maisons de vacances qui sont disponibles – on parle uniquement pour votre plat pays! -, avec des fourchettes de prix et des variations de standings qui ne galvaudent en rien l’expression « il y en a pour tous les goûts ». Chez l’un comme chez l’autre, il suffit d’entrer quelques critères de sélection pour passer d’un simple gîte « chez l’habitant » à des chambres insolites situées dans un château, un moulin ou un bateau. A la campagne, en bord de mer, dans une ville ou une région précise. Avec des sentiers de VTT ou un terrain de golf à proximité. Pour un séjour romantique ou en famille. Bref, une armada d’options qui élargissent toujours plus le champ des possibilités, que ce soit sur ce minuscule territoire nommé Belgique ou chez ses proches voisins…

Des concepts en béton

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Que dire encore du CouchSurfing, qui promeut depuis plusieurs années le tourisme « de l’hospitalité » ? Comme son cousin Airbnb, la société est basée à San Francisco, mais elle a réussi à séduire le monde entier avec des « nuits sur canapé » entièrement gratuites dans plus de 200 000 villes du globe, dont les nôtres. Une communauté de plus de 10 millions de membres, fer de lance d’un « tourisme collaboratif » qui accueille aussi dans ses rangs une entreprise imaginée par nos voisins français, alias NightSwapping. Celle-ci se distingue par son principe de « crédits nuits » : les membres de la plate-forme, qu’ils soient hébergeurs ou hébergés, gagnent des points à dépenser chez d’autres abonnés, en versant, au passage, 10 euros par réservation à NightSwapping. Avec plus de 3 000 adhérents, la Belgique fait partie des pays où le concept cartonne, avec une croissance mensuelle de 20 % depuis sa création en 2012.

Autre adversaire qui s’invite dans la danse : l’appart’hôtel qui, comme son nom l’indique, gomme les frontières entre l’hôtel « classique » et l’appartement. Autrement dit, on y a droit à des services comme le nettoyage ou la conciergerie, tout en bénéficiant d’une surface et d’un tarif plus qu’avantageux. On pense aux Citadines de la place Sainte-Catherine et de la Toison d’Or, dans le centre-ville de Bruxelles, qui promettent aux voyageurs de se sentir « comme à la maison ». Et dans un autre genre, le concept baptisé Charles’Home affiche des atouts à la pelle pour appâter des vacanciers en quête de confort et d’âme, avec des appartements meublés dans des quartiers branchés et des maisons de caractère. Innovant et moderne. Dans l’air du temps, donc. Au coeur d’une offre copieuse où chacun, désormais, peut trouver son compte.

La fin des hôtels?

La Grand-Place de Bruxelles
La Grand-Place de Bruxelles© Getty Images

On sait que les hôtels, principalement à Bruxelles, viennent de vivre la pire année de leur histoire suite aux attentats, faisant chuter leur taux d’occupation de 50 % en début d’année pour redresser ensuite la pente lentement. Et en ce mois de décembre, la faillite d’un pilier nommé Sheraton n’a pas forcément rassuré le secteur. Mais le pire est sans doute passé : « On est encore à – 20 % par rapport à 2015, explique Rodolphe Van Weyenbergh, directeur de la Brussels Hotel Association. Mais depuis novembre, on peut parler d’améliorations significatives, même s’il faudra encore du temps pour revenir à la norme. » Est-ce que le développement des offres alternatives effraye les hôtels ? « Il ne faut pas le nier, l’ampleur de la concurrence est d’autant plus criante en temps de crise. Mais en légiférant sur ces nouvelles formes d’hébergement, à condition que cela soit suivi par des contrôles, tout le monde peut s’y retrouver. » Ajoutons à cela que les multiples possibilités ne constituent pas toujours une réelle concurrence : un vacancier qui loue un Airbnb ou un CouchSurfing ne se serait pas forcément payé un hôtel, tandis que la clientèle dite « d’affaires », qui couvre plus de la moitié des nuitées, continue à opter pour les enseignes classiques. Un seul impératif, donc, pour le secteur : redoubler de vigilance pour maintenir la qualité de ses services – sa pièce maîtresse -, son prestige – parfois lié au seul nom de la chaîne – et son identité. Tout en sachant que, quelque part, chaque enseigne marche dans la même direction et court vers le même objectif : refaire de Bruxelles ce lieu où l’on aime venir dormir sur ses deux oreilles, peu importe l’oreiller.

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