Dans la maison galerie d’art de l’architecte bruxellois Marc Corbiau

Chez Marc Corbiau

Elles séduisent par leur architecture d’avant-garde… Mais les maisons de Marc Corbiau sont aussi souvent remarquables pour la sélection d’ouvres d’art contemporain qu’elles abritent. Le célèbre architecte bruxellois, lui, se passionne pour la peinture de la seconde moitié du XXe siècle. En exclusivité pour Weekend, il dévoile son nouvel accrochage.

Avant de parler de sa maison, Marc Corbiau précise toujours que le  » coeur  » n’est pas de lui, mais bien du remarquable architecte d’origine hennuyère, Jacques Dupuis. C’est d’ailleurs en tant que locataire que le jeune couple Corbiau emménage dans cet édifice construit en 1958 et comptant deux appartements destinés à la location. Des années durant, la situation reste inchangée : l’appartement du rez-de-chaussée est occupé par la famille tandis que celui de l’étage est réservé aux bureaux.

Les choses changent à la fin des années 1980 lorsque Marc Corbiau peut se porter acquéreur du bien. Il envisage alors les premières modifications structurelles, sans toutefois toucher à l’enveloppe extérieure.  » Dupuis avait construit le bâtiment selon la règle d’or de Le Corbusier, souligne-t-il. D’après celle-ci, la hauteur sous plafond est déterminée par celle d’un homme debout, le bras tendu. J’ai voulu créer des dimensions et des volumes que j’ai l’habitude de proposer à mes clients. J’ai donc fait sauter les faux plafonds. J’ai également remplacé une partie des murs élevés dans l’axe nord-sud de la maison par des poutrelles. En ouvrant l’espace, en le traitant comme s’il s’agissait d’un loft, nous jouissons de la lumière des quatre points cardinaux.  »

Conservant ses bureaux à l’étage, Marc Corbiau décide ensuite d’agrandir la partie familiale en adjoignant, à l’est, une bibliothèque caractérisée par de hauts murs qui permettent d’accrocher de grande toiles, comme une ligne claire de Kounelis. Assis sous cette toile, dans un profond canapé, on peut apprécier tout le travail de réflexion qui a précédé  » le raccordement  » de l’extension au bâtiment principal, comme si le maître de maison avait voulu marquer la transition d’une architecture à l’autre.

 » On m’interroge souvent sur le fait que je n’aie pas cherché à construire ailleurs, confie Marc Corbiau. Mais pouvoir habiter et travailler sur un même site, à deux pas du centre-ville et dans un tel îlot de verdure, est une chance formidable. C’est d’autant plus vrai depuis que j’ai pu acquérir la parcelle à bâtir voisine.  » Située au soleil couchant, celle-ci a permis d’agrandir le jardin et de construire en retrait de la rue une pièce supplémentaire dont rêvait depuis longtemps l’architecte. Visuellement beaucoup plus vaste que la bibliothèque, ce grand salon est largement ouvert sur le jardin. Il compte surtout trois grands murs où s’affichent des toiles grand format.

Côté nord, un tableau lumineusement longiligne de Jenny Holzer côtoie un Richard Serra noir. Immédiatement à angle droit, la transition est effectuée par une oeuvre colorée de Thomas Ruff, à laquelle semble répondre, dans un registre plus affirmé, un Malcolm Morley qui surmonte le feu ouvert et vient  » casser la raideur que l’on peut éprouver dans cette pièce ». Sur le mur opposé, une toile de Robert Mangold est seule à occuper l’espace immaculé, ce qui conforte la primauté qu’on entend lui accorder.  » C’est un des plus beaux Mangold que je connaisse, s’enthousiasme Marc Corbiau. Lorsque l’occasion s’est présentée, j’ai vendu trois peintures de cet artiste pour pouvoir l’accrocher ici.  »

D’année en année, l’inventaire des £uvres qui entourent Frédérique et Marc Corbiau a sensiblement évolué. D’aucunes sont là depuis les premiers jours, comme la  » Victoire de Samothrace  » de Yves Klein achetée lorsque l’architecte avait 23 ans,  » parce qu’elle synthétise tout l’amour que j’éprouve pour la Grèce ». D’autres sont déjà bien familières, comme cette  » Pillule  » de Lucio Fontana, un des 30 exemplaires que l’artiste ait jamais peint, contre les milliers de fentes (des toiles monochromes comportant une ou plusieurs fentes) qu’il a produites.

L’espace de vie, traité comme un loft, est meublé avec ses chaises Hoffmann entourant la table ovale ou les canapés de notre compatriote Jules Wabbes devant le feu ouvert.  » Je ne pense pas que nous soyons collectionneurs, précise Frédérique Corbiau. La boulimie ne nous intéresse pas. Simplement, nous avons voulu nous entourer de l’art que nous aimons, à savoir la peinture abstraite de la seconde moitié du xxe siècle, essentiellement américaine. Ce qui nous a demandé le plus de temps, c’est de réussir l’accrochage.

A cet égard, les fidèles de la maison noteront qu’un tableau de Daniel Buren combiné à celui de Niele Toroni est parfois déposé sur le sol, parfois suspendu.  » Lorsque Buren est venu chez nous, il a souhaité que sa toile soit déposée sur le sol, poursuit Frédérique Corbiau. Nous prévoyons cependant un « accrochage bambins » lorsque nos petits-enfants sont à la maison !  »

D’autres tableaux se répondent, comme cet exercice sur les blancs, avec quatre peintures d’artistes différents qui marquent la transition depuis la bibliothèque, ou ces deux petites toiles de Josef Albers qui reflètent le style de cet artiste américain d’origine allemande.  » Ce qui me plaît le plus, conclut Marc Corbiau, c’est de rentrer chez moi le soir, d’éclairer et, en quelques regards, de balayer ce qui nous entoure. Avec les années, ces artistes ayant été confirmés par les expositions et la critique, nous avons la certitude de ne pas nous être trompés. Chaque artiste a sa période au cours de laquelle il atteint le sommet de son £uvre. C’est là que j’essaie de situer mes choix, mieux, de les affiner.  »

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