Le Designer de l’année 2008 est… Stefan Schöning

Isabelle Willot

Qu’il dessine un sofa ou pense un nouvel éclairage public, Stefan Schöning n’a qu’une envie : toucher – au cour – le plus grand nombre. Designer industriel dans l’âme, il exposera pendant toute la Biennale Interieur une sélection de ses plus beaux projets. Parmi eux, la lampe La Cage créée pour Dark. Que Weekend vous propose en prévente exclusive.

A regarder de près son parcours professionnel, on dirait que rien ne lui résiste. En dix-sept ans de carrière, Stefan Schöning ne s’est rien refusé : des jouets créés pour son premier client à la chaise Folder construite par pliage comme un origami sans oublier le nouveau dispositif de signalitique pensé pour la SNCB, le designer anversois s’est frotté, depuis sa sortie de l’Institut Henry van de Velde en 1991, à d’innombrables techniques et matières. Sans plan de carrière, ni agenda caché. Une polyvalence qui fait de Stefan Schöning une sorte de  » pion blanc du Scrabble  » du design. Capable de miracles, comme le petit carré lisse, sans se croire obligé de jouer les fiers-à-bras pour le faire savoir.

 » Qu’il s’agisse d’espaces publics, de meubles ou d’articles ménagers, Stefan Schöning est doté d’une grande flexibilité ce qui le rend exceptionnel « , soulignait en juin dernier le rapport du jury du designer de l’année, regroupant les rédactions de Weekend Le Vif/L’Express et Weekend Knack, la Fondation Interieur et les directions du Design Museum de Gand et du Grand-Hornu Images. Pour tous, Stefan Schöning s’est très vite imposé comme le candidat idéal.

La cohérence qui émerge de son travail n’est pourtant pas de celle qui se reconnaît au premier coup d’oeil. Car Stefan Schöning n’est pas un créateur qui décline la même ligne, les mêmes formes dans tout ce qu’il touche comme le révèle aussi la monographie Stefan Schöning, release.01 qui sortira de presse lors d’Interieur (1). Son style clair, simple à comprendre, sans détails inutiles n’est pas très éloigné finalement de celui des frères Bouroullec, de Jasper Morrison ou de Konstantin Grcic qui ont influencé son travail.

Cette démarche, Stefan Schöning l’a mise en pratique avec succès à tout l’éventail d’équipements (horloge, panneau horaire, tableau d’affichage…) qu’il a imaginé pour les gares de la SNCB : résolument contemporains, ils sont aussi imprégnés de l’esthétique des années 1960. Dans les mois à venir, plus de 200 gares belges seront équipées de cette nouvelle signalitique : les guichets d’abord, les appareils de vente automatique ensuite, le design s’adaptant bien sûr à tous les styles de gares du pays, qu’elles soient modernes ou rétro.  » Si vous prenez parfois le train vous savez qu’il n’y en a pas deux pareilles, sourit Stefan Schöning. Pour chacune d’elles, il faut chaque fois trouver la meilleure manière d’implanter les équipements. « 

Des produits que nous côtoierons tous un jour et qu’il sera possible de découvrir en primeur dans l’espace d’exposition de la Rambla mis à la disposition de Stefan Schöning par la Fondation Interieur. L’occasion aussi d’apprécier le top des créations de notre designer de l’année, comme le canapé Parker imaginé pour Jongform –  » mon best-seller à ce jour « , assure Stefan Schöning – ou les dernières nouveautés présentées pour la première fois lors de la Biennale du design de Courtrai. Parmi elles, la lampe La Cage créée pour Dark et proposée en prévente exclusive pour les lecteurs de Weekend (lire aussi page 35). Mais aussi une version cuir de la chaise Folder revisitée pour la maison Delvaux.

D’où vous est venue l’idée de cette collaboration avec une maison plutôt liée à l’univers de la mode ?

C’est la direction de Delvaux qui a pris contact avec moi lorsque j’ai reçu le titre de Designer de l’année 2008, en juin dernier. Je suis ravi de travailler comme Bruno Pieters et Hannelore Knuts pour cette très belle maison sur laquelle souffle un vent de fraîcheur. Sur Interieur, nous allons présenter un prototype en cuir noir renforcé mis en forme par pliage selon la même technique que la chaise Folder d’origine réalisée, elle, en polypropylène. Si nous y parvenons sans trop de difficultés, nous pourrions dans l’avenir lancer une production de série.

Un prix comme celui que vous allez recevoir officiellement ce vendredi 17 octobre à Courtrai a donc un réel impact sur la carrière d’un designer ?

J’en suis convaincu. Tout comme les concours que l’on gagne. Cela donne un sérieux coup de pouce. La presse aussi joue un rôle important pour asseoir votre réputation. J’en avais fait l’expérience en 2001, déjà, lorsque je me suis rendu au salon 100 % Design de Londres, justement avec ma chaise Folder. J’avais un tout petit stand, avec quelques chaises et un film de présentation qui passait en boucle, et c’est tout ! J’ai pris des contacts avec des magasins, des musées, mes chaises se sont retrouvées au Design Museum de New York, chez Colette à Paris, chez Pesch à Cologne qui en a habillé un étalage entier. La presse a suivi. Et ma carrière a vraiment décollé sur le plan international. Dans notre secteur, un éditeur fait toujours un pari lorsqu’il choisit de travailler avec un nouveau designer. C’est plus facile de se présenter chez un fabricant lorsque l’on n’est pas totalement inconnu.

Cette chaise, c’est aussi le premier produit que vous avez créé pour votre label personnel, Polyline. Qu’est-ce qui vous a poussé à créer en marge de votre studio de design votre propre maison d’édition ?

J’ai toujours eu envie de jouer au fabricant moi-même. Peut-être tout simplement pour avoir de l’intérieur une meilleure connaissance du business. La chaise Folder était aussi très expérimentale, qu’il s’agisse du matériau utilisé ou de la méthode de pliage. Ce projet m’était très cher et je ne voulais pas le confier à n’importe qui. Cette chaise, je l’ai réalisée parce que j’en avais envie. J’avais les moyens de montrer ce que je voulais. C’était la première fois dans ma carrière que je pouvais me permettre cela. Et à partir de là je me suis laissé aller davantage à faire ce que j’aimais vraiment. C’est peut-être cela la clé du succès. Aujourd’hui, le style origami de cette chaise est tout à fait dans l’air du temps. Je devrais peut-être songer à relancer la production.

Votre style n’est pas de ceux qui se reconnaissent au premier coup d’oeil…

Peut-être parce que je ne me suis pas contenté de faire des meubles. Lorsque j’ai débuté, j’acceptais tout ce qui se présentait. Je me cherchais. J’ai fait de tout. Et je n’en éprouve aucun regret, au contraire. Car j’ai énormément appris de cette manière. Tout projet peut être utile pour le suivant d’une manière ou d’une autre. Quoi que je fasse, je me fie toujours à mon instinct. Je me pose la question : aurais-je envie d’acheter cet objet pour moi ? Le bon design suscite aussi de l’émotion. Il doit être innovant ce qui n’exclut pas de jouer sur l’impression de déjà-vu. L’objet est nouveau et en même temps, il vous rappelle quelque chose. En design, un peu de nostalgie apporte souvent un petit twist en plus.

Vous revendiquez aussi votre statut de designer industriel…

Il ne faut jamais oublier que nous ne sommes pas des artistes. Nous créons pour l’industrie, mais avec le public présent à l’esprit. Les produits que nous concevons doivent être utilisables par tous et plaire au plus grand nombre. C’est un rêve de savoir que l’objet que vous avez créé vit sa propre vie, fait partie de celle d’un d’autre.

Le projet sur lequel vous planchez pour la SNCB influence-t-il votre manière d’appréhender votre travail ?

Gagner ce concours fut sans nul doute l’un des points forts de ma carrière. Je m’investis de plus en plus dans le design d’espaces publics. Enfant, je rêvais d’être architecte. Mais je me suis tourné vers le design industriel car j’avais le sentiment que dans ce domaine, les projets aboutissaient plus rapidement. Et je ne suis pas quelqu’un de très patient. J’aime l’idée que mes créations s’adressent au plus grand monde possible, c’est particulièrement vrai avec le design urbain, qui en plus n’a aucune fonction commerciale. C’est excitant de se dire que ces objets sont placés partout et que tout le monde va les voir. La SNCB par exemple gère un million de passagers par jour : peut-être que tous n’aimeront pas mon projet d’équipement. Mais il faut tenter de satisfaire le plus grand nombre.

Lorsque vous créez un objet, vous préoccupez-vous de son impact écologique ?

C’est ce que j’ai essayé de faire pour le projet de meubles d’extérieur et de pavillon que j’ai réalisé avec le bureau d’urbanisme Omgeving pour la réserve naturelle De Merode qui se trouve à la convergence des provinces d’Anvers, du Brabant flamand et du Limbourg. Nous avons choisi d’utiliser le mélèze, ce bois que l’on utilisait autrefois pour consolider les galeries de mines. Il en reste encore beaucoup dans la région et ces bois sont voués à disparaître pour préserver la biodiversité. A première vue, c’est cohérent : cette essence de bois existe en Belgique et l’on veut en réduire la présence de toute façon. Mais ce n’est pas bon marché pour autant. Paradoxalement, le bois exotique exporté depuis l’autre bout du monde est souvent moins coûteux. Pour mener à bien un tel projet, il faut donc un engagement de tous les partenaires à tous les niveaux.

(1) Stefan Schöning, release.01, éditions Stichting Kunstboek.

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