Quand la neige ne tombe plus du ciel, dilemme dans les Alpes

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L’avenir sans « or blanc »? Un village des Alpes du Sud ne peut s’y résoudre, même si le changement climatique se fait tellement sentir qu’il a fallu, pour la première fois, héliporter de la neige pour ouvrir les pistes de ski.

Au volant de sa dameuse, Bruno Farcy bichonne le manteau neigeux sur les pistes de Montclar (Alpes-de-Haute-Provence), tandis que le soleil se couche sur cette station bâtie à 1.350 mètres d’altitude, au-dessus du lac de Serre-Ponçon.

Ici, un trou à boucher, là, une piste à incurver légèrement pour éviter que le soleil n’y tape trop. Rien n’est laissé au hasard pour faire durer la neige, capital aussi indispensable que précaire alors qu’au XXe siècle, les températures ont augmenté deux fois plus vite dans les Alpes que dans le reste de la France.

Montclar, comme nombre de stations de moyenne montagne, est en première ligne face au changement climatique. D’année en année, l’altitude à partir de laquelle tombe la neige s’élève: passée de 1.200 à 1.500 mètres environ, elle pourrait atteindre 1.700 mètres d’ici 2050.

« Les périodes de froid sont de plus en plus courtes et il ne faut pas les rater », témoigne M. Farcy, également chargé des installations de production de neige « de culture ».

Parmi les premières à installer des canons à neige dès les années 1980, la station dispose de tout un réseau de perches, canalisations et bassins de retenue qui se déclenchent automatiquement à -2° Celsius la nuit.

Un gros investissement, devenu incontournable pour compenser un enneigement toujours plus irrégulier. Mais à Montclar, cet hiver, cela n’a pas suffi. La neige manquait sur une portion de piste indispensable pour ouvrir la station à Noël.

Pour la transporter depuis les sommets, « on a cherché toutes les solutions: des bennes, des tracteurs… », relate Alain Quièvre, président de la société gérant les remontées. Il opte pour l’hélicoptère, un « choix difficile » mais assumé, malgré une avalanche de critiques sur l’impact écologique.

L’opération a duré trois heures et nécessité 400 litres de gasoil, soit 0,7% de la consommation annuelle de la station, selon le dirigeant, écoeuré que les hélicos qui font la navette « entre le port de Saint-Tropez et Pampelune » sur la Côte d’Azur ou des baptêmes de l’air dans des coins huppés des Alpes ne soient pas l’objet de la même vindicte. »Ici, il n’y a pas de grosse bagnole, pas d’impôt sur la fortune (…), l’enjeu c’était l’emploi de 50 salariés et 43 saisonniers », ajoute M. Quièvre.

« Fuite en avant »

Déjà, dans les années 1960, l’ouverture de la station devait contribuer à lutter contre la désertification de la vallée en offrant des revenus complémentaires aux agriculteurs et artisans. Mais la commune, surendettée et sous surveillance de l’Etat, a jeté l’éponge il y a trois ans.

Aucun industriel n’a pris le relais et ce sont 49 actionnaires locaux, salariés de la station, commerçants, fournisseurs ou clients qui se sont cotisés pour reprendre les clés.

Aujourd’hui, Montclar se dit « première station auto-gérée d’Europe », et les réunions stratégiques se prennent volontiers autour d’un demi, dans l’un des hôtels du pied des pistes. Une clientèle locale et plutôt modeste fréquente cette station à deux heures et demie de route de Marseille.

En combinaison rouge de l’école de ski, Lionel Haud raconte s’être endetté pour sauver son emploi en investissant 10.000 euros dans cette station, dont il est devenu directeur. Il ne peut pas imaginer que tout s’arrête.

« Ça fait 25 ans que je suis là et j’ai connu beaucoup de mauvaises saisons », relativise-t-il, « il ne faut pas nier le réchauffement. Mais on a toujours de la neige en altitude ».

Pour les spécialistes, l’avenir est aux stations les plus élevées et, comme beaucoup, M. Haud espère de nouveaux investissements pour faciliter l’accès à la partie haute du domaine, qui culmine à 2.450 mètres. Montclar table aussi sur les activités « hors neige » et les sports d’été.

Le dilemme est le même dans nombre de stations de basse ou moyenne montagne: faut-il encore sortir le carnet de chèques alors qu’à Montclar la chambre régionale des comptes avait mis en garde dès 2016 contre une « fuite en avant », après des investissements surdimensionnés et une gestion hasardeuse? Ou arrêter les frais, comme Ceüze (Hautes-Alpes), qui vient d’annoncer sa fermeture?

« Sans station, Montclar n’est plus rien », tranche le maire Michel Blot. Tout en reconnaissant qu’il préfèrerait avoir les moyens de refaire enfin les chaussées défoncées du village plutôt que de financer de nouveaux télésièges.

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