Nicolas Balmet
Chronique | Le festival de Woodstock n’a pas du tout eu lieu à Woodstock
Dans cette chronique, rien n’est en toc. Chaque vérité, cocasse ou sidérante, est décortiquée par un journaliste fouineur et (très) tatillon qui voit la curiosité comme un précieux défaut.
On est en 1969, soit il y a 55 ans et des poussières, au cœur d’un mois d’août qui va rentrer dans l’Histoire grâce au rêve de quatre jeunes fans de musique. Ils s’appellent John, Michael, Joel et Artie, et ils ont choisi la petite ville de Woodstock, dans l’Etat de New York, afin d’y établir un… studio d’enregistrement. Mais c’est l’été, les oiseaux gazouillent et les Stones viennent de donner un concert de fou à Hyde Park afin de rendre hommage à Brian Jones.
La marie-jeanne de l’époque semble de très bonne qualité, puisqu’un jour, le rêve des quatre amis devient presque une utopie: au lieu de créer un studio, ils vont organiser un grand festival de musique en plein air. Quelques pétards plus loin, le plan est prêt: la fête durera trois jours et réunira des artistes rock, soul, folk et blues, avec un certain Bob Dylan en tête d’affiche pour booster les ventes. Une dinguerie.
La suite? Non seulement Bob Dylan décline l’invitation, mais en plus, les habitants de Woodstock refusent d’accueillir un tel événement. L’euphorie vire au pétard mouillé. Mais les quatre amis n’ont pas dit leur dernier mot, et c’est plus loin, sur un site industriel de la ville de Wallkill, qu’ils comptent mener à bien leur projet. Hélas, le sort s’acharne: un mois avant le festival, alors que la vente des tickets bat son plein, leur permis est annulé par les autorités locales. Stupeur, tremblements, angoisse et désespoir.
Puis, soudainement, une nouvelle éclaircie dans la grisaille: en s’exilant encore plus loin, du côté de Bethel, un fermier nommé Max Yasgur accepte de louer ses vastes terres contre un chèque de 75.000 dollars. Deal! On est désormais à une centaine de kilomètres de Woodstock. Sauf que le festival s’appelle déjà officiellement The Woodstock Music and Art Fair, et il est un peu tard pour changer de nom…
Morale de l’histoire? On nous ment depuis 55 ans. Et même si la majorité des spectateurs de Woodstock ne se souviennent pas de ce long week-end tant leurs esprits étaient remplis de drogue d’amour, ça fait quand même mal au bide. Vous me direz: ça ne sert à rien de vouloir être plus catholique que le pape. Surtout qu’autour de nous, ces mensonges-là foisonnent. Le rallye Dakar se déroule en Arabie saoudite, le Tour de France passe par l’Italie, et mon restaurant grec préféré s’appelle Mykonos alors qu’il se trouve à Woluwe-Saint-Lambert. C’est vrai. Tout part en fumée. Même ce bon vieux syndrome de Stockholm se moque de nous: il paraît qu’un Norvégien peut très bien se le choper aussi.
Je souhaite néanmoins profiter de ces pages, tant qu’on parle de mensonges d’Etat, pour énumérer quelques-uns des plus grands scandales qu’il m’ait été donné de croiser durant mes recherches. Asseyez-vous. La boîte noire des avions, mesdames et messieurs? Elle est orange! Les cerisiers du Japon? Ils ne donnent aucune cerise. Last Christmas? Ce n’est pas une chanson de Noël, mais l’histoire d’une rupture. Le café liégeois? Il vient de Vienne. Les frères Bogdanoff? C’étaient des êtres humains. J’en passe, et non des moindres.
Non pas pour frimer ou jouer les redresseurs de torts, mais parce que je pense que tout cela doit suffire. Non mais vous imaginez, si on apprenait un jour qu’en réalité, le pont de la rivière Kwai n’enjambait pas la rivière Kwai, mais la Meuse? Personnellement, j’en perdrais mon latin, et j’ai quand même fait du latin pendant quatre ans à l’école, je peux vous dire que j’ai beaucoup à perdre.
Mais bon: carpe diem. J’ai quand même envie de finir sur une vérité vraie. Et me remémorer la première fois où mes yeux et mes oreilles sont tombés sur le documentaire Woodstock, que ma mère possédait en VHS. Une claque monumentale, qui m’a donné envie d’avoir à tout jamais de la musique dans les oreilles et des bonnes ondes en guise d’âme. Le plus grand rassemblement hippie de tous les temps. Une nuée de 400.000 personnes provoquant des embouteillages historiques. Pas assez d’eau ni de toilettes. Un bain de boue gigantesque. Janis Joplin, The Who, Joe Cocker, Joan Baez, Jimi Hendrix et tant d’autres. Quatre jours de paix et d’insouciance, finalement rendus gratuits par les organisateurs face au succès de leur rêve qui, sans qu’ils le sachent, deviendra mythe. Allez, ok, mensonge pardonné.
Retrouvez toutes les chroniques de Nicolas Balmet ici
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici