Lucy Paltz, journaliste et athlète: « La parité dans le sport ne changera pas tant que la société ne changera pas »

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© Benoit Canal/Roxy
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Journaliste spécialisée dans sa montagne natale, Lucy Paltz est aussi une passionnée de snowboard et de VTT. Etablie à Val d’Isère, elle publie Nées pour skier, un livre rendant hommage à toutes celles qui, comme elle, accordent le sport de haut niveau (et les sommets) au féminin. Confidences.

Vie à la montagne

L’environnement dans lequel on grandit nous façonne. Je ne serais pas la même si j’avais grandi ailleurs: j’ai l’impression d’appartenir à cette montagne et d’être un élément de la nature qui m’entoure. Elle a toujours eu un rôle structurant pour moi. La montagne m’a aussi permis de me construire en tant qu’adulte, de développer ma confiance en moi et dans mes décisions. Quand on part en hors-piste, on détermine son propre itinéraire et on met sa vie dans la balance. Cela m’a appris à me faire confiance, mais aussi à avancer au niveau professionnel, en sachant m’imposer. Quand on grandit entouré d’éléments forts tels que la montagne ou la mer, cela impacte la personnalité, et même si la vie nous emmène ailleurs, on a toujours envie d’y revenir.

Réflexion sur la mort

Chaque seconde compte. En montagne, il arrive de se faire peur et d’être amené à réfléchir sur sa propre mortalité. J’ai la chance d’avoir déjà accompli plein de choses qui m’ont portée. J’espère continuer à vivre pleinement jusqu’à mon dernier souffle.

C’est aux parents d’éduquer leurs enfants pour que les générations futures ne connaissent plus l’inégalité des sexes.

Parité dans le sport

La parité commence avec l’éducation. C’est aux parents qu’incombe la responsabilité d’éduquer leurs enfants pour que les générations futures ne connaissent plus l’inégalité des sexes. J’ai un papa qui ne m’a jamais considérée comme « une petite fille », et qui m’a toujours emmenée avec lui en montagne. Une fois adulte, cela a été un choc de découvrir l’ampleur des différences de traitement entre hommes et femmes, parce que je ne l’ai pas vécu en grandissant. Même si cela a évolué, le sport de haut niveau reste malheureusement un miroir de la société. Comme dans les entreprises, à postes égaux, la rémunération n’est pas la même. Dans les compétitions, la disparité entre les primes est scandaleuse. Mais le sport ne changera pas tant que la société ne changera pas.

Epreuves de la vie

Le sport est une manière ludique et douce de se confronter aux épreuves de la vie. Peu importe la discipline, cela nous apprend la combativité, l’idée d’avoir mal mais de ne rien lâcher, la réalisation que même quand on pense qu’on ne va pas y arriver, on a en soi des ressources insoupçonnées. Le sport nous permet de comprendre comment notre corps fonctionne, comment notre esprit tolère les échecs et les réussites. Et comment fonctionner avec les autres, car même dans une discipline individuelle, on n’est jamais seul.

Liberté et égoïsme

Notre société a parfois tendance à confondre liberté et égoïsme. Cela vaut particulièrement pour les femmes, dont on attend qu’elles assurent sur tous les fronts. On doit être mince mais pas trop, musclée mais pas trop, sinon « ce n’est pas joli », s’occuper des enfants mais pas être trop mère poule… Les femmes sont prises dans un carcan de contraintes conflictuelles, et si elles essaient de s’en libérer, on a vite tendance à les accuser d’être égoïstes et de ne penser qu’à elles.

Authenticité

Il faut se demander régulièrement si on est toujours en accord avec la personne qu’on était plus jeune. Le plus beau compliment qu’on m’ait fait était de me dire que je suis authentique. Il faut arriver à déterminer ce qui nous fait nous sentir en vie. Je ne roulerai peut-être jamais en Porsche, mais quand je suis en montagne, je sais que je suis à ma place. Si la petite fille que j’étais me voyait aujourd’hui, elle serait super heureuse car je n’ai pas trahi mes rêves d’enfant.

Réchauffement climatique

Chacun doit œuvrer contre le réchauffement climatique. En montagne, on est aux premières loges : je n’avais jamais vu de pluie en hiver à Val d’Isère; désormais, il y en a chaque année. Même si le ski constitue une part essentielle de l’économie, le manque d’enneigement a des effets bien plus graves sur l’écosystème. On a tendance à culpabiliser les gens, à leur réclamer des efforts énormes. Cela a pour effet de les décourager; ils se disent : « Foutu pour foutu, autant ne rien faire. » Or chacun peut initier des changements selon ses moyens, sans forcément abandonner la voiture et l’avion. Mais il faut que ça bouge du côté des autorités, sinon ça ne sert à rien.

Nées pour skier, par Lucy Paltz, Glénat, 176 pages.

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