Nicolas Balmet

Chronique | Saviez-vous que le bic 4 couleurs a 55 ans cette année ?

Nicolas Balmet Journaliste

Dans cette chronique, rien n’est en toc. Chaque vérité, cocasse ou sidérante, est décortiquée par un journaliste fouineur et (très) tatillon qui voit la curiosité comme un précieux défaut.  

Quatre couleurs dans un seul bic: ça frôle le génie. Même le gars qui a décrété qu’il y aurait quatre saisons dans une année est un peu jaloux. Et l’extraordinaire inventeur de la pizza quatre fromages lui-même ne s’en est toujours pas remis. De mon côté, après plusieurs décennies passées à l’observer, à le triturer, à le mordre (oui, je fais partie de ces gens-là, ne me jugez pas) et surtout à enchaîner les «clics» de façon compulsive juste pour le plaisir de passer d’une couleur à l’autre sans même l’approcher d’une feuille… après tout cela, je dois bien avouer que je suis toujours aussi admiratif du pouvoir d’attraction de ce Bic à quatre couleurs tout droit sorti d’un cerveau forcément éblouissant. Comme quoi, il fut un temps où tout était possible, même quand on s’appelait Marcel.

Marcel Bich, pour être précis. On est d’accord qu’avec un nom pareil, soit on ouvre un bar à hôtesses dans une ruelle sombre de Blankenberge, soit on décide de modifier légèrement son nom pour tenter de devenir quelqu’un de bien. C’est le choix numéro 2 qui s’est imposé dans la tête de Marcel Bich. Et il ne va pas le regretter. En 1950, cet industriel franco-italien se sépare simplement de son H pour devenir Monsieur Bic, cela tout en perfectionnant l’invention d’un journaliste hongrois nommé Lazlo Biro qui, dans les années 30, a créé le premier stylo à bille sous le nom de Birome… avant de s’exiler en Argentine. D’une version inaboutie, Monsieur Bic va arriver à un objet ingénieux en travaillant d’arrache-pied afin de façonner un stylo doté d’un tube-réservoir qui rendra l’écriture à la fois aisée et agréable. Dès l’an 1950, le Bic nommé Cristal fait couler beaucoup d’encre (hein que vous l’attendiez, celle-là?), notamment grâce à un argument marketing qui ne laisse personne indifférent: avec un seul Bic, il est possible de tracer une ligne de deux à trois kilomètres. Je vous laisse bien sûr vérifier l’info de vos propres mains – personnellement, j’ai d’abord une chronique à finir, et en plus, je ne trouve pas ce coup marketing si remarquable que cela, si ça n’avait tenu qu’à moi, j’aurais plutôt opté pour un slogan du genre «Trop stylé, ce stylo», mais d’accord, ce n’est pas forcément un hasard si je n’ai pas fait d’études de marketing.

Bref! En créant ce stylo à bille à durée de vie limitée, Marcel écrit surtout les premières lignes d’une ère un peu moins glorieuse: la grande époque du jetable. Son Bic n’est pas rechargeable, au même titre que les rasoirs ou les briquets qu’il imaginera quelques années plus tard. On pourrait le blâmer pendant des heures que ça n’y changerait rien. Surtout que le gaillard s’est largement fait pardonner en concevant le fameux Bic à quatre couleurs… il y a tout juste 55 ans. Une révolution. Un coup de maître. Un orgasme industriel, même, pour un accessoire insolite qui allait devenir iconique grâce à sa silhouette unique. Au sommet du stylo, une petite boule qui permet alors de composer les numéros sur les téléphones fixes à cadran rotatif (pour les plus jeunes qui nous lisent: c’est un peu comme les téléphones d’aujourd’hui, mais sans TikTok). Et en guise d’ossature, de la rondeur associée à des couleurs qui vont très vite exciter des collectionneurs désormais réunis sous le nom de «stylobiliaphiles».

La marque Bic flaire très vite le bon coup, imaginant des modèles rares ou des éditions limitées qui s’arrachent aujourd’hui à prix dingue. Le Bic à quatre couleurs en or et en diamants créé conjointement par l’artiste Richard Orlinski et la joaillerie La Maison Tournaire, par exemple, s’échange contre la somme de 24.000 euros – pas de panique, pour les moins nantis, une version en bronze existe déjà à partir de 350 euros. Les versions Pop Art, Super Mario ou Jules Verne, elles, ne font que prouver que la marque française a encore plus d’un tour dans sa trousse pour offrir une très longue vie à son stylo-bille fétiche. Il faut dire que dans la famille Bic, le stylo à quatre couleurs est un peu l’enfant préféré, le rejeton qui fait l’unanimité, le fils prodige. Celui qui, partout où il passe, peu importe ce qu’il écrit, récolte des critiques dithyram… bic – avouez que celle-là, vous ne l’avez pas vue venir.

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