David Sirota, journaliste et scénariste de ”Don’t Look Up”: “Les puissants détestent le changement”

David Sirota
David Sirota et son épouse Emily à la 94e cérémonie des Oscars au Dolby Theatre le 27 mars 2022. (Photo by ANGELA WEISS / AFP) (Photo by ANGELA WEISS/AFP via Getty Images) © ANGELA WEISS AFP via Getty Images
Kathleen Wuyard

Après avoir captivé les esprits avec « Don’t Look Up », qu’il a co-écrit avec Adam McKay, le journaliste et scénariste américain s’apprête à faire sa venue en Belgique. Une visite dans le cadre deLove Tomorrow, la nouvelle conférence sur la durabilité de Tomorrowland, qui se tiendra le 28 juillet prochain.

L’activisme consiste à agir collectivement pour obtenir des changements. Ce qui implique forcément d’organiser des actions qui vont à l’encontre des intérêts des puissants de ce monde. Cela va de l’organisation de manifestations à des mobilisations pour obtenir des changements de la part des législateurs en passant par la mise en place de syndicats. Ceux qui détiennent le pouvoir détestent tout ça parce que leur statu quo joue en leur faveur. Ce n’est pas dans leur intérêt que les choses changent, donc la seule manière de faire en sorte que cela se produise, c’est d’unir nos forces. Plus les activistes réaliseront leurs objectifs, plus les puissants se plaindront, mais ce n’est pas une raison de s’arrêter, au contraire : c’est le signe que les choses bougent et qu’il faut continuer à se démener.

Tout le monde m’a dit que j’avais de la chance d’aller à Tomorrowland. J’ai été invité à venir y parler de « Don’t Look Up » dans le cadre de la conférence Love Tomorrow, mais je dois bien avouer que je n’avais jamais entendu parler du festival auparavant. Toutes les personnes que je connais dans le secteur de la musique, bien, par contre, et ils n’ont pas manqué de me dire que j’étais super chanceux. Ce n’est pas ma première fois en Belgique, par contre : ado, j’ai rallié Paris à Amsterdam en vélo et on a fait un détour par Gand. Je me réjouis vraiment d’y revenir pour Love Tomorrow, j’ai hâte de découvrir Anvers et avec un peu de chance, de goûter aux célèbres bières belges. Même si j’ai déjà assisté à plein de concerts, je crois que c’est la toute première fois que je vais à un festival, ce qui ajoute encore un élément de découverte.

Personne n’aurait pu prédire le succès de “Don’t Look Up”. On savait que le film n’allait pas passer inaperçu vu le nombre de stars au casting, mais on ne pouvait pas de douter qu’il allait toucher autant de personnes dans autant de pays. Ni que le titre du film allait devenir une manière de parler de l’urgence climatique. Je suis ravi que le film ait eu un tel impact, parce que même s’il ne va pas changer les choses à lui tout seul, je pense qu’il a attiré l’attention sur le rôle joué par les médias et certains élus dysfonctionnels dans la situation où on se trouve pour le moment. Malheureusement, le scenario du film continue à se répéter. Il suffit de voir l’écho accordé à la gifle de Will Smith et le peu d’attention pour le dernier rapport du GIEC. C’est extrêmement frustrant, mais je choisis d’espérer que « Don’t Look Up » a attiré l’attention sur cette distraction médiatique, et comment elle contribue à empirer la situation de la planète.

Jennifer Lawrence, Leonardo DiCaprio, Meryl Streep, Jonah Hill et Adam McKay à la première mondiale de "Don't Look Up" au Lincoln Center le 5 décembre 2021. (Photo by Dimitrios Kambouris/Getty Images for Netflix)
Jennifer Lawrence, Leonardo DiCaprio, Meryl Streep, Jonah Hill et Adam McKay à la première mondiale de « Don’t Look Up » au Lincoln Center le 5 décembre 2021. (Photo by Dimitrios Kambouris/Getty Images for Netflix) © Dimitrios Kambouris Getty Images for Netflix

Le rôle de journaliste n’est pas si éloigné de celui de scénariste. Du moins, de la manière dont je l’envisage : en tant que journaliste, mon rôle est de confronter les suppositions et de défier l’ordre établi, ce qu’on a fait aussi avec « Don’t Look Up ». En tant qu’auteur, j’ai toujours été séduit par le pouvoir du récit, et les films sont une des manières les plus puissantes de le partager. Un bon film bien écrit peut avoir un impact exponentiellement plus grand que l’article le mieux rédigé qui soit. Ce qui ne veut pas dire que le journalisme ne compte pas : je suis persuadé que le monde a besoin de journalisme et de films de qualité, raison pour laquelle je m’attèle à fournir les deux.

En démocratie, c’est important de s’impliquer dans le processus politique. Et ce, de quelque manière que ce soit : il est hors de question pour moi de garder le silence sur les réseaux sociaux et de cacher mes valeurs, personnelles et politiques. Je trouve que bien trop de journalistes et de médias se cachent derrière l’illusion « d’objectivité » pour distiller leur idéologie politique dans leurs articles. L’objectivité absolue n’existe pas, tout le monde a ses opinions et son point de vue, et le job des journalistes est de partager la vérité et les faits tels qu’ils sont.

Ma femme* est mon héroïne. C’est une fierté pour moi de savoir qu’elle me représente, même si son job est très exigeant et implique beaucoup de stress et d’heures supplémentaires. Mais je ne me plains pas : je suis reconnaissant de ce qu’on a construit ensemble et c’est un privilège d’être marié à une politicienne. Cela me permet de voir l’envers du décor, et c’est un rappel constant que changer les choses demande beaucoup de sacrifices.

On ne va pas résoudre la crise climatique uniquement par des actions individuelles. Il faut que les politiciens mettent en place un changement systémique global. Ceci étant, ce n’est pas une excuse pour ne pas s’impliquer à son propre niveau. Je ne suis pas parfait, mais j’essaie d’être conscient de mes choix, qu’il s’agisse de ce que je mange, de ma consommation énergétique ou encore de mes moyens de transport. C’est important de faire des choix raisonnés, surtout quand ils sont simples à faire : la majorité de ce qu’on doit mettre en place pour combattre la crise climatique ne demande pas tant d’adaptations ou de sacrifices.

* Emily Sirota, élue démocrate à la Chambre des représentants du Colorado depuis 2019, NDLR.

David Sirota sera présent aux côtés de Yuval Noah Harari et Ida Engberg, entre autres, lors de la conférence Love Tomorrow, qui se tiendra en marge de Tomorrowland le 28 juillet prochain. Plus d’infos sur lovetomorrowconference.com

Love Tomorrow se tiendra en marge de Tomorrowland.
Love Tomorrow se tiendra en marge de Tomorrowland.

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