L’haptophobie: quand le covid nous rend allergiques aux contacts physiques

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Depuis le début de la pandémie, de plus en plus de personnes évitent le contact physique, observe Elkin Luis, professeur en psychologie. Il existe un mot pour cela : l’haptophobie, ou la peur d’être touché(e).

L’haptophobie, la chiraptophobie, l’aphephobie et la thixophobie sont autant de termes qui renvoient vers une même peur extrême et irrationnelle d’être touché(e). Bien que le concept semble être relativement récent et lié au covid, ce n’est pourtant pas le cas. Cette phobie est en effet fréquente chez les personnes ayant été victimes d’une agression sexuelle.

Peur du contact

Les personnes souffrant d’haptophobie évitent les situations sociales où elles peuvent être effleurées. L’idée d’être en contact physique avec d’autres les stressent et les angoissent. Cette phobie s’apparente à d’autres troubles anxieux tels que la misophobie (la peur des germes pathogènes) ou l’ochlophobie (la peur des foules). Le trouble obsessionnel compulsif (TOC), le stress post-traumatique (TSPT) ou encore le trouble anxieux généralisé (TAG) y sont également liés.

Des études montrent que la capacité à avoir un contact physique est déterminée par le contexte et la relation interpersonnelle avec l’autre personne. C’est également le cas pour l’intimité.

De manière générale, le contact est plus aisé avec quelqu’un que nous aimons. Grâce à ce lien, nous pouvons également interpréter correctement les situations dans lesquelles nous nous trouvons.

Lorsque nous regardons une personne que l’on connaît peu ou pas, nous essayons de déchiffrer son attitude corporelle. Nous nous posons diverses questions comme qui est cette personne, quelles sont ses intentions et est-ce qu’elle est de confiance. Et depuis le début de la pandémie, une nouvelle question est apparue: cette personne respecte-t-elle les règles contre le covid ?

Ce sont nos réponses à ces questions qui vont déterminer notre comportement. Ce dernier va donc varier en fonction de la confiance que l’on a en cette personne et de notre envie d’apprendre à la connaître.

En réalité, c’est notre esprit qui contrôle notre envie d’entrer en contact avec l’autre. Et cela l’est encore durant cette période de pandémie. Une période au cours de laquelle nous interagissons différemment avec les autres et où le contact physique est limité.

Relations en temps de covid

Le fait de s’isoler des autres durant cette crise sanitaire n’est pas uniquement lié au risque de contracter le virus. On le retrouve aussi dans notre nouvelle manière de nous comporter les uns envers les autres.

Les circonstances actuelles nous obligent à nous comporter différemment afin d’endiguer le risque de contamination

Durant les derniers mois, nous nous sommes de plus en plus posés de questions sur la manière dont nous devons interagir avec les autres. Quand pourrons-nous nous échapper de cette prison ? Combien de temps devrons-nous encore porter ce fichu masque ? Qu’est-ce que cela signifie réellement, avoir des contacts rapprochés ? Pouvons-nous continuer de travailler ? Où se cache ce vaccin ? Est-ce que ça va marcher ?

Autant de questions qui insinuent le doute et qui nous ont poussés à nous adapter et à changer notre comportement en un rien de temps. Or tout changement apparaît d’abord comme une menace: il bouleverse notre équilibre et sape notre confiance en nous. L’instabilité que provoque cette pandémie est menaçante, désagréable et elle nous emmène en terrain inconnu. Un contexte peu favorable pour les personnes qui souffrent de phobies.

Nouvelles habitudes

Les circonstances actuelles nous obligent à nous comporter différemment afin d’endiguer le risque de contamination. Cela demande du temps, de l’attention ainsi que de nouvelles habitudes.

Nous devons acquérir de nouvelles routines telles que garder ses distances, porter un masque, se laver les mains, éviter les grands rassemblements,… et en bannir d’autres bien ancrées, comme se toucher le visage, se serrer la main ou encore se faire un câlin.

Nous devons en quelque sorte nous reprogrammer. C’est loin d’être facile et cela peut provoquer angoisses et stress à court terme. Avec pour résultat que les gens paniquent et ont l’impression de perdre le contrôle. La situation actuelle et sa déferlante d’informations tantôt précises tantôt trop floues nourrissent les obsessions et ce sentiment de menace.

Un terreau fertile pour l’haptophobie, mais aussi pour d’autres troubles mentaux ou un stress extrême.

Symptômes de l’haptophobie

L’angoisse et les pensées irrationnelles font, entre autres, partie des symptômes de l’haptophobie. Une concentration altérée, des palpitations, hyperventilation, étourdissement et transpiration en sont d’autres.

Tout cela donne l’impression de ne plus être maître de notre corps puisque ces symptômes sont, dans l’ensemble, générés automatiquement, en dépit de notre volonté.

L'haptophobie: quand le covid nous rend allergiques aux contacts physiques
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Pour éviter d’être touchés, certains iront jusqu’à prendre des mesures extrêmes. Pourtant, en cherchant à se mettre en sécurité ou à fuir certaines situations, la personne ne fait souvent qu’empirer cette phobie plutôt que de l’apaiser.

Heureusement, ce genre de phobies peut être très bien traité à l’aide de psychothérapie

La gravité des symptômes dépend du degré d’angoisse. Avec le temps, la personne peut canaliser ses angoisses afin qu’elles ne le paralysent plus.

Certaines personnes parviendront même à accepter le contact de personne en qui elles ont confiance. Mais d’autres ne sentiront jamais à l’aise face à n’importe quels types de contact. D’autres personnes encore parviendront à tolérer certains contacts si elles prennent elles-mêmes l’initiative ou si elles ont explicitement donné leur accord pour être touchées.

Si l’anxiété dure plus de six mois, alors les patients éviteront totalement les situations quotidiennes. Cela aura un impact direct sur leur vie personnelle et professionnelle. Dans un tel cas, je recommande de chercher une aide psychologique.

Heureusement, ce genre spécifique de phobies peut être très bien traité en suivant une psychothérapie, accompagné ou non d’antidépresseurs ou de bêtabloquants. Le fait d’être confronté(e) à l’autre dans une thérapie aide à réduire l’anxiété dans la vie de tous les jours et rend la phobie plus facile à gérer sur le long terme.

Cet article est parru à la base sur le site d’ IPS, The Conversation./ Trad Anaëlle Lemmens

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