Fanny Bouvry

Bien habiter pour bien vieillir: de l’importance de muer

Fanny Bouvry Journaliste

C’est une maison des années 80, à l’orée du bois, avec ses blocs Ytong en béton cellulaire, plutôt révolutionnaires au moment de sa construction, et un parement de façade en brique orange pâle. La lumière la traverse de part en part car l’architecte a créé des percements pour y faire entrer le soleil tout au long de sa course. L’espace s’organise en demi-niveaux ouverts si bien qu’on a l’impression de se balader d’une pièce à l’autre. Il y a encore les garde-corps rouges peints dans les nineties et un peu datés aujourd’hui, et cette cuisine pas encore high-tech mais déjà moderne pour l’époque – avec un évier marron, pas sûr qu’on choisirait encore cela de nos jours. Ce logis, avec ses charmes et ses rides, c’est le mien, celui de mon enfance en tous cas. Bientôt, il accueillera une autre famille, une autre vie, d’autres souvenirs… Car ma maman a eu la bonne idée de poser ses cartons et ses rêves ailleurs, dans un lieu plus en phase avec elle aujourd’hui. Et je mesure la chance que nous avons d’avoir pu franchir avec elle ce cap plutôt sereinement.

Ce logis accueillera bientôt une autre famille, une autre vie, d’autres souvenirs.

Car nombre de psychologues comparent notre habitation à une seconde peau. Et la mue s’avère bien souvent très difficile, quand vient l’automne de l’existence. Selon une étude menée par la politologue flamande Emma Volckaert, qui répond à nos questions dans ce numéro, 86% des personnes âgées entendent en effet rester bien au chaud dans leur foyer, jusqu’à la fin de leurs jours. Avec tout le cortège de tracas pour elles et leurs proches, que peut entraîner une telle décision. La raison? «A leurs yeux, la seule alternative à leur habitation actuelle est une maison de repos», répond la chercheuse. Qui rappelle pourtant qu’une multitude d’autres pistes inventives existent…

Notre espérance de vie – aujourd’hui à 80 et 84 ans respectivement pour les hommes et les femmes – ne cesse de grimper. Et selon le Bureau du Plan, si les 65 ans et plus représentent actuellement 19,5% des Belges, cette proportion devrait passer à plus de 27% d’ici cinquante ans. Soit un quart de la population! Il est donc évident qu’on ne peut pas croiser les bras, et que la solution des maisons de repos (et de soins) ne suffit plus. Bien conscients des enjeux à venir, les instances politiques et les acteurs du social, aidés d’architectes inspirés, imaginent ainsi de nouvelles manières d’habiter, de cohabiter, de partager, de s’épauler, de s’épanouir même lorsqu’on ne peut plus tout assumer soi-même.

Reste à pouvoir se convaincre qu’il est temps d’envisager l’après. «Il faut réfléchir à temps à nos dernières décennies, insiste Emma Volckaert. Bien sûr l’endroit où on habite fait partie de notre identité. Mais ce que nous semblons ne pas comprendre c’est qu’on peut aussi tisser des liens dans un nouveau lieu. Nous restons nous-mêmes dans ce nouvel endroit, mais un peu différemment.» Dans son dossier consacré à l’habitat en fin de vie, notre magazine vous invite à y penser. A chacun de faire son chemin dans la réflexion et d’oser en parler. N’est-ce pas finalement emballant de faire peau neuve?

Lire notre dossier complet: Habitat et vieillissement: visite, conseils et témoignages des architectes, psys et proches

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