Les bons plans londoniens de Deyan Sudjic, directeur du Design Museum
![](https://img.static-rmg.be/a/view/q75/w680/h0/3987634/6245871-jpg.jpg)
Moins d’un an et demi après son déménagement, le Design Museum affiche une fréquentation record. Ce pari gagné, c’est d’abord celui de son directeur, un gentleman nommé Deyan Sudjic, qui nous présente vingt de ses spots préférés dans sa capitale.
Ne vous fiez pas à son patronyme slave, Deyan Sudjic est un Londonien pur jus, né et élevé dans le fog de la capitale anglaise, où il a suivi un impressionnant parcours médiatique et académique. Critique design et archi pour The Observer, The Guardian et The Sunday Times, cofondateur du mensuel Blueprint, rédacteur en chef de la revue Domus et auteur de nombreux ouvrages spécialisés, il fut également doyen de la Faculté d’Art, Design et Architecture de l’université de Kingston et directeur de la Biennale de Venise, entre autres. Même très résumé, ce CV suffit sans doute à expliquer le titre d’Officier de l’ordre de l’Empire britannique, mais aucun de ces faits d’armes, ni aucune distinction honorifique ne peuvent rendre compte de l’homme absolument charmant qu’est Deyan Sudjic.
Après une décennie à la tête du Design Museum, celui qui y succéda à la papesse Alice Rawsthorn en 2006 s’était fixé un nouveau défi : tout déménager, dans un endroit susceptible d’accueillir un projet architectural ambitieux, et ce du côté du Museum District, où rayonnent le British Museum, le V&A et les musées des Sciences et d’Histoire naturelle. Après de longs mois de recherches, suivis d’un chantier colossal, le champagne est enfin débouché en novembre 2016, quand Deyan Sudjic et ses équipes investissent l’ancien bâtiment du Commonwealth Institute, » plus grand, mieux équipé et tellement plus accueillant » que les installations originelles.
S’il lui arrive de regretter la Tamise et la vue imprenable sur le Tower Bridge qu’offrait le précédent emplacement du South Bank, cette nouvelle adresse s’avère sans équivalent au niveau de la fréquentation, comme il nous l’explique avec le plus délicieux des accents british : » Le 5 avril dernier, nous avons comptabilisé la millionième entrée après la réouverture : nous avons donc eu plus de visiteurs en seize mois que nous n’en aurions eu en cinq ans dans l’ancien musée. C’est incroyablement satisfaisant, cela prouve que nous avions raison, quand nous pensions que le design contemporain et l’architecture pouvaient toucher un plus large public et intéresser tant les familles que les spécialistes. On attire plus de gens, qui passent plus de temps en nos murs, notamment parce que l’on propose plus que des expos : un atelier de design de posters, des initiations à l’impression 3D ou un symposium sur l’avenir de l’automobile. » Cette année, l’institution a hébergé la première monographie jamais consacrée à Azzedine Alaïa au Royaume-Uni, ainsi que Hope to Nope, qui retrace dix ans de graphisme politique, et achèvera 2018 avec une expo intitulé The Future of Home – une programmation riche et variée, qui devrait prolonger la vague de succès lancée depuis la réouverture. Heureux d’avoir pu rendre à sa ville le Design Museum qu’elle méritait, Deyan Sudjic a accepté d’évoquer avec nous les lieux qu’il affectionne particulièrement, et nous emmène pour une balade au coeur de sa ville, à la recherche de perles du paysage londonien, certaines bien connues, d’autres nettement moins.
1. Le Design Museum de John Pawson
» Abrité dans un building moderniste des années 60, monument classé de grade II qui fut sensiblement revu par John Pawson, le projet est le point culminant de cinq ans de construction. La rénovation complexe a vu OMA, emmené par Reinier de Graaf, Allies and Morrison, Arup et John Pawson travailler de concert pour remettre en état ce joyau de l’architecture d’après-guerre. A l’intérieur du musée, les visiteurs se retrouvent dans un atrium central, avec une vue imprenable sur les iconiques paraboloïdes hyperboliques du toit. Ce projet était important, pas seulement pour le musée, mais pour l’investissement dans le futur créatif que le design représente. »
224-238, Kensington High St, Kensington, London W8 6AG.
2. Les Blue Plaque
» On compte près de 900 plaques bleues fixées aux murs de la ville, commémorant le lien qu’entretient l’endroit avec des individus notables. La plus vieille est à Covent Garden, indiquant où vécut Napoléon en exil avant son retour pour Paris. Parmi mes préférées, je recommande celles qui honorent Jimi Hendrix et David Bowie. »
3. La volière du zoo de Londres de Lord Snowdon et Cedric Price
» Aujourd’hui soigneusement restaurée, la volière était une remarquable innovation dans les années 60 : il n’était pas question de construire une cage à oiseaux, mais plutôt une sympathique installation dans Regent’s Park. »
Prince Albert Rd, Paddington, London NW17.
4. 59 Brick Lane
» Le 59 Brick Lane est désormais une mosquée. Mais c’était auparavant une synagogue, et avant ça, une église méthodiste, alors que c’était un lieu de culte huguenot lors de sa construction en 1743. Si un seul bâtiment peut exprimer la diversité culturelle de Londres, c’est bien celui-là. »
59, Brick Ln, London E1 6QL.
5. Magma, Clerkenwell
» La librairie Magma est fascinante. J’aime que des gens continuent d’éditer des magazines par amour – il y a tant de petites publications, réalisées par des passionnés qui ne gagneront pas un penny, mais bénéficient d’une incroyable énergie, qu’il s’agisse de cyclisme ou d’art conceptuel. C’est extraordinairement créatif. »
117-119, Clerkenwell Rd, London EC1R 5BY.
6. La cathédrale Saint-Paul de Christopher Wren
» Il est impensable d’imaginer Londres sans Christopher Wren et la cathédrale Saint-Paul. Elle représente à la fois le prototype et la synthèse des nombreuses églises urbaines dont Wren accoucha dans la douleur. Aujourd’hui, son dôme sert encore à définir la ville et son architecture. »
St. Paul’s Churchyard, London EC4M 8AD.
7. Les taxis londoniens
» Ils sont tellement reconnaissables qu’ils sont devenus un élément déterminant du paysage urbain – à tel point que l’on tente de leur accorder la même protection qu’aux édifices classés. Le détail vraiment malin dans le design de ces taxis, c’est qu’ils semblent avoir toujours été là, sans pour autant avoir l’air de fossiles – au contraire de leur proche parent, feu le Checker Cab new-yorkais. »
8. Le Conran Shop, Brompton Cross
» Ouvert par Sir Terence Conran, fondateur d’Habitat et du Design Museum dans les années 80, c’était auparavant le building Michelin – un délice Art déco. »
81, Fulham Rd, Chelsea, London SW3 6RD.
9. Le Royal College of Art à Kensington Gore
» Héritage de la vision de Henry Cole, le RCA fut établi à l’aube de l’Exposition universelle (NDLR : la première du genre, en 1851), et détient une impressionnante liste de diplômés, qui dominèrent ensuite le monde de la culture visuelle : David Hockney, James Dyson, Jasper Morrison, Tracey Emin, Konstantin Grcic, Robin Day ou Daniel Weil. »
Kensington Gore, Kensington, London SW7 2EU.
10. Le Media Centre du Lord’s Cricket Ground de Future Systems
» Le Media Centre est le projet qui a valu le Stirling Prize à Future Systems, et c’est la plus originale et la plus frappante de toutes les tribunes érigées là au cours des années. Perchée sur pilotis, elle semble flotter au-dessus des autres gradins, comme une élégante soucoupe volante, traversée par une baie vitrée pour offrir aux commentateurs sportifs une vue imprenable sur le terrain. »
3, Queen Victoria St, London EC2R.
11. Le bâtiment du Daily Express sur Fleet Street d’Owen Williams
» The Daily Express a abandonné les lieux depuis longtemps, mais encore aujourd’hui, y demeurent des relents de glamour Art déco, hérités de l’ère du Daily Beast d’Evelyn Waugh dans les années 30, qui évoquent machines à écrire et piles de papier. »
2be, 120 Fleet St, London EC4A 2BE.
12. Christ Church Spitalfields de Nicholas Hawksmoor
» Ian Nairn fut une inspiration, un auteur qui nous aida à voir la ville dans ce qu’elle a de plus glorieux comme de plus banal. C’était mon prédécesseur en tant que critique d’architecture au Sunday Times. Il a brillamment décrit la merveilleuse Christ Church de Spitalfields, » maudite, lugubrement magnifique « , et ses mots résonnent dans ma tête à chaque fois que je passe devant. Heureusement que cette église a survécu, et que l’on peut encore l’admirer aujourd’hui. »
Commercial St, London E1 6LY.
13. La carte des transports londoniens
» Londres est définie et façonnée par l’identité de son réseau de transport sous-terrain. La carte de l’Underground a été créée comme une image mentale de Londres, indiquant la manière dont il faut se déplacer dans la ville. »
14. La boutique du Design Museum
» C’est l’ambassadrice vivante du musée, toujours changeante, remplie d’objets fascinants disposés avec style, et tenue par une équipe qui vit et respire design. »
224-238, Kensington High St, Kensington, London W8 6AG.
15. SCP, Curtain Road
» J’apprécie vraiment d’aller rendre visite au designer et producteur Sheridan Coakley. Il a deux magasins, qui sont toujours intéressants parce qu’imprévisibles. On y décèle systématiquement des choses auxquelles on n’aurait pas pensé « .
135-139, Curtain Rd, London EC2A 3BX.
16. La signalisation de rue à Hampstead
» J’adore la façon dont les panneaux de rue diffèrent d’un quartier à un autre. A Westminster, ils sont modernistes, alors qu’à Hampstead, ils sont art & craft. Ça contribue aussi à définir la ville. J’aime comment les Londoniens parlent, comment ils s’adaptent aux nouvelles vagues de migration, parce qu’ils sont plus généreux et plus accueillants que la moyenne du pays. »
17. Skandium, South Kensington
» Le Design District de Brompton est au coeur d’un regroupement de boutiques design, et Skandium en est le point central. »
35, Thurloe Pl, Kensington, London SW7 2HP.
18. Le Royal College of Physicians de Sir Denys Lasdun
» Je suis un grand fan du Royal College of Physicians. Le béton apparent était autrefois une pollution visuelle, maintenant nous apprécions ses mérites. Regent’s Park, où il se situe, constitue lui-même un exemple d’aménagement urbain particulièrement pittoresque. Il était au départ prévu de disperser des villas dans les pelouses centrales, bordées de grandes terrasses en stuc, qui donnaient aux maisons individuelles des airs de palais. »
11, St Andrews Pl, Regent’s Park, London NW1 4LE.
19. La Somerset House de Sir William Chambers
» Avec l’éviction des voitures de sa cour et la libération de vastes espaces intra-muros, la Somerset House s’est transformée avec le temps en un endroit où se poser l’été, et regarder d’imprévisibles jets d’eau jaillir des fontaines. On ne sait jamais d’où viendra le jet suivant, ce qui a donné lieu à des flambées de comportements manifestement non britanniques, avec des passants, habillés et apparemment sobres, qui y piquent une tête. C’est même devenu la première patinoire extérieure du centre de Londres. »
Strand, London WC2R 0RN.
20. Le Lloyd’s Building de Richard Rogers
» Une fois terminée, cette création de Richard Rogers fut une surprenante intrusion dans le Square Mile. Mais malgré son apparence, c’était un projet étonnamment traditionnel, pas comme tous ces nouveaux bureaux à Londres, très spectaculaires, mais imaginés sans destinataire particulier pour les occuper. Dans ce cas-ci, en dépit de son allure excentrique, c’était du sur-mesure, taillé pour son client façon Savile Row. »
1, Lime St, London EC3M 7HA.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici