« Quand on jeûne, on maigrit vite, mais on met aussi sa santé en péril » met en garde un médecin nutritionniste

Le jeûne intermittent est-il vraiment bon pour la santé? Getty Images
Le jeûne intermittent est-il vraiment bon pour la santé? Getty Images
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Vu tour à tour comme un remède préventif contre le cancer, un allié pour freiner le vieillissement ou encore une manière simple et rapide de perdre du poids, le jeûne intermittent n’en finit pas de faire des adeptes, alléchés par ses bienfaits pour la santé. Mais ceux-ci sont-ils vraiment avérés? Pas si vite, tempère le médecin nutritionniste français Jacques Fricker dans son dernier livre.

Avec Manger intelligemment: éloge de l’omnivore, le Parisien, déjà auteur de nombreux best-sellers consacrés à la santé et au rôle que notre alimentation joue dans le maintien de cette dernière, a voulu compiler un guide de ce qu’il qualifie de « meilleure façon de garder la santé ». C’est-à-dire, devenir un « monivore averti », qui évite la malbouffe et mange « intelligent », afin d’être « au mieux de sa forme physique et mentale ». Un postulat qui correspond peu ou prou aux promesses du jeûne intermittent, pratique qui consiste à limiter le nombre d’heures durant lesquelles on ingère quotidiennement de la nourriture, et qui permettrait selon ses adeptes tout à la fois de « réduire les risques de diabète et de maladies cardiovasculaires », « offrir un nettoyage cellulaire au corps », « améliorer le sommeil et la qualité de la peau » mais aussi, argument de vente par excellence « perdre du poids sans se priver ».

C’est qu’il ne s’agit pas ici de dire adieu à ses aliments préférés, même si un certain respect de la pyramide alimentaire est évidemment conseillé, mais plutôt de restreindre le nombre d’heures durant lesquelles on s’alimente. Ainsi, plutôt que d’enchaîner petit-déjeuner, déjeuner et dîner en fonction du déroulement de la journée, on va fixer un cadre plus ou moins strict selon le ratio qu’on décide de suivre: le jeûne intermittent peut commencer en douceur avec une répartition 12:12, en commençant à manger à 07h30 et en ingérant la dernière bouchée à 19h30, par exemple, mais d’autres préfèreront opter pour une formule 15:9, 14:10, ou encore, celle dont les effets sont les plus loués, 16:8, avec une fenêtre de consommation de 8h par jour seulement.

Un peu contraignant, certes, mais un petit effort dans le grand schéma des choses, non? Après tout, la myriade d’effets positifs sur la santé méritent bien qu’on adapte un peu ses heures de repas, pas vrai?

Jeûner? Danger!

Et bien, pas si vite, nuance le Dr Jacques Fricker. Qui note que l’acte de jeûner est à la mode, et fait une distinction dans son exposé entre cures de jeûne, durant lesquelles on ne consomme pratiquement aucun aliment durant plusieurs jours d’afffilée, et jeûne intermittent, « durant lequel on ne mange rien pendant 16h de suite ».

La mauvaise nouvelle pour les adeptes de cures de bouillons et autres jus supposées « détoxifier l’organisme », c’est que selon le médecin nutritionniste français, elles n’ont pas vraiment l’effet bénéfique escompté. Au contraire, même. Ainsi qu’il l’affirme sans équivoque ni lettres minuscules, dans un intertitre qui sonne comme un avertissement, « le jeûne est dangereux ». Bien sûr, il est « simple et efficace », « car il n’y a pas de plat à préparer, la faim tend à s’estomper au bout de trois jours et on maigrit vite puisque l’organisme puise dans ses réserves ». Problème, en réalité, le jeûne paraît simple et efficace, « mais s’avère dangereux à court terme et décevant à plus longue échéance ».

Et le Dr Fricker de lister le danger cardiaque, rappelant qu’en France, plusieurs personnes sont décédées ces dernières années lors d’une cure de jeune, leurs autopsies ayant révélé un coeur « dans le même état qu’après une longue période de famine ». Autres dangers mortels susceptibles de survenir durant le jeûne: une altération des reins (avec insuffisance rénale en prime) et une occlusion intestinale (pouvant donner lieu à une péritonite). Et c’est sans compter sur les risques de calculs dans la vésicule ou dans les reins, de fonte musculaire, de grande fatigue, de perte des cheveux ou encore de sensibilité aux infections.

Le fameux « nettoyage du système » vanté par les adeptes de jeûnes réguliers? « Le jeûne accélère la disparition des cellules, car l’organisme a besoin de les « brûler » pour compenser l’absence totale d’énergie dans la nourriture. Et contrairement à ce qui se passerait chez une personne normalement nourrie, on n’est plus capable de les remplacer par de nouvelles cellules en raison de l’absence de protéines dans l’alimentation » avertit encore le médecin.

Quant à la perte de poids qui peut donner envie de faire momentanément l’impasse sur la nourriture solide, si elle est rapide, elle est aussi faussée. « Quelques semaines ou quelques mois après le jeûne, on reprendra plus de poids car l’organisme brûlera moins de calories en raison de la fonte musculaire ».

Bon. Mais le jeûne intermittent, alors? Ici, pas de litres de bouillon ou d’eau agrémentée de citron et de piment de Cayenne (un « régime » qui a brièvement fait fureur il y a une dizaine d’années). On mange sainement, en veillant à limiter les heures durant lesquelles on s’alimente pour « ne pas surcharger le foie ». Cela ne peut faire que du bien, n’est-ce pas?

Les effets avérés du jeûne intermittent sur la santé

Ici encore, le Dr Fricker nuance l’enthousiasme des masses. Certes, « c’est une méthode efficace pour les personnes qui souhaitent maigrir et qui ont du mal à limiter les portions lorsqu’elles se mettent à table ». Problème: « la perte de poids est rarement durable » car « par rapport aux mêmes apports alimentaires répartis sur un plus grand nombre de repas, le jeûne intermittent altère le métabolisme de l’insuline ».

La bonne nouvelle, c’est que « contrairement au jeûne total, on ne risque pas sa vie » avec son alternative intermittente. La mauvaise, c’est que selon les études scientifiques qui se sont penchées sur la question, et que le médecin nutritionniste a consultées pour rédiger son Manger intelligent, « les résultats n’inclinent guère à l’optimisme ».

Ainsi, le jeûne intermittent contribuerait à augmenter la tension artérielle ainsi que le « mauvais » cholestérol (de 20% tout de même) mais aussi à augmenter la sécrétion d’insuline et le tour de taille, « premier pas vers le diabète », et pire encore peut-être pour celles et ceux qui ne jurent que par les effets détoxifiants de cette pratique, elle génèrerait en prime une « souffrance du foie ».

S’astreindre à ne manger qu’un ou deux repas par jour « n’est donc d’aucune utilité pour sauvegarder sa santé » conclut Jacques Fricker, qui précise encore que si depuis quelques années, des cancérologues étudient les effets de l’association bénéfique de courtes périodes de jeûnes à la chimiothérapie, « en prévention du cancer, le seul régime qui ait fait ses preuves est une alimentation équilibrée de type méditerranéen ».

La bonne nouvelle, si vous lisez cet article durant vos heures de jeûne, c’est que plus rien ne vous empêche désormais d’accompagner votre lecture d’un snack (sain).

Manger intelligent, Dr Jacques Fricker, Editions Odile Jacob.

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