Nicolas Balmet
Chronique | Saviez-vous que le château de Disney compte 14 nuances de rose afin de le faire paraître plus grand
Dans cette chronique, rien n’est en toc. Chaque vérité, cocasse ou sidérante, est décortiquée par un journaliste fouineur et (très) tatillon qui voit la curiosité comme un précieux défaut.
IIl y a quelques semaines, afin de me comporter «en bon père de famille» comme l’exige la loi, j’ai posé un acte d’une grande bonté qui, en théorie, devrait me garantir une place VIP au paradis: j’ai accepté une escapade à Disneyland Paris. De la bravoure à l’état pur, puisque les parcs d’attractions figurent sur la liste des lieux qui, pour moi, sont synonymes de supplice – enfermez-moi dans un camp de travail nord-coréen et je ne verrai pas la différence.
Bien sûr, pour arriver «pas trop tard», il a fallu se lever «super tôt». Et comme par hasard, histoire de transformer mon calvaire en chemin de croix, ce jour-là, le parc a décidé d’afficher «complet», ç’aurait été beaucoup trop facile d’être uniquement épuisé par le trajet, il fallait aussi que des milliards de gens décident de s’agglutiner autour de moi avec leurs oreilles de Mickey, leurs sourires béats et leur étrange façon de garder leur calme quand l’entrée d’une attraction indique «120 minutes d’attente».
J’ai donc mordu ardemment sur ma chique, en me disant qu’Orphée avait bien réussi à ressortir des Enfers et en pensant à ma sœur qui, elle, avait un jour assisté à un concert entier de Marc Lavoine. Mieux: pendant les files, j’ai utilisé mon temps à bon escient en m’adonnant à quelques recherches. Avec, dans mon viseur, l’immense château de La Belle au bois dormant qui domine l’oppressante fourmilière grouillant à son pied.
J’ai d’abord appris des choses sur la couleur du château, soit un rose flamboyant qui n’a rien à voir avec la teinte grisâtre du dessin animé original. La raison? Les architectes se sont dit que, pour trancher avec un ciel parisien souvent grincheux (oui, comme le nain), il fallait donner à l’édifice un tempérament joyeux (oui, comme l’autre nain) qui ferait un effet waouh sur les photos des visiteurs. Bien joué: le résultat n’est ni simplet (!) ni timide (!), je dirais même qu’on peut parler d’un travail de pro(f).
Il faut dire que Disney aime choyer sa bâtisse. Lors de sa dernière rénovation en 2021, par exemple, l’entreprise a imaginé une façade étincelante contenant pas moins de 40.000 feuilles d’or, mais aussi quelque 14 nuances de rose chargées d’agrandir visuellement le château – plus le regard monte vers le haut, plus le rose est clair afin de créer un effet trompe-l’œil et donner une allure élancée au monument. Dans le même ordre d’idées, ses tours les plus hautes sont aussi les plus petites, histoire de le faire paraître plus haut qu’il ne l’est. Heigh-ho, heigh-ho, ça c’est du beau boulot!, comme disent vous savez qui.
Autre surprise: les nombreuses influences de ces filous d’architectes qui, il y a plus de trente ans, avaient pour objectif de bâtir un château qui ne ressemblerait en rien à ceux déjà existants dans les parcs de Californie, de Floride et de Tokyo. Afin d’innover, on opta pour des allures plus fantaisistes et moins «château français», non sans lui greffer quelques références prestigieuses. Ainsi, sa position sur un éperon rocheux est inspirée du Mont Saint-Michel, ses fenêtres ressemblent à celles du château de Chaumont-sur-Loire, ses tapisseries évoquent celles de Cluny, ses tuiles bleutées font référence à celles des hospices de Beaune, sa coupole en vitrail rend hommage au château de Chambord, et son aspect général s’inspire du féerique château de Neuschwanstein situé en Allemagne. Autant dire que le résultat n’a rien – comme on le dirait chez nous – d’un château de brouillon.
Et ce n’est pas tout. Celui qui, avec le temps, est devenu ni plus ni moins que le château le plus visité d’Europe possède une autre particularité qui ne saute pas forcément aux yeux… et l’expression est bien choisie (oui, parfois, je m’auto-félicite, c’est ma chronique, je fais un peu ce que je veux). C’est même un point commun à chacun des châteaux des parcs Disney dans le monde, et personnellement, j’appelle cela du génie: l’édifice est orienté de sorte qu’à aucun moment de la journée, les visiteurs ne doivent prendre des photos à contre-jour. Alors certes, j’insiste, 120 minutes d’attente pour faire une attraction, c’est infernal et même honteux de la part de Mickey et ses potes. Mais à ceux qui, à l’origine, ne pensaient qu’à émerveiller leurs futurs hôtes, je tire mon château!
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