La Dark Romance: décryptage d’un genre littéraire controversé

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La Dark Romance, genre littéraire où l’amour se mêle à des thèmes sombres, séduit de plus en plus de jeunes adolescentes. Sylvie Loumaye, experte en sexualité, nous aide à comprendre pourquoi ces lectures peuvent être à double tranchant et propose des pistes pour mieux les encadrer.

Sylvie Loumaye, psycho-sexologue, hypnothérapeute et conférencière, s’est donnée pour mission de promouvoir l’information sur l’amour et la sexualité. Elle s’intéresse de près à la popularité de ce qu’on appelle la Dark Romance: « C’est un genre de fiction romantique marqué par des thèmes sombres, des relations conflictuelles, des personnages torturés, un contexte de huis clos et la naissance de sentiments entre des protagonistes qui sont pourtant installés dans une relation conflictuelle. La Dark Romance véhicule souvent une vision régressive des rôles masculins et féminins. Les hommes sont des « mâles alpha », beaux, riches et pervers, tandis que les femmes sont belles, soumises et dépendantes. » explique Sylvie.

On y retrouve des relations toxiques, la chosification des corps et une banalisation, voire une érotisation, de la violence faite aux femmes. On peut aussi faire face à une culture du viol, dans laquelle l’agression sexuelle est glamourisée. 

Des titres célèbres comme Cinquante nuances de Grey ou encore 365 jours viennent immédiatement à l’esprit. Plus récemment, la saga Captive de Sarah Rivens, publiée sur la plateforme d’écriture en ligne Wattpad puis vendue à des centaines de milliers d’exemplaires, illustre bien cette tendance. Un livre aux thèmes sombres, dans lequel le personnage masculin maltraite l’héroïne, allant jusqu’à lui brûler la main sur une table de cuisson. Le summum de la romance…

Une jeunesse captivée

Malgré ces représentations stéréotypées et problématiques, le genre attire un nombre croissant de lecteurs, principalement des jeunes adolescentes. « La Dark Romance projette des fantasmes courants comme la relation de soumission / domination, le rapport sexuel dans un lieu public ou inhabituel, l’exhibitionnisme, le voyeurisme ou encore les rapports sexuels à plusieurs. », déchiffre Sylvie Loumaye.

Cela permet donc aux lecteurs de vivre des fantasmes par procuration, à l’instar de la pornographie. « Les jeunes garçons, plus visuels, vont plus facilement se tourner vers la pornographie. Les jeunes filles, quant à elles, vont se tourner vers cette littérature, une sorte d’alternative bien moins trash que la pornographie. Et puis, cet attrait c’est aussi la conséquence d’un manque d’éducation sexuelle. La sexualité a beau s’étaler dans les médias, elle n’est pas suffisamment discutée ou enseignée. »

« La sexualité, dans la vraie vie, ce n’est pas ça. C’est chouette pour l’excitation, mais ce n’est pas de l’éducation. »

À bannir ?

Sylvie Loumaye met en garde contre l’impact potentiel de ces lectures sur les adolescentes : « Un adulte qui a déjà construit sa sexualité peut voir « Cinquante nuances de Grey » au cinéma sans conséquences graves et en passant un bon moment. Par contre, pour un ado, au début de la construction de sa sexualité, cela peut bouleverser les perceptions et les attentes sexuelles. »

La plateforme TikTok est un véritable tremplin pour le genre littéraire. Sous le hashtag darkromance, on trouve une communauté active avec 1,7 million de publications. Les lectrices y partagent leurs recommandations de livres ainsi que des vidéos moodboards capturant l’essence et l’esthétique de la dark romance. Du mafieux violent au vampire surprotecteur, les héros masculins occupent une position de bourreau. Ces univers romantisent l’harcèlement, le kidnapping et la violence conjugale, ce qui ne semble pas perturber les jeunes internautes, toujours en quête de nouveaux titres à dévorer.

Loin de préconiser l’interdiction de la Dark Romance, l’experte suggère de la compléter par d’autres types de littérature érotique, où le désir et la passion sont explorés sans dimensions glauques ou perverses. Elle recommande des séries comme Lire, oser, fantasmer, dans la collection l’Ardeur, aux éditions Thierry Magnier : « Ces livres sont spécialement conçus pour les ados. Ils abordent le changement du corps, les débuts de la vie sexuelle et les émotions, sans tomber dans la violence et la toxicité. Un bon exemple est l’ouvrage Le goût du baiser, où il est question d’amour et de sexualité mais de manière plus douce. » recommande Sylvie.

Briser le tabou

Selon la spécialiste en sexualité, nous n’avons pas encore assez de recul pour évaluer pleinement les conséquences de ces lectures. « Je pense que ce genre de littérature ne fera pas de tort s’il est accompagné d’un débat entre les jeunes et leurs parents ou enseignants. Ça peut faire passer un bon moment ou donner du plaisir, mais les parents doivent faire savoir à leurs enfants que la sexualité, dans la vraie vie, ce n’est pas ça. C’est chouette pour l’excitation, mais ce n’est pas de l’éducation. »

Pour aider à amorcer le débat, Sylvie Loumaye réalise des capsules vidéos intitulées « Les coulisses du plaisir », adaptées aux jeunes et aux familles, pour discuter d’amour et de sexualité.

Interdire la Dark Romance sans offrir d’alternatives ne serait donc pas efficace. Il est préférable d’accompagner les jeunes dans leur découverte, en leur offrant une éducation sexuelle équilibrée et des ressources variées. Les parents et les enseignants ont donc un rôle crucial à jouer pour aider les adolescents à développer une vision saine et réaliste de la sexualité.

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