Les compléments alimentaires: Quand faut-il en prendre? Lesquels? Et comment?

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Aurélie Wehrlin Journaliste

Sortie de l’hiver, petit coup de mou, cheveux raplaplas, teint grisou… Avec les beaux jours, le besoin – ou l’envie – de reprendre du poil de la bête est plus que jamais pressant. Et les compléments alimentaires de véritables promesses de bonheur. Mais qu’en est-il vraiment ? Tiennent-ils ces promesses? Comment faut-il les ingérer, seuls ou en cocktail? Se valent-ils tous? On fait le point avec Aline Légipont, pharmacienne titulaire chez Newpharma, actuellement en formation de nutrithérapeute au Collège Européen de Nutrition et de Nutrithérapie.

Quelle proportion de personnes a réellement besoin de compléments alimentaires ? Et quels profils ?

Avant de parler de qui a réellement besoin de compléments alimentaires, il est important de rappeler le % de la population qui ne reçoit pas chaque jour via l’alimentation les apports journaliers conseillés (AJR).

Parce qu’avant de supplémenter, il convient toujours d’analyser son alimentation et de l’optimiser. On ne supplémente jamais à tout-va. On doit prendre l’individu dans sa globalité. Il convient de regarder et d’analyser son assiette : qu’est-ce que je mange, comment je mange, comment ai-je préparé mon repas, avec quels produits, d’où viennent-ils ? Quel est mon mode de vie ? Est-ce que je souffre de certaines pathologies ? Quels sont les médicaments ou autres compléments alimentaires que je prends déjà ?

Voici un aperçu du pourcentage de la population ne recevant pas les apports recommandés :

Hommes Femmes
Vit B6 16 à 50 25 à 50
Vit B9 40 à 90 50 à 90
Vit C 20 à 30 20 à 30
Vit D 87 91
Vit E 40 à 90 40 à 90
Magnésium 70 à 80 80 à 90
Calcium 20 à 30 20 à 30

Certains groupes de population sont plus à risque:

– Les femmes manquent souvent de fer. On estime qu’entre 55 à 90% des femmes ne reçoivent pas assez de fer. Mais, ce n’est absolument pas pour cela que l’on va automatiquement supplémenter en fer. Les femmes ne sont pas toutes des clones l’une de l’autre. On réalise une anamnèse, on analyse l’alimentation, on détermine l’importance du manque ou de la carence pour chaque femme en particulier, on optimise l’alimentation et si besoin on supplémente.

– Les grands sportifs manquent souvent de vitamine C, de vitamine B1, de vitamine E et de magnésium.

– Les jeunes enfants manquent souvent de vitamine D, de vitamine C, de zinc.

– Les adolescents manquent souvent de vitamine C, de zinc et de calcium.

– Les femmes enceintes manquent de la plupart des vitamines, de magnésium, de calcium, de fer et de zinc. C’est une population pour laquelle les gynécologues prescrivent d’office des suppléments, surtout en vitamine B9 car environ 90% des femmes enceintes en manquent. 78% des femmes enceintes ne reçoivent pas assez de magnésium.

Les femmes allaitantes.

Les femmes ménopausées.

Les personnes âgées (+ de 65 ans) et surtout celles qui sont institutionnalisées manquent souvent de vitamine B9, de vitamine B12, de vitamine C, de vitamine D, de calcium, de zinc.

Certaines pathologies peuvent conduire à un besoin accru en nutriments : soucis cardio-vasculaires, infections récurrentes, cancers, surpoids, maigreur, soucis au niveau de notre système gastro-intestinal, ostéoporose, etc.

Si j’ai une alimentation équilibrée, pas de gros problèmes particuliers, est-il judicieux de prendre des compléments alimentaires (poussée par le fait qu’ils sont disponibles et que tout le monde semble en prendre) ?

Au vu du constat fait plus haut, qui peut se targuer d’avoir réellement une alimentation équilibrée? Et faut-il vraiment attendre d’avoir de gros problèmes de santé avant de s’en occuper ?

Si on fait l’état des lieux de l’alimentation moderne, on s’aperçoit que l’apport micro-nutritionnel est trop faible: trop peu de vitamines, de minéraux, d’antioxydants. Mais aussi trop de calories, graisses saturées, de graisses trans, d’Ω6 (acide linoléique et arachidonique). Trop de sucres rapides ajoutés (saccharose, lactose, fructose), de toxiques, d’additifs. Ou encore trop de métaux lourds (Pb, Al,Hg,…), de polluants chimiques (insecticides, fungicides,dioxines,phosphates,pesticides,…). On ne consomme pas assez de glucides lents, de protéines végétales et de certains acides aminés (phénylalanine, tryptophane, cystéine, taurine, méthionine), ni assez d’AGMI ou d’AGPI, de vitamines et d’antioxydants (B9, B6, Vit E,…), de minéraux (Ca, I, Mg, K, Zn, Fe,…). Et pas suffisamment de fibres (fruits, légumes, algues, légumineuses,…), de pré et de probiotiques, d’H2O.

Ces déséquilibres ont pour conséquence une augmentation:

  • Des maladies dégénératives : arthrose, sclérose en plaque, vieillissement accéléré, Alzheimer, Parkinson,…
  • Des maladies cardio-vasculaires
  • Pathologies digestives (côlon irritable, leaky gut syndrom, …qui sont une porte ouverte à d’autres troubles).
  • Du surpoids, de l’obésité, du diabète de type 2, du syndrome métabolique
  • Des cancers
  • Du vieillissement prématuré (défaut de cicatrisation par manque de zinc).
  • De certains troubles psychologiques (stress, burn-out, épuisement physique, mental et nerveux, TDAH, …)

On peut aussi se dire que l’on pourrait être un petit peu acteur de notre vie et de notre santé et si nous essayions de ne pas être malade, ou le moins possible et surtout le plus tard possible en donnant à notre corps tous les ingrédients qui lui permettront de fonctionner, de se réparer, de se défendre correctement?

Donc, c’est une très bonne chose que les gens soient conscientisés et aient envie de se prendre en charge, mais il convient d’abord d’optimiser son alimentation et puis de supplémenter avec l’aide d’un professionnel de la santé. Un même professionnel de la santé peu à la fois aider à la correction alimentaire et aider à la prise de compléments alimentaires. La supplémentation doit absolument être réfléchie.

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Quand est-il judicieux de prendre des compléments, plus que des médicaments (par ex fer, etc).

Certains compléments n’existent pas sous forme de médicaments et certains médicaments n’existent pas sous forme de compléments. Mais certains nutriments existent à la fois sous forme de complément et sous forme de médicament. Et les gens pensent que ce même nutriment est plus efficace si c’est un médicament. Mais pourquoi ?

Ce n’est pas parce qu’un produit est un complément alimentaire qu’il est moins dangereux.

Pour enregistrer un produit comme médicament, il faut introduire un dossier et demander une autorisation de mise sur le marché. C’est long, compliqué et couteux. Mais, c’est indispensable si vous souhaitez pour une raison ou une autre positionner votre produit comme médicament.

La vitamine D se retrouve dans des compléments alimentaires et dans des médicaments. Mais cela reste toujours de la vitamine D. Qui ne doit jamais être prise à mauvais escient et jamais plus de 3 mois sans l’avis de son médecin.

Et y-a-t-il une saison particulièrement propice qui s’y mettre ?

Une saison particulière ? La vitamine D est synthétisée par notre peau sous l’action des rayons UV. En hiver (d’octobre à avril-mai), nous manquons plus de vitamine D. C’est pour cela qu’il est opportun de rappeler pendant les mois hivernaux de veiller à son taux de vitamine D.

A quelles indications quant à leur composition, doit-on faire attention ?

La législation concernant les compléments alimentaires est très bien fournie, très claire et très explicite (règlement CE1170/2009 et directive 2008/100/CE)

Elle reprend la liste de toutes les vitamines et minéraux autorisés dans les compléments alimentaires avec pour chaque nutriment son AJR (Apport Journalier recommandé) et/ou son AQR (Apport Quotidien recommandé). Elle détermine aussi toutes les règles d’emballage et les allégations santé qui peuvent être reprises sur l’emballage (les allégations santé fantaisistes ou miraculeuses étant interdites).

Un complément alimentaire doit comporter sur son emballage :

  • Le nom du distributeur du produit.
  • L’emballage doit indiquer clairement « complément alimentaire ».
  • Il doit être dans votre langue. Il faut absolument comprendre ce que l’on achète et surtout ce que l’on va ingérer. On n’avale pas n’importe quoi !
  • Un numéro NUT. Cela signifie que ce complément alimentaire est conforme aux normes belges et qu’il a été vérifié par les autorités belges.
  • La liste des ingrédients
  • Les valeurs nutritionnelles
  • Les apports journaliers recommandés
  • Les précautions d’emploi
  • Enfin, uniquement les allégations santé autorisées. Attention aux allégations fantaisistes ou miraculeuses.

Quelles précautions prendre quand on décide de prendre des compléments alimentaires ?

Si vous voulez être certain d’avoir un produit de qualité, vous l’achetez en pharmacie. Les pharmaciens sont très régulièrement inspectés et tous les compléments qu’ils proposent à leurs patients doivent répondre à la règlementation ci-dessus.

Comme écrit précédemment, on optimalise l’alimentation, on l’adapte si nécessaire à certains besoins en particulier et on supplémente si nécessaire en ayant pris soin au préalable de déterminer ses besoins.

On doit absolument faire attention aux AJR (Apports Journaliers Recommandés), à son état de santé, aux contre-indications, aux effets secondaires et aux interactions (par exemple entre un médicament et un complément alimentaire ou entre plusieurs compléments alimentaires).

On doit veiller à retrouver et maintenir un bon équilibre intestinal, un microbiote en bonne santé.

Ne pas hésiter aussi, afin d’affiner la prise d’un complément alimentaire, à demander à un professionnel de la santé de prescrire un bilan sanguin, un bilan urinaire, une analyse complète du microbiote, …

Certains micronutriments ne sont pas dépourvus de toxicité : Vitamine A, D, E, K, la vitamine C à haute dose, B3, B6, B9, le calcium, le fer, le sélénium, le potassium, l’iode, le cuivre, le manganèse et le chrome. EPour vous donner un exemple, un excès de calcium diminue l’absorption de la vitamine B2, du fer, du magnésium et du zinc.

On doit également respecter la chronobiologie : notre corps répond à une horloge interne et il est important de prendre un complément alimentaire au moment de la journée où il sera le mieux absorbé.

La discipline et la régularité de la prise participent-elles de l’obtention de résultats probants ? En cure ou sur le long terme ? Quel est le plus efficace ?

Il serait dangereux de faire une généralité. Car nous ne nous résumons pas à une généralité. Un micro-nutriment n’égal pas un autre micro-nutriment de par son activité et ses caractéristiques physico-chimiques. Et nos besoins nutritionnels ne sont pas non plus une généralité. Ils sont liés à notre activité physique, notre âge, notre sexe. Mais aussi à certaines périodes très consommatrices en nutriments (la croissance, la gestation, la lactation) et certains états de santé ( diabète, maladies cardio-vasculaires, stress, fatigue, ostéoporose, troubles articulaires, …)

Pour savoir si la prise constante ou la cure sont plus adaptées, on peut aussi distinguer.

  • Les macronutriments (glucides, lipides, protides) qui sont source d’énergie, qui interviennent pour construire, entretenir et réparer le corps. Nous en avons besoin chaque jour et nous devons veiller à leur bonne répartition dans notre alimentation.
  • Les micro-nutriments (vitamines, minéraux, acides aminés, acides gras, …) qui sont indispensables pour les dizaines de milliers de réactions chimiques qui se passent chaque jour dans notre corps. Nous devons veiller chaque jour à en avoir dans la bonne quantité dans notre assiette. Mais ce n’est pas pour cela que nous devons supplémenter chaque jour. Tout dépend de nos besoins ET du micro-nutriment. Il ne faut pas supplémenter en vitamine D en continu sans un contrôle biologique tous les 2-3 mois, pour reprendre l’exemple de la vitamine D.

En fait, l’entretien de notre santé, de notre corps et la prévention de certaines pathologies est un travail journalier et de très longue haleine. Cette programmation santé commence déjà bien avant notre conception par la bonne santé de notre maman.

Est-ce que, pour une même problématique (perte de tonus, perte de cheveux, etc), tous les compléments alimentaires se valent ? Sinon, à quoi faut -il faire attention ?

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On entend de plus en plus souvent dire que certains ne sont d’aucune utilité, parce que l’organisme ne parvient pas à les assimiler, tandis que d’autres sont efficaces. Alors question : lesquels privilégier pour leur efficacité ?

Non, ils ne se valent pas. Dans l’absolu, à quoi faut-il faire attention? Au dosage, qu’il soit correct et cohérent. Ni trop faible, ni trop élevé. Les oméga-3 qui doivent toujours être protégés par un anti-oxydant. Vérifier que la vitamine E est bien d’origine naturelle. Ainsi que la vitamine C, qui est mieux absorbée si elle est elle aussi d’origine naturelle. Il vaut mieux aussi supplémenter en béta-carotène sous forme naturelle plutôt qu’en vitamine A synthétique. Il faut faire attention aux additifs : dioxyde de titane, colorants artificiels, polysorbates… Par exemple, le polysorbate 80 entraîne une porosité au niveau de l’intestin, d’où intolérance et allergie.

Y a-t-il des combinaisons qui ont pour effet d’annuler les bénéfices recherchés ? Ou à l’inverse, certaines combinaisons décuplent-elles les bénéfices?

Oui, par exemple, les antioxydants comme la vitamine C et la vitamine E agissent en synergie (ils se régénèrent l’un l’autre). Il est important qu’ils soient associés. Idem pour le magnésium, la vitamine B6 et la taurine qui agissent en synergie. On veillera à associer vitamine D, magnésium et calcium. Le magnésium, en augmentant l’hydroxylation rénale de la vitamine D, favorise son utilisation par l’organisme.

La vitamine C augmente l’absorption du fer non-héminique d’origine alimentaire. Quant à la vitamine K agit en synergie avec le calcium, le magnésium et la vitamine D pour une bonne synthèse osseuse. Mais, attention, en cas de prise d’anticoagulants. Le CSS recommande 25µg / jour maximum (on se limite à 25µg dans les CA pour éviter l’interaction en cas de traitement avec des anticoagulants coumariniques).

En revanche, il faut éviter les complexes contenant Fer + cuivre, Zinc + cuivre, calcium + magnésium, tout simplement parce que le fer inhibe l’absorption du zinc. Et qu’un excès de calcium diminue l’absorption du fer, du zinc, du chrome et du manganèse.

Certains sels sont mieux absorbés que d’autres:

Pour le magnésium : le glycérophosphate, le bisglycinate, le N-Acétyltaurinate.

Le magnésium bisglycinate est un magnésium chélaté à un acide aminé pour augmenter la biodisponibilité. Il agira sur les contractures musculaires et aidera à réduire la fatigue et l’asthénie.

Le magnésium glycérophosphate est un sel liposoluble qui possède des propriétés relaxantes.

Le N-Acétyltaurinate de magnésium est lui aussi un sel liposoluble indiqué dans l’hyperactivité neuronale (stress, fatigue, angoisse, migraine, troubles du rythme cardiaque.

On pendra le zinc sous forme de pidolate

On prendra le fer sous forme de pidolate ou de fumarate

On prendra le calcium sous forme de carbonate ou de pidolate juste avant ou au début du repas. Le taux d’acidité de l’estomac est plus élevé ce qui facilite l’absorption du calcium dans l’organisme.

Quels compléments alimentaires sont plus de l’ordre du produit marketing qui vend surtout du rêve, des promesses que des résultats?

Il faut se montrer vigilants vis à vis de ceux qui présentent des allégations miracles et fantaisistes.Egalement vis à vis des dosages, qui doivent être ni trop faibles ni trop élevées, et des associations, les bonnes synergies et veiller à avoir les bons sels bien absorbés.

Comme je l’ai dis plus haut : si vous voulez être certain d’avoir un produit de qualité, achetez-le en pharmacie. Les pharmaciens sont très régulièrement inspectés et TOUS les compléments qu’ils proposent à leurs patients doivent répondre à la règlementation ci-dessus.

Cas concret : de plus en plus de femmes perdent leurs cheveux, parfois par touffes entières. Les compléments fortifiants sont-ils efficaces dans ces cas-là ? Si oui, lesquels sont à privilégier, d’abord pour stopper la perte de cheveux, puis favoriser la repousse.

Avant toute chose, il convient d’abord de déterminer pourquoi on perd ses cheveux. Une chute de cheveux importante peut être multi-factorielle : problème de thyroïde, carence en fer, alopécie androgénétique, fatigue très importante, changement hormonal,… Les femmes sont particulièrement touchées par les problèmes thyroïdiens, les fluctuations hormonales, la carence en fer mais aussi par une fatigue importante car elles doivent mener plusieurs vies de front.

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Une chute des cheveux ne va donc pas toujours se solutionner par un complément alimentaire fortifiant pour les cheveux. Les cheveux sont le reflet de notre bonne santé. Si nous manquons de vitamines, notre chevelure va tout de suite s’en ressentir.

On veillera à leur apporter un complément riche en vitamines du groupe B (B3, B6, B8) en sélénium (antioxydant) en zinc (qui va favoriser la synthèse de kératine), en fer, en vitamine E ( pour son action antioxydante) en méthionine et en cystéine (deux acides aminés soufrés très importants pour la croissance de nos cheveux), en kératine.

Ces vitamines et ces minéraux ne vont pas agir que sur nos cheveux. Ils vont aussi agir sur notre état général. Si nous ne souffrons d’aucune carence, nos cheveux ne souffriront pas non plus de carence. L’important est donc de bien se nourrir soi-même pour bien nourrir ses cheveux.

Parfois un petit coup de pouce est bien nécessaire pour rebooster sa chevelure. Il faut savoir que les cheveux qui sont en phase télogène (période de repos) vont tomber quoi que l’on fasse. L’important est donc de bien nourrir sa chevelure pendant la phase de croissance des cheveux.

Les ongles, les cheveux et les poils sont ce que l’on appelle des phanères. C’est-à-dire des organes de protection fortement kératinisé. Ce qui fonctionne pour les cheveux, fonctionne donc aussi pour les ongles.

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