Carte blanche
Pour en finir avec l’accès inégal aux traitements contre le VIH en Belgique
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Vivre avec le VIH est une réalité rendue possible par l’accès aux thérapies antirétrovirales.
Pour une personne vivant avec le VIH (PvVIH), accéder aux traitements est l’assurance
d’une bonne santé, d’une espérance de vie qui rattrape celle des personnes séronégatives
et d’une amélioration de la qualité de vie.
Accéder à un traitement, c’est aussi se donner la possibilité de réduire la charge virale du VIH (quantité de virus circulant dans le corps) à un niveau si bas que le virus ne peut plus être transmis par voie sexuelle. C’est le concept de traitement comme prévention, un élément incontournable pour casser la chaîne de transmission du virus et espérer mettre un terme à l’épidémie.
Pour rappel
CHARGE VIRALE INDÉTECTABLE
=
ZÉRO RISQUE DE TRANSMISSION
Alors qu’une personne en ordre de mutuelle en Belgique peut parfois commencer son traitement moins de 24 heures après la découverte de sa séropositivité, les personnes sans-papiers doivent cependant encore lutter pour obtenir leur traitement chaque mois.
En dépit du dispositif qui devrait rendre possible l’accès au traitement, les personnes sans titre de séjour font face à une série d’obstacles administratifs répétés qui nuisent à une mise sous traitement rapide et à une prise quotidienne du traitement. Appelé “Aide Médicale Urgente” (AMU), ce dispositif est encadré par une série de dispositions nationales et européennes visant à garantir la couverture santé universelle à toute personne résidant en Belgique, indépendamment de son titre de séjour.
Cette aide implique une prise en charge préventive et curative, incluant le dépistage et le traitement du VIH et des autres IST. Le caractère “urgent” de cette aide ne doit pas être compris au sens d’une urgence médicale, mais bien d’un “état de besoin” établi par un·e médecin. Elle est administrée au niveau local par les CPAS selon des modalités qui varient grandement d’une commune à l’autre.
Actuellement, ces procédures longues et complexes sont incompatibles avec la régularité qu’impose la prise du traitement. Il s’agit pourtant d’un facteur indispensable pour s’assurer de ne pas créer des résistances aux antirétroviraux et de garder une charge virale indétectable. Le bon état de santé des personnes et la non-transmissibilité du virus en dépendent.
Bien souvent, ces procédures nécessitent d’être disponible plusieurs demi-journées chaque mois pour visiter les différents services sociaux et médicaux requis pour accéder au traitement qui leur est vital (séquentiellement les CPAS, les maisons médicales et/ou les hôpitaux, la pharmacie). Ces lourdes démarches sont à répéter chaque trimestre, dans une langue qui n’est bien souvent pas comprise ou maitrisée des patient·es, alors que le VIH implique de vivre avec une condition chronique nécessitant un traitement à vie. Cette réalité est souvent incompatible avec la vie professionnelle des personnes sans-papiers qui n’ont généralement pas la possibilité de s’absenter pour raison médicale ni d’évoquer leur statut sérologique.
Ces démarches sont coûteuses en temps et en énergie, aussi bien pour les bénéficiaires que les services sociaux ou médicaux, ainsi que les associations communautaires qui tentent tant bien que mal de flécher les parcours et d’accompagner physiquement les bénéficiaires. Cela se fait particulièrement ressentir en Région bruxelloise, où la mobilité intercommunale est grande, un simple changement de commune obligeant les bénéficiaires à tout recommencer à zéro et à découvrir les horaires d’ouverture, les pratiques et spécificités d’un nouveau CPAS.
Face à la complexité de la procédure de demande et de renouvellement d’AMU, l’association Ex Aequo et ses partenaires réunis au sein du CPAM1 observent fréquemment des interruptions de traitement, des décrochages et des pertes de contact chez les bénéficiaires (2), ce qui résulte trop souvent en un découragement et une baisse de l’estime de soi, de l’envie d’aller mieux et de prendre soin de soi.
Alors que l’accès aux traitements et à une charge virale indétectable sont identifiés comme
des étapes clés sans lesquelles il ne sera pas possible de maîtriser l’épidémie dans les stratégies internationales de lutte contre le VIH, la Belgique a déjà été condamnée par la Cour européenne de justice du fait d’une interruption de traitement (3) . Si elle veut mettre un terme au VIH, la Belgique doit pouvoir garantir aux personnes d’entrer et de rester durablement dans le parcours de soins. Il est révoltant qu’en Belgique les personnes sans-papiers vivant avec le VIH aient à subir la lourdeur des administrations qui viennent s’ajouter aux discriminations dont elles sont encore victimes (4) .
S’il est compliqué pour les personnes qui vivent avec le VIH d’accéder aux traitement, on
imagine bien que la configuration de l’AMU rend ajourd’hui quasiment impossible l’accès à
grande échelle des personnes sans-papiers à la prophylaxie pré-exposition (PrEP). Très
efficace, ce traitement préventif contre le VIH s’adresse aux personnes séronégatives
fortement exposées au VIH par voie sexuelle et constitue un autre pilier de lutte contre le
VIH. Alors que les chiffres publiés par Sciensano pour l’année 2020 (5) mettaient en avant une
tendance à la hausse du nombre de nouvelles contaminations au sein des populations
étrangères, en particulier chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres
hommes (HSH), les femmes (6) et les personnes transgenres, la grande majorité des personnes sans-papiers sont actuellement privées de ce moyen de protection.
Partageant le constat de l’inefficacité de l’application actuelle de l’AMU dressé par Médecins
du Monde dans une note d’interpellation (7), l’association Ex Aequo et les signataires de cette
carte blanche jugent qu’il est anormal que ce dispositif soit si contraignant qu’il empêche tout
travail social de qualité et que les bénéficiaires soient les premier·es à subir cette situation.
A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le VIH/sida, nous réclamons ensemble
une simplification et une harmonisation de cette aide qui soit à la hauteur des défis que pose
encore le VIH en 2022. La perspective d’une fin de l’épidémie en dépend.
Co-signataires :
- ASBL Ex Aequo
- Aide Info SIDA asbl
- Alias asbl
- Espace P
- Fédération Laïque de Centres de Planning Familial (FLCPF)
- Femmes et Santé
- I.Care asbl
- Observatoire du sida et des sexualités (ULB)
- O’YES asbl
- Plateforme Prévention Sida
- Service des maladies infectieuses du CHU St Pierre
- Service des maladies infectieuses de l’hôpital UZBrussel
- Service éducation pour la santé
- Service de Santé Affective, Sexuelle et de Réduction des Risques de Namur
- UTOPIA_BXL
1 Comité de pilotage et d’appui méthodologique (CPAM) des Stratégies concertées IST/VIH :
https://www.strategiesconcertees.be
2 “Les personnes perdues de vue, soit parce qu’elles ne sont jamais entrées en soins, soit
parce qu’elles ne sont pas restées en soins, représentent 9 %” ÉPIDÉMIOLOGIE DU SIDA ET
DE L’INFECTION À VIH EN BELGIQUE – RAPPORT 2021 ; Sciensano
3 « Nous sommes des sans-droits ». La nécropolitique du VIH pour les sans-papiers en
Belgique
4 La sérophobie en actes – Analyse des signalements pour discrimination liée au VIH/sida
déposées chez Unia (2003-2014). Observatoire du sida et des sexualités. Mars 2017.
5 mettaient en avant une
tendance à la hausse du nombre de nouvelles contaminations au sein des populations
étrangères, en particulier chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres
hommes (HSH), les femmes
6 et les personnes transgenres, la grande majorité des
personnes sans-papiers sont actuellement privées de ce moyen de protection.
Partageant le constat de l’inefficacité de l’application actuelle de l’AMU dressé par Médecins
du Monde dans une note d’interpellation
7
, l’association Ex Aequo et les signataires de cette
carte blanche jugent qu’il est anormal que ce dispositif soit si contraignant qu’il empêche tout
travail social de qualité et que les bénéficiaires soient les premier·es à subir cette situation.
A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le VIH/sida, nous réclamons ensemble
une simplification et une harmonisation de cette aide qui soit à la hauteur des défis que pose
encore le VIH en 2022. La perspective d’une fin de l’épidémie en dépend.
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