Vertus et leçons prodiguées par les arbres
Câliner les arbres pour se faire du bien à soi… L’idée fait des émules sur la planète bien-être. C’est que, en plus du contact physique qui met les sens en éveil, se reconnecter avec ces végétaux centenaires peut nous apprendre bien des choses. L’auteur Jacques Tassin nous dévoile le secret que ces géants de bois nous murmurent. On file en forêt pour les écouter.
Tentez l’expérience. Baladez-vous dans un bois, repérez un chêne bien charnu, plaquez-vous contre son écorce et entourez-le chaleureusement de vos mains. Vous n’entendez rien à part votre respiration et les oiseaux qui chantent ? C’est déjà un bon point! Vous êtes en pleine séance d’introspection et de détente. L’arbre puise son énergie de la terre par ses racines et, selon les préceptes de la sylvothérapie, très en vogue de nos jours, il serait en train de vous faire don de cette force naturelle régénérante.
Mais ces rois des forêts, tout immobiles et imperturbables qu’il soient, ont bien plus à nous raconter en fait. Jacques Tassin, chercheur en écologie végétale et expert du lien entre l’homme et l’arbre, estime que ce dernier peut carrément nous aider à redéfinir « notre rapport au monde ». Après avoir publié Penser comme un arbre en 2018, il revient en ce début d’année avec un nouveau livre, Pour une écologie du sensible (*). Le spécialiste y explique comment ces sages chlorophyllés peuvent nous guider afin de mieux percevoir le milieu qui nous entoure, via nos ressentis plutôt que notre raison. Tout ça dans le but d’avoir envie de le préserver. Une belle approche de l’écologie, qui nous invite à partir en balade. On adhère.
Certains parlent de choses carrément aberrantes, notamment de sentiments chez les arbres ou d’amitié entre eux. Ce n’est pas ça qui est intéressant
Que peuvent nous apprendre les arbres?
En réalité, rien directement. Essayer de trouver des similarités entre nous et lui, c’est faire fausse route, même si c’est tentant. Certains parlent de choses carrément aberrantes, notamment de sentiments chez les arbres ou d’amitié entre eux. Ce n’est pas ça qui est intéressant. Ce qui est remarquable, c’est de voir justement comment l’arbre, qui est quand même une des très grandes réussites du vivant, se différencie de nous, par sa manière « d’être au monde ».
C’est-à-dire?
La grande différence, qui est plus largement celle entre le végétal et l’animal, c’est que l’un est tourné vers l’extérieur et l’autre vers l’intérieur. Le végétal entre dans le monde et ne le fuit jamais. L’animal, lui, est fermé sur lui-même. Par ailleurs, le développement d’un être humain donne une forme définie – une tête, deux bras, deux jambes, etc. – alors, que l’arbre n’en a pas. On peut lui couper une branche, il va lui en repousser deux. Dans une même espèce, on peut trouver une grande liberté de formes, ce qui n’existe pas chez l’animal. Et derrière tout cela, il y a le fait « d’être au monde » et de s’y inscrire, chose qu’on trouve beaucoup plus chez le végétal. Dans le cas précis des arbres, on observe d’ailleurs une capacité de collaboration qui est très élevée.
Comment fonctionne-t-elle?
L’arbre tire parti de tout, de l’atmosphère, du sol, des autres êtres vivants… Grâce aux champignons, il accède à des éléments minéraux auxquels il n’est pas capable d’accéder par lui-même. Par les insectes, il peut faire transporter du pollen d’une de ses fleurs vers une plantation voisine. Il peut, de la même manière, tirer parti d’oiseaux, de singes ou même d’êtres humains qui vont prélever ses fruits et les disperser alors que l’arbre n’est pas capable d’assurer ça par lui-même. Il compose avec le monde et toujours de manière collaborative.
La manière d’être de l’arbre est moins d’asservir le monde que d’être dans le donnant-donnant
La manière d’être de l’arbre est moins d’asservir le monde que d’être dans le donnant-donnant. Il bâtit des partenariats qui permettent à chacun d’en tirer profit. Parce que l’insecte qui arrive et pollinise une fleur va aussi trouver du nectar. L’oiseau, le singe et l’être humain vont pouvoir se nourrir du fruit qu’ils ont cueilli. Le champignon lui, va pouvoir puiser des sucs élaborés par la plante. Cette constitution tournée vers l’extérieur lui permet non seulement d’aller puiser dans ce qui l’entoure mais aussi de collaborer avec l’ensemble du monde, et en particulier du monde vivant.
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C’est à fonder une #écologie différente qu’incite ce livre. Plutôt que des grands concepts, il faut désormais penser…
Geplaatst door Editions Odile Jacob op Maandag 27 januari 2020
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Et l’homme pourrait-il s’en inspirer?
Si nous réinterrogions notre mode de vie, dont nous pressentons les limites, en regardant mieux comment les arbres fonctionnent, nous trouverions peut-être des voies d’inspiration qui nous permettraient d’aller davantage vers des alliances. Et il y a des réalisations qui vont dans ce sens. L’agro-écologie en est un parfait exemple. Il est question de réfléchir à une façon de collaborer avec le vivant pour assurer nos besoins. Mais en laissant aussi la nature s’exprimer en permettant au sol « d’être vivant », en accueillant plus de biodiversité sur une parcelle agricole. L’agro-écologie nous montre une façon de faire qui est intéressante et qui, d’une certaine manière, reprend la posture de l’arbre. Et du coup, on observe que les agriculteurs qui la pratiquent ont ce comportement d’ouverture et se prétendent plus heureux.
De manière générale, ce qui nous rend malheureux, c’est la séparation avec la nature
Mieux percevoir son environnement rend donc plus heureux?
J’en suis convaincu. Mais je préfère dire « mieux percevoir son milieu » car « environnement », ça indique une rupture entre soi et ce qui se pose autour de nous. Et le fait de se réincorporer dans le monde crée le sentiment d’exister pleinement. De manière générale, ce qui nous rend malheureux, c’est la séparation avec la nature. Elle est liée à notre mode de vie urbain occidental qui nous individualise, nous extrait et virtualise notre milieu. Seuls, en se dissociant de ce qui nous entoure, nous ne pouvons pas éprouver cette plénitude existentielle qui nous amène ce sentiment d’être heureux.
(*) Pour une écologie du sensible, par Jacques Tassin, Editions Odile Jacob, 209 pages. p>
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