Perte de poids, habitudes alimentaires, craquages: une diététicienne répond honnêtement aux questions que vous vous posez

Bikini body ?
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Aurélie Wehrlin Journaliste

Même si l’on a bien assimilé désormais qu’il n’existe pas vraiment des aliments qui font grossir, ni de méthode idéale pour perdre du poids ou se maintenir, certaines questions ne cessent de nous trotter dans la tête, surtout quand les beaux jours et les vacances – synonymes de plage, maillot de bain et bien-être – sont là. Une diététicienne y répond, sans ambages.

La diététique est un domaine dont les préconisations ne valent qu’au regard d’un individu, son métabolisme, son histoire, ses habitudes, son passif. Les professionnels les savent bien et rien ne sauraient remplacer cette expertise. Toutefois, nous sommes nombreux à nous interroger sur certaines idées reçues ou largement véhiculées, mais aussi sur des solutions ou astuces pour éviter les craquages et sur les bonnes habitudes alimentaires que l’on pourrait adopter.

Pour cette raison que nous avons voulu poser quelques questions que vous vous posez peut-être aussi à Melissa Moretti* diététicienne-nutritionniste à Uccle, et consultant aussi à l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola à Bruxelles, dont elle coordonne la Clinique du Poids Junior. Ses réponses permettent de tracer quelques pistes pour mieux s’alimenter, et surtout mieux vivre son corps. Qui, rappelons-le, n’est pas celui de la voisine.

Quelles sont les pires habitudes alimentaires répandues, dont on n’imagine pas les méfaits ? Et pourquoi sont-elles si mauvaises ?

Ce qui revient souvent comme cause de prise de poids est de ne pas suivre ses sensations de faim et de satiété. La tendance à manger en fonction de ses émotions, de son humeur, de son appétence pour un produit… est fréquente. C’est sans doute cela la pire habitude alimentaire. Le fait de manger sans que le corps ne le « réclame », et donc sans faim ou au-delà de sa faim, engendre souvent un excès calorique et donc une prise de poids.

Le jeune revient en force comme moyen efficace de maigrir. Est-ce parce tous les autres moyens ont échoué ? Ou est-ce parce qu’il est plus direct, à savoir ne pas manger plutôt que manger peu et de manière équilibrée ?

Je pense que les personnes ayant déjà essayé de perdre du poids sans succès (ou simplement avec reprise de poids) sont très demandeuses de solutions « nouvelles ». Ça les motive d’essayer quelque chose qu’elles n’ont pas encore essayé. Suivre une ligne directive est peut-être plus simple pour certains que de simplement faire attention à équilibrer les repas. Mais ce n’est pas la solution idéale selon moi.

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Pour quelle raison ?

Parce que « manger équilibré » , « ne pas grignoter entre les repas », « faire du sport », « manger lentement et s’arrêter à satiété » sont autant de messages qu’une majorité de personnes connait, mais qui restent pourtant compliqué à mettre en oeuvre. Cela demande des efforts, du temps, du changement, de l’adaptation et qu’il n’est pas toujours facile de modifier d’une part son mode de vie, d’autre part ses habitudes alimentaires (ce que l’on mange) mais également son comportement alimentaire (comment on mange et sous quelle impulsion, que ce soit la faim ou sous une autre impulsion).

Tout cela représente des changements nécessitant des efforts. Nombreuses sont les personnes qui n’ont plus envie d’essayer d’opérer ces changements. Elles espèrent une solution « miracle » avec de nouveaux régimes de ce type.

Évidemment sauter un repas engendre souvent une diminution calorique donc une perte de poids. Mais je doute d’une efficacité à long terme. Je reste sincèrement convaincue qu’adopter des habitudes plus saines, apprendre à manger à sa faim, bouger un maximum sont des attitudes qui peuvent s’ancrer dans un mode de vie. Et donc sur le long terme, permettre de perdre du poids.

Sauter un repas à vie me semble moins réalisable. Et surtout, dans de nombreux cas, cela revient à se priver de manger à un moment où la faim se fait ressentir. En outre, la privation n’est ni agréable ni saine, surtout à long terme.

Comment pratiquer le jeune pour ne pas être affamé justement ?

En le faisant de manière équilibrée. De nombreuses personnes font un jeune en sautant le petit-déjeuner, ce qui augmente l’apport calorique sur la seconde partie de la journée, ce qui n’est pas idéal. D’autres se privent de manger le soir. Je ne suis pas pour cette méthode privative. Je pense que le seul avantage de ce « régime » est qu’il limite les grignotages et empêche de grignoter en soirée…

Diététique et cycle menstruel : y va-t-il un bénéfice pour les femmes à adapter leur régime alimentaire à son cycle ? Si oui, comment ?

Non je ne pense pas qu’il y ait des bénéfices à adapter son régime alimentaire en fonction de son cycle. Il faut cependant s’écouter et si durant une période de son cycle une femme a plus d’envie de sucre elle ne doit pas s’en priver totalement au risque de compenser par la suite – juste en consommer avec modération.

Quels seraient les aliments à proscrire, selon les différents moments de la journée ?

Il n’y a aucun aliment qui soit interdit (chez une personne en bonne santé ne devant pas suivre un régime spécifique à une pathologie bien sûr). Autrement dit, aucun aliment n’empêchera d’atteindre un poids sain. Tout aliment même à forte densité calorique peut être consommé, mais en portion et à fréquence adaptées. Le rôle du diététicien est de guider son patient à faire de meilleurs choix et de le laisser consommer ces aliments qui lui font plaisir, en adaptant ses conseils à sa problématique et à son objectif de manière à ne pas priver le patient de la notion de plaisir.

Et même sans jeuner, Existe-t-il une technique pour ne pas me retrouver tous les soirs après le boulot à craquer juste avant le dîner parce qu’on en peut plus ?

Je pense que ce qui est important est de comprendre d’où vient cette envie de « craquer » et de trouver des solutions. Si la nourriture vient combler un vide, une anxiété, peut-être qu’il serait intéressant de traiter la source du problème ? C’est pour cette raison que bien souvent, on combine une prise en charge diététique avec une prise en charge psychologique pour aider le patient à mieux comprendre les raisons de son surpoids, ainsi que de l’aider et le soutenir dans ce désir de changement.

Dans le même sens, que faut-il privilégier le matin au petit déjeuner pour faire le plein d’énergie pour la journée ? Et qu’est-ce qu’il faut absolument éviter le soir ?

Je vais vous faire une réponse similaire : rien n’est à privilégier ou éviter. Il est primordial d’être à l’écoute de ses sensations de faim et de satiété. Manger « sucré » le matin peut donner des envies de « grignotages sucrés » toute la matinée à certains, on évitera alors un petit-déjeuner sucré. Pour d’autres personnes cela n’aura pas cet impact et un petit déjeuner « sucré » (type pain complet beurre confiture 70% fruits ou bien yaourt nature flocons d’avoine et fruit) ne sera alors pas déconseillé.

L’accumulation de régimes restrictifs peut être mis en cause : ils altèrent le métabolisme. Donc quelqu’un qui fait un régime strict tous les étés va, au fil des années, avoir plus de difficultés à perdre du poids.

Le porridge est-il la solution ? N’est-il pas trop lourd ?

Il peut être une solution pour certains. Chacun doit trouver ce qui lui convient et il n’y a pas une solution pour chaque jour de l’année, la variété est importante également.

L’idée de l’estomac qui se distant – donc qui par conséquent a besoin d’être rempli pour combler cette expansion initiale -, est-elle un fantasme ?

L’estomac se distend chez quelqu’un qui mange des quantités importantes. Ce n’est pas un mythe, c’est d’ailleurs une des raisons de l’efficacité de la chirurgie bariatrique chez certains sujets atteints d’obésité morbide.Cela dit, en diminuant les quantités soi-même, l’estomac diminue de volume rapidement.

Perte de poids, habitudes alimentaires, craquages: une diététicienne répond honnêtement aux questions que vous vous posez
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D’aucuns disent que manger des fruits après 16 heures ferait grossir? Est-ce correct ? Non, c’est faux.

Faut-il vraiment proscrire l’alcool si l’on espère maigrir?

Pour ce qui est de l’alcool aussi, tout est une question de fréquence et de quantité. On ne maigrit pas en gardant un croissant le matin, une friture le midi, un chocolat à 16h et un verre de vin le soir. Mais il n’est pas obligatoire de tout supprimer pour perdre du poids : tout est une question d’équilibre.

Est-ce que plus on avance en âge, plus il est difficile de mincir ? Si oui, pourquoi ?

Ça peut être le cas. D’une part chez les femmes avec les changements hormonaux il y a une diminution de la masse musculaire pour une augmentation de la masse graisseuse. Le muscle consommant plus d’énergie au repos, cela va diminuer le métabolisme (soit une diminution du nombre de calories brûlées quotidiennement au repos). Il faut compenser en faisant plus de sport pour contrer cette perte de masse musculaire notamment et pour augmenter sa dépense énergétique. Ce qui peut aussi être en cause est l’accumulation de régimes restrictifs : ils altèrent le métabolisme. Et donc quelqu’un qui fait un régime strict tous les étés va, au fil des années, avoir plus de difficultés à perdre du poids. C’est pourquoi il est important d’adopter des habitudes saines, de pratiquer une activité physique et d’écouter ses sensations de faim et de satiété (en mangeant lentement par exemple) afin de garder un poids sain et stable au fil du temps et surtout éviter les régimes restrictifs ou à la mode, qui engendrent souvent un « effet yoyo »: perte de poids rapide, altération du métabolisme, frustration, et reprise de poids.

Existe-t-il une formule magique – ou presque – pour ne pas grossir ?

Manger lentement, à table, sans écran, écouter sa faim et sa satiété, éviter les produits industriels, se faire plaisir de manière raisonnable et surtout bouger tous les jours.

Si on ne parvient pas à maigrir, qu’est-ce qui permettrait de se sentir tout de même bien dans son corps ?

S’accepter. Faire le deuil du corps parfait (qui n’existe pas). Et pourquoi pas envisager un soutien psychologique pour développer une meilleure estime de soi?

(*Melissa Moretti est diététicienne nutritionniste, spécialisée notamment en diététique pédiatrique. Après avoir été diététicienne à la Clinique du Poids Idéal au CHU Saint Pierre de Bruxelles jusqu’en 2016, elle consulte désormais à l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola, où elle coordonne la Clinique du Poids Junior. Elle travaille également en cabinet privé dans deux cabinets à Uccle.)

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