Bye bye les JO de Paris (4/6) / Renaud Barral, nageur artistique: « C’est un travail de deuil à faire »
Le Vif Weekend part à la rencontre de ces champions belges qui ne pourront pas briller aux Jeux Olympiques de Paris. Parmi eux, Renaud Barral (36 ans), nageur artistique, qui n’ira probablement jamais aux JO en raison des places très limitées pour les hommes dans cette discipline.
« Ma rencontre avec la natation artistique s’est faite très tôt. J’ai commencé à 12 ans parce que ma sœur en pratiquait et je voulais tout simplement faire comme elle. Puis, ça a vraiment été le coup de foudre et ça ne m’a jamais quitté. C’est un sport ultracomplet et exigeant. Il faut avoir un large éventail de qualités: force, souplesse, capacités de concentration, d’apnée mais aussi des skills en interprétation et en théâtre. Ça représente des heures d’entrainement et de nombreux sacrifices. »
Briser les normes établies
« J’ai progressivement gravi les échelons de la natation artistique. J’ai d’abord représenté la Belgique en duo mixte, avec Lisa Ingenito. Puis, cette année, j’ai décidé de poursuivre en solo. Je voulais pouvoir faire entendre ma voix dans ce sport où les hommes sont encore rares. Quand je nage, ça me tient à cœur de faire passer des messages. Cette année, pour mon solo libre, j’ai performé sur la chanson Masculinity de Lucky Love, qui se détache des standards masculins dictés par le patriarcat. »
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« Le plus dur, ce sont les injures que l’on peut se ramasser. Je pense à Dennis González Boneu, triple champion d’Europe à Belgrade, qui a été victime d’un immense taux de haine et d’homophobie. Alors que le gars n’a fait que performer, bien nager et gagner des médailles. Mais de manière générale, la natation synchro est ultrastéréotypée et adore les cases. Les garçons dans cette discipline, c’est relativement nouveau et si on propose des choses différentes, en sortant de l’image qu’on se fait d’un homme, ça peut être compliqué à recevoir. »
Une ouverture olympique trop petite
« Le chemin vers la reconnaissance olympique pour les nageurs artistiques masculins est encore très compliqué. En 2022, les jeux Olympiques ont annoncé qu’à partir de l’édition 2024, chaque équipe de huit membres pourrait intégrer au maximum deux hommes. Cela signifie que la seule façon pour un homme d’aller aux JO est de faire partie d’un ballet d’équipe. Mais tous les pays n’ont pas une équipe. car il n’y a que dix équipes participantes. Il faut tenir compte des quotas; au moins un pays par continent doit toujours être représenté. Il ne reste donc pas beaucoup de places… »
« Et puis, ce ne sont pas toujours les pays ayant des garçons dans leur équipe qui se qualifient. Il peut aussi arriver que des pays aient des nageurs masculins mais pas d’équipe. C’est la cas du nageur colombien pour qui la chance d’aller aux JO n’existe pas. Et puis, parfois, des pays comme l’Italie ont un incroyable athlète masculin, comme Giorgio Minisini, mais décident de ne pas l’inclure dans l’équipe pour des raisons… mystérieuses. Au final, cette première opportunité nous passe un peu sous le nez. »
Entre rêve et réalité
« Bien sûr que j’aurais voulu participer aux jeux Olympiques, c’est la consécration de tout athlète. Oui, c’est un rêve… Mais ce rêve n’est pas vraiment réalisable. Cela nécessite de l’acceptation, ça demande du temps. Mais bon, j’ai 36 ans, un âge déjà « avancé » pour le sport. Los Angeles en 2028 me paraissait déjà loin et je ne suis pas sûr de faire du haut niveau jusqu’en 2032. Quelque part, c’est un travail de deuil à faire. »
« Je reste néanmoins optismiste. La discipline passe par plein de changements. Cette nouvelle inclusion des hommes aux JO était nécessaire mais imparfaite. Maintenant, il est important de pousser les portes et d’oser proposer des choses différentes. Ça a même été mon moteur cette année. Je sais que je suis légitime et je suis convaincu que je représente les valeurs sportives et les attitudes qu’un athlète doit avoir. »
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