On les pensait insubmersibles. Rattrapés par les crises à répétition, les cadors du luxe souffrent pourtant eux aussi d’une croissance en berne. Dans l’un de ses derniers rapports, le prestigieux cabinet de conseil Bain & Company révélait ainsi une baisse de 50 millions de clients en deux ans. La faute à la génération Z dont l’appétit pour les acteurs traditionnels du secteur ne cesse de diminuer. Pour conserver une assise face à des ventes ralenties, les prix des produits se sont envolés.
Dans le prêt-à-porter, premier métier du luxe à tirer la langue, mais aussi dans les accessoires et même les parfums. Longtemps considérés comme les vaches à lait des maisons de mode, les sillages iconiques de la parfumerie dite classique font face à la concurrence de plus en plus forte de lignes plus confidentielles. Regroupées sous la coupole de ce que l’on appelle la «niche», celles-ci connaissent encore toujours une croissance annuelle à deux chiffres. Et mènent aujourd’hui la danse.
Des parfums comme des vins
Perçues comme plus authentiques car entièrement dédiées à l’univers du parfum, ces nouvelles marques peuvent s’offrir – grâce à une diffusion plus limitée – les ingrédients les plus rares. Mais surtout, le temps de l’expérimentation. Pour se singulariser et justifier des prix qui peuvent dépasser 400 euros pour un flacon de 100 ml, une nouvelle tendance, initiée entre autres par Amouage, consiste à soumettre alcool et concentrés à un processus de vieillissement de plusieurs mois dans des barriques de bois. A la manière d’un grand cru classé, les parfums acquièrent une patine unique, à mille lieues des jus propulsés par milliers sur les linéaires des «drugstores» de la beauté.
Dans son rôle de produit d’appel des pontes de la mode, le parfum est donc en passe de céder la place au rouge à lèvres. Sur le segment du maquillage auquel les analystes prédisent une croissance de plus de 3% par an, les nouveaux prétendants se bousculent. Après Hermès, Gucci et Valentino, Louis Vuitton vient d’annoncer le lancement à la rentrée prochaine de 55 rouges à lèvres. Un chiffre méticuleusement choisi, puisqu’il s’écrit… LV en chiffres romains.
Dans son rôle de produit d’appel, le parfum est en passe de céder la place au rouge à lèvres.
Le pouvoir du make-up
En s’ouvrant au make-up, ce sont bien sûr les plus jeunes, happés quotidiennement par les tendances de TikTok, qui sont dans le viseur. Des «buzz» qui ne doivent rien au hasard: ainsi, pour son lancement aux Etats-Unis en 2023, Prada Beauty aurait sélectionné pas moins de 10.000 influenceurs pour promouvoir ses produits. Un «coup» qui s’est avéré payant lorsque l’on sait que le groupe italien est l’un des rares à avoir clôturé 2024 avec un chiffre d’affaires en hausse de 17%, atteignant 5,4 milliards d’euros…
Mais comme le rappelle l’autrice Rebecca Benhamou dans son essai Sur la bouche, le succès de l’objet pourrait aussi être plus politique qu’il n’en a l’air: «Pointé du doigt comme le symbole de la débauche de l’Occident par les nazis pendant l’occupation, le lipstick était en revanche associé au patriotisme par les Alliés.» Nos petits tubes pigmentés pourraient bien reprendre du service comme peintures de guerre.
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