Nicolas Balmet
Chronique | Au cours de sa vie, un être humain marche l’équivalent de 3 fois le tour du monde
Dans cette chronique, rien n’est en toc. Chaque vérité, cocasse ou sidérante, est décortiquée par un journaliste fouineur et (très) tatillon qui voit la curiosité comme un précieux défaut.
N’y allons pas par quatre chemins : trois tours du monde, c’est beaucoup. Surtout à pieds. T’as plutôt intérêt à partir tôt, histoire d’éviter les embouteillages au carrefour Léonard. Et à bien remplir ta gourde, parce qu’une fois arrivé à la fin du premier tour, à mon avis, tu commences à avoir la gorge un peu sèche.
Perso, je prendrais aussi une bonne réserve de tartines en triangle – vous savez, celles qu’on achète dans les pompes à essence des autoroutes, je ne suis d’ailleurs pas certain qu’on en trouve ailleurs que là, je vais quand même une fois me renseigner sur le gars qui a créé ces trucs-là, parce que je ne serais pas surpris que tout soit parti d’une blague du genre «ah ah, je vais créer des tartines triangulaires spécialement dédiées aux gens qui prennent l’autoroute, je suis sûr que personne ne pensera jamais à se demander pourquoi elles sont triangulaires»… Cela sans savoir qu’un jour, je passerais par-là.
Bref! Au cours de notre vie, on marcherait l’équivalent de trois tours du monde. Bien sûr, pour cela, il faudrait vivre au moins 75 ans (et donc, ne pas être né dans la famille de Ligonnès) tout en longeant l’équateur terrestre – qui fait environ 40.000 kilomètres – et en progressant non-stop à une vitesse moyenne de 4,8 km/h. Mission impossible, donc. D’abord parce que vous devriez passer toute votre existence à user vos souliers sans faire pipi, alors que vous n’arrivez pas au bout d’un épisode de Camping Paradis sans appuyer sur le bouton «pause» de votre télécommande – ne croyez surtout pas que je ne vous vois pas.
Ensuite parce qu’il n’existe aucune route longeant l’équateur, ce qui signifie qu’au cours de votre périple, vous devriez enjamber l’un ou l’autre océan ; or, d’après ma modeste expérience en saut en longueur, même avec un bon élan, franchir l’Atlantique d’un seul bond reste un geste réservé aux professionnels. La nage ? Vous m’en direz des nouvelles, mais je crois que les grands requins blancs vous donneront un peu de fil à retordre.
Alors oui, malgré tout, ça peut être sympa. Et une manière plutôt intéressante d’aller de l’avant. Car il faut bien le dire, dans nos sociétés modernes, notre temps de marche est partagé entre différentes habitudes très curieuses comme : déambuler dans les supermarchés, promener le clebs, se dégourdir les jambes dans la forêt de Soignes (alors qu’il pleut), faire la file dans les attractions à Disneyland ou s’offrir une «balade digestive» sur la digue après avoir ingurgité plus de frites que de moules.
Puisqu’on en parle, je me permets d’enchaîner avec d’autres chiffres abracadabrantesques (un mot plus facile à écrire qu’à prononcer) (vous venez d’essayer de le prononcer à voix haute) (et vous confirmez que c’est compliqué) : au cours d’une vie, nous passons deux années complètes à… manger. Et au cours de cette même vie, nous passons environ 25 ans à… dormir.
Personnellement, mon plan est donc assez clair. Dès demain, je me mets à manger durant deux ans complets (n’hésitez pas à m’envoyer vos recettes faciles). Ensuite, une petite sieste de 25 ans ne sera pas de refus. Enfin, une fois bien reposé, je serai forcément paré pour faire trois fois le tour du monde sans escale – tant pis, je ferai pipi en marchant, c’est pas bien grave, j’en ai vu d’autres.
Tant que je serai debout, j’enchaînerai quelques tracés mythiques, histoire de vivre trois années de folie. J’emprunterai ainsi la route la plus longue du monde, à savoir la Panaméricaine qui traverse quatorze pays entre Prudhoe Bay (en Alaska) et Ushuaïa (en Argentine). Puis je prendrai cette bonne vieille E40 qui – peu de gens le savent – permet de rallier la France à… la Chine, en passant aussi bien par la Belgique que par la Pologne ou le Kazakhstan.
Tout au long de mon épopée, je serai guidé par la seule et unique citation sur le voyage dont Confucius et Paulo Coelho réunis seraient jaloux. Une citation prononcée par un client un brin éméché du bar du Botanique où, jadis, j’exerçais la fantastique (vraiment) profession de barman : «Y a des gens qui font le tour du monde, et moi, je n’ai même pas encore fait le tour de Saint-Josse.» Là-dessus, je file à la pompe m’acheter des tartines en triangle… tant que ce monde tourne encore un peu rond.
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