Chercheur belge spécialiste du sommeil, Gilles Vandewalle explore depuis vingt ans les liens entre l’éclairement du jour et nos fonctions vitales. Éveil, humeur, sommeil, cognition : tout y passe. Au fil de ses expériences en imagerie cérébrale, il révèle une vérité lumineuse et oubliée : notre cerveau est câblé pour la lumière naturelle.
Pour VELUX, la lumière naturelle est essentielle, au cœur de toutes les préoccupations. Dans cette série « Rewrite the Rules of Light », vous découvrez six personnalités pour lesquelles la lumière est capitale. Découvrez d’autres portraits lumineux :
1. Yann Mathias, photographe
2. Vincent Callebaut, architecte belge à Paris
3. Jean-François Salieri, l’homme lumière qui a éclairé la Joconde
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Gilles Vandewalle est un chercheur belge à la croisée du sommeil et de la lumière auprès du FNRS à l’Université de Liège. Co-directeur du centre GIGA-CRC-Human Imaging, il est spécialiste du sommeil, de l’éveil et des rythmes circadiens, il scrute les effets de la lumière sur le cerveau humain. Sa matière première ? La lumière, pas pour ce qu’elle montre, mais pour ce qu’elle déclenche. « Je m’intéresse à l’impact que la lumière a sur le cerveau au-delà de la vision. »
La lumière naturelle, un médicament trop discret
La lumière naturelle est encore trop sous-estimée dans ses effets sur notre santé. Elle joue pourtant un rôle central dans l’éveil, l’attention, l’humeur. La lumière influence directement notre horloge biologique et agit sur des zones cérébrales liées à la cognition, au sommeil, à la régulation émotionnelle. « La lumière du matin est bénéfique, celle du soir peut être délétère. »
Pourquoi ce décalage entre notre physiologie et nos modes de vie ? « Notre quotidien se déroule en intérieur, loin de la lumière naturelle du matin et trop proche de celle des écrans le soir. Résultat : désynchronisation de l’horloge biologique, baisse de l’attention, perturbation du sommeil et de l’humeur. L’humain moderne est exposé à trop peu de lumière naturelle le matin, et trop de lumière artificielle le soir. »
Notre corps est régi par un rythme d’environ 24 heures : le rythme circadien. Ce dernier règle notre vigilance, notre température interne, notre production hormonale, notre sommeil. Et c’est la lumière, surtout celle du jour, qui en est le principal synchroniseur. « Il suffit parfois de décaler d’une heure son exposition lumineuse pour réharmoniser tout l’organisme. »
L’habitat, première médecine lumineuse
Notre corps a besoin de lumière pour savoir quand commencer sa journée. Défi des temps modernes : cette lumière doit venir de l’extérieur, pas d’un écran. « La lumière naturelle du matin avance l’horloge biologique qui a tendance à se décaler. Elle signale à notre cerveau que le jour a commencé. »
Une baie vitrée orientée à l’est, une fenêtre dégagée, un moment passé dehors au réveil : autant de gestes simples qui peuvent améliorer la qualité du sommeil, de l’attention et même de l’humeur, lorsque c’est possible (tant à la maison qu’au bureau). « Ce sont les premières heures du jour qui comptent le plus », rappelle le chercheur. Repenser nos habitats pour laisser entrer la lumière du matin, c’est aussi penser notre santé.
Luminothérapie, fatigue, écrans : les pièges du quotidien ? « La lumière bleue stimule l’éveil, et les écrans que nous utilisons beaucoup le soir, contiennent beaucoup de bleu — un contresens biologique. La simple réduction de l’utilisation des appareils connectés (avec écrans) à partir de 21:30 permet aux adolescents de récupérer jusqu’à trois heures de sommeil par semaine. » Son conseil : lire avec une petite lampe, marcher dehors le matin, privilégier la lumière du jour : des solutions simples, non médicales, mais efficaces. « La lumière du jour est le meilleur médicament lumineux. »
Vieillir à la lumière : un enjeu de santé publique
Avec l’âge, nos yeux deviennent moins sensibles à la lumière et notre horloge biologique moins réactive. Pourtant, les bienfaits restent mesurables. Chez les personnes âgées, et même atteintes de démence, une exposition accrue à la lumière la journée améliore le sommeil, la cognition, l’humeur. Sa conclusion est sans appel : « Il faudrait considérer la lumière comme on considère l’alimentation ou l’activité physique. »
En Belgique, la recherche sur les effets non visuels de la lumière reste peu développée. Gilles Vandewalle reste l’un des rares à travailler sur ces questions (avec un IRM 7 Tesla dans son cas) . Il plaide pour une meilleure diffusion de ces connaissances, loin du marketing, mais proches des usages concrets. « Ce n’est pas un médicament, donc on ne peut pas le breveter, mais pour moi, la lumière naturelle est un levier de santé. »
Cet article vous a passionné ? Nous aussi. Le mois prochain, rencontre avec Bertrand Piccard.