Maïté Meeûs, activiste féministe: “La joie est un acte de résistance”
Depuis la création du compte Instagram @balancetonbar, Maïté Meeûs, 26 ans, dénonce sans relâche le fléau des viols par soumission chimique. Pour offrir des espaces de parole aux surviviant.e.s de ces agressions, la jeune femme a monté le projet Artémise en avril dernier.
L’engagement
Maïté Meeûs: »Mon engagement féministe s’est construit pas à pas. Je devais avoir 13 ans quand j’ai pris conscience du sexisme ambiant. J’ai commencé par croire que j’étais responsable des insultes, des regards. C’est en échangeant avec mes amies mais aussi avec des femmes plus âgées que j’ai peu à peu réalisé que c’était loin d’être un phénomène isolé. Que la société toute entière laissait faire. »
Le collectif
Maïté Meeûs: »On n’est rien sans la force du collectif. Lorsque j’ai découvert l’ampleur du phénomène des agressions sexuelles sous soumission chimique, le feu intérieur qui couvait en moi s’est transformé en indignation, puis en colère jusqu’à ce que cette colère me pousse à passer à l’action en lançant en 2021 le compte Instagram @balancetonbar. Sans les femmes victimes qui ont osé témoigner, sans celles qui les ont soutenues et qui se sont mobilisées à leur côté, cette initiative n’aurait jamais eu l’écho qui lui a été donné. «
Le consentement
Maïté Meeûs: »La justice est un bastion à prendre. Dans les affaires de viol, le système protège l’agresseur. L’horreur de l’affaire Pélicot qui place cette femme, Gisèle, seule, face à la parole de ses 51 violeurs nous le démontre cruellement. Tant que l’on se contentera de dire que «jusqu’à preuve du contraire» le consentement est présumé, l’écrasante majorité des affaires resteront classées sans suite. »
La reconstruction
Maïté Meeûs: »La reconstruction personnelle est un droit, pas un luxe. En mettant sur pied le projet Artémise, je voulais que les survivant.e.s de violences sexuelles les plus précarisées puissent avoir accès à des groupes de paroles et des séances de thérapies individuelles avec des professionnels conscients des traumas traversés. Et cela gratuitement. Nous avons aujourd’hui deux adresses à Bruxelles, et bientôt j’espère dans d’autres villes du pays. »
‘Je suis activiste, féministe, et j’entends m’habiller comme je veux.’
Le bon allié
Maïté Meeûs: »Un bon allié est un homme qui s’autoéduque. Qui ne se repose pas sur les femmes de son entourage pour faire toute son éducation à sa place, il y a assez de bouquins et de podcasts pour cela. Les femmes attendent de leurs alliés qu’ils se mobilisent à leurs côtés quand il le faut. Qu’ils amplifient leurs voix sans se croire obligés de donner tout le temps leur avis. Sur la question des violences, hélas, les statistiques parlent d’elles-mêmes. «
Le syndrome de l’imposteur
Maïté Meeûs: »Les jeunes femmes doivent s’affranchir du syndrome de l’imposteur. Je n’ai pas toujours saisi ma chance parce que je craignais de ne pas être à la hauteur. Je pensais que mon temps viendrait plus tard. Les hommes ne se posent pas autant de questions. Ils foncent et réfléchissent ensuite. C’est ce que je fais désormais tout en ayant conscience de mes ressources. J’ai une grande soif d’apprendre et je m’entoure d’expert.e.s qui me transmettent énormément. »
L’autodidacte
Maïté Meeûs: »Ma vie est un vrai cabinet de curiosité. Chaque semaine, je me passionne pour quelque chose de nouveau. J’aime toucher à tout. Mener ma barque en autodidacte m’a permis de ne pas suivre un parcours linéaire, de monter mes projets au gré de mes envies et de mes rencontres. Mes amis viennent de tous les horizons, j’adore les réunir, créer des ponts. Rassembler les gens autour de mon piano pour une soirée karaoké. Quand le monde me semble trop dur à affronter, c’est dans la musique que je me réfugie. Pour composer. »
L’habit ne fait pas le moine
Maïté Meeûs: »Il faut avoir le courage de dénoter. Je suis activiste, féministe et j’entends m’habiller comme je veux. On tente parfois de me décrédibiliser parce que j’ai des cheveux d’un mètre de long et que j’aime les tenues girly. Pas question pour moi de me «déguiser» en tailleur-pantalon pour me faire respecter. Mes vêtements ne changent rien à la façon dont mon cerveau fonctionne. C’est en portant ce que je veux que je reste fidèle à celle que je suis à l’intérieur. «
Notre humanité
Maïté Meeûs: »La joie est un acte de résistance. Dans un monde saturé d’oppressions, il est humain de se sentir accablé. Partager un éclat de rire, vivre un moment de sororité, c’est résister, refuser de laisser la violence nous voler ce qui nous rend intrinsèquement humain. C’est dans ces instants que nous créons une brèche. C’est cette joie-là que je veux partager afin qu’elle devienne un élan collectif qui soutient le combat. »
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