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Perdre ses cheveux peut devenir une vraie souffrance pour certains hommes © Romane Iskaria

Vivre avec sa calvitie: trois hommes témoignent

Le sujet est tabou, pourtant, la calvitie touche un homme sur trois avant 30 ans et un sur deux à 50 ans. Certains souffrent en silence, d’autres prennent le problème à bras-le-corps. Et consultent. Trois hommes témoignent.

L’alopécie androgénétique – la calvitie – est un processus insidieux qui se développe dès l’adolescence. «C’est lorsque la testostérone est suffisamment élevée chez l’homme que le mécanisme s’enclenche, résume Samuel Troonen, micropigmentiste capillaire à Namur, chez A Corps Parfait. Au début de la vingtaine, il y a une prise de conscience ressentie différemment par chacun selon l’expérience personnelle. Un homme va recevoir une remarque telle que: ‘Oh, tiens, tu es en train de te dégarnir! ’ Un autre va se faire photographier en vacances et découvrir son crâne dégarni… C’est à partir de ce moment que chacun va soit accepter la situation, soit développer un profond mal-être.»

Par jour, le professionnel reçoit trois à quatre hommes, avec des profils variés. «Il y a la catégorie des ‘confiants’, qui n’ont pas de souci à développer une vie sociale et professionnelle, à vivre en couple et à aborder les autres avec assurance. Ceux-ci ne sont pas nécessairement actifs dans la recherche d’une solution. Et puis, il y a la catégorie des ‘non-confiants’, qui souffrent énormément. La douleur intérieure est telle qu’ils sont fermés à la rencontre amoureuse et ont peur de s’exposer aux autres.»

S’asseoir dans le coin au restaurant

Et de pointer le rôle sournois que joue notre société axée sur l’image et les réseaux sociaux. «La calvitie peut avoir un impact sur leur comportement en société: ces hommes commencent à fuir les environnements de travail en open space, où les collègues peuvent voir leur tête sous tous les angles, poursuit l’expert. Quand ils vont dans un restaurant, ils demandent de s’asseoir dans un coin plus sombre, derrière lequel personne ne passera. La calvitie occupe constamment leur esprit.»

Face à ce constat, certains essaient des médicaments, des shampooings, des compléments alimentaires… «Ils cherchent une multitude de solutions pendant cinq ou six ans avant de constater que rien ne fonctionne, observe Samuel Troonen. C’est souvent durant cette étape frustrante qu’ils nous contactent. Après avoir solutionné leur alopécie, notamment par la micropigmentation capillaire (NDLR: une sorte de micro-tatouage de cheveux), ils confient que l’intervention a changé leur vie.» D’autres optent pour les implants, se rasent… ou finissent par accepter leur nouvelle physionomie. Rencontre avec trois de ces hommes.

Didier, 47 ans

© Romane Iskaria

«Pour ma part, le processus de calvitie a commencé à 24 ans et s’est poursuivi jusqu’à 42 ou 43 ans. J’ai vite constaté que les cheveux de mon front reculaient et que le sommet de ma tête était en train de se dégarnir. Je n’ai pas paniqué tout de suite car je suis quelqu’un qui relativise. Je me suis dit: ‘C’est la vie, certains perdent leurs cheveux plus vite que d’autres.’

J’ai pensé que, de toute façon, je ne pouvais rien y faire. Mon entourage me soutenait beaucoup donc je n’ai pas angoissé de manière démesurée. Je suis resté une quinzaine d’années sans prendre de mesure. Ce n’est qu’au début de la quarantaine que j’ai décidé d’y remédier à cause d’un événement qui m’a marqué au fer rouge. Un jour, je faisais du sport avec des amis et nous nous sommes filmés car l’un de nous souhaitait améliorer une technique. Une fois la session terminée, nous avons visionné la vidéo. Là, ça a été un énorme choc.

“Je cherchais une solution plus sérieuse et médicalisée”

Je me suis retrouvé face à ce téléphone, confronté à cette image de mon crâne dégarni. Ça a été le déclencheur, la claque. On ne se voit jamais du dessus: quand on se regarde dans le miroir, on ne se voit que de face. Là, j’ai eu le déclic. J’ai pris conscience qu’il n’y avait plus aucune uniformité. Cela ne m’aurait pas dérangé d’être totalement chauve, mais avoir des cheveux sur une partie de la tête et presque rien sur une autre me dérangeait profondément. Je n’aime pas les choses qui ne sont pas uniformes.

Je me suis alors renseigné, j’en ai discuté avec mon épouse qui connaît un dermatologue car je ne voulais pas tomber sur un charlatan! J’avais entendu parler de la micropigmentation via mon coiffeur, qui est tout à fait chauve et qui est passé par un tatoueur. Moi, je ne voulais pas suivre ce type de procédure, je cherchais une solution plus sérieuse et médicalisée. J’ai donc contacté un médecin spécialiste. Ce qui me plaît dans le processus, c’est qu’on recrée une uniformité. Ma coupe de cheveux est très courte, mais de dos, de face, de côté, on ne voit pas de trou.»

Fabien, 60 ans

Fabien
© Romane Iskaria © Romane Iskaria

«J’ai commencé à perdre mes cheveux à l’âge de 25 ans. J’avais un style Mickey: mes golfes frontaux se creusaient de plus en plus. C’était évidemment très gênant, mais je n’ai pas énormément souffert. Pour que ma calvitie se voit le moins possible, j’optais pour des coupes de plus en plus courtes. Mais je constatais malgré tout, au fil des années, que ma chevelure prenait une direction que je n’avais pas envie de suivre. C’est en fait une histoire d’hérédité: un capital génétique propre à chaque homme, et moi, j’ai clairement hérité de mon père.

Il avait une calvitie sur le dessus de la tête mais des cheveux en suffisance à l’arrière. Plus le temps passait, plus j’obtenais le même rendu. J’ai donc pris les choses en main. Peu avant 40 ans, quand j’ai réalisé que mon crâne devenait de plus en plus clairsemé, je me suis renseigné sur les différentes techniques possibles auprès d’un médecin spécialisé dans la transplantation. Nous avons discuté, je lui ai demandé s’il était possible de remédier à cette perte de cheveux.

‘Ma chevelure prenait une direction que je n’avais pas envie de suivre’

Le docteur m’a expliqué qu’une opération était envisageable: concrètement, on allait transplanter les cheveux de derrière sur le sommet de mon crâne. Photos à l’appui, le médecin m’a montré le résultat d’une telle intervention et cela m’a convaincu. C’est très naturel. Je me suis fait opérer. Ce sont mes propres cheveux qui ont été transplantés mais le résultat ne dure pas toute la vie. Au fil du temps, les cheveux vieillissent, deviennent plus fins et plus clairs.

C’est là que la deuxième partie du processus a été entamée: celle de la micropigmentation. C’est en fait un tatouage cosmétique, une réplique des follicules capillaires avec des pigments de qualité médicale, qui donne l’illusion de densification. Moi, des cheveux, j’en ai très peu. La micropigmentation a permis d’assombrir le cuir chevelu et aujourd’hui, je suis très satisfait des deux opérations.»

Alexandre (*), 27 ans

© Romane Iskaria

«J’ai un souvenir précis du moment où on m’a fait remarquer ma calvitie. J’avais 22 ans, j’étais chef scout et en pleine semaine de camp. Nous sommes allés à la piscine. Manifestement, les cheveux mouillés m’ont trahi parce qu’un petit groupe d’animés m’a dit en plaisantant: ‘Ta petite amie, tu as intérêt à la garder, parce qu’avec ta calvitie, ça va être compliqué! ’ C’était sur le ton de la rigolade et je ne me suis pas vexé, mais mine de rien, j’ai pris conscience d’une légère perte de cheveux qui allait probablement s’intensifier.

Cinq ans plus tard, la calvitie est nettement plus visible et cela me complexe énormément. Il faut accepter que le temps fasse son travail et qu’on ne soit plus aussi beau qu’avant. J’accepte le changement, mais pas ces zones clairsemées. Cette transition est un peu une lente descente aux enfers, même si les mots sont forts. C’est difficile à vivre. Sans prétention, quand j’étais plus jeune, j’avais beaucoup de succès. Le fait d’avoir une tête parsemée de cheveux altère ma confiance en moi parce que j’estime qu’une belle chevelure est un réel atout.

‘Une tête parsemée de cheveux altère ma confiance en moi’

Il n’y a rien de beau dans le fait d’avoir une tête ni complètement vide, ni complètement pleine. A travers les années, je me suis construit autour de l’idée que j’étais un beau garçon. Quand la calvitie a commencé à pointer le bout de son nez, j’ai dû apprendre à évoluer différemment, à me reconstruire une identité personnelle et sociale indépendante de tout attribut physique. Ce qui est difficile à vivre, c’est aussi la comparaison avec les Apollon des réseaux sociaux, à la chevelure étincelante et aux abdos en béton. Ils nous renvoient à ce qu’on n’est pas.

Peut-être qu’il y a trente ans, les hommes vivaient mieux leur perte de cheveux parce que ce monde virtuel n’existait pas. J’aimerais me sentir mieux donc je réfléchis à la meilleure solution. Pour l’instant, j’ai du mal à envisager le rasage complet car j’estime que la situation n’est pas suffisamment désastreuse. J’essaie différentes techniques contre la perte mais je n’ai pas trouvé de solution miracle. J’ai commencé à me coiffer au sèche-cheveux pour me donner du volume, mais c’est tout. Les shampooings et médicaments sur le marché ne me semblent pas efficaces. La solution qu’il me reste est l’intervention chirurgicale. J’y recourrai peut-être plus tard.»

(*) prénom d’emprunt

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