Rencontre avec Bassel Abou Facker (Stella), musicien et barista à Saint-Gilles
Bassel Abou Fakher, 25 ans, a ouvert Stella, un bar à cafés de spécialité qui porte le nom de sa chienne. L’animal, arrivé comme lui de Syrie, est devenu la mascotte des lieux.
Le café a le pouvoir de rapprocher les gens, de créer du lien. Lorsque nous avons imaginé cet endroit, mes associés et moi, notre voulions bien sûr que les gens reviennent ici parce qu’ils avaient bu le meilleur café de leur vie. Mais surtout en faire un lieu de rencontre et d’échanges. J’ai découvert les cafés de spécialité lorsque j’ai travaillé dans les bars du quartier Dansaert, peu après mon arrivée en Belgique. C’est un univers passionnant, un peu comme celui du vin: le terroir comme la manière de torréfier peuvent révéler des arômes insoupçonnés.
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Ce projet, c’est une histoire d’amitié et de passions partagées. Mon pote Hendrick est notre business manager, il gère la logistique et l’administratif. Coralie, elle, confectionne toutes les douceurs bio, et parfois véganes, que nous proposons. Moi je suis le barista. Nous ne nous sommes pas lancés dans cette aventure pour devenir riches. L’envie, c’était d’avoir un boulot qui ait du sens, qui nous permette de vivre bien tout en faisant un travail que nous aimions. Un jour peut-être, on ouvrira une deuxième adresse. J’aimerais participer à la reconnaissance des cafés de spécialité à Bruxelles. Pourquoi pas en organisant un championnat de baristas?
J’ai appris à transformer toute la frustration en énergie créative.
S’engager pour une cause est le meilleur moyen de se sentir humain. De faire corps avec quelque chose de plus grand que soi. Dès le début, nous avions prévu de céder une partie de nos bénéfices à une association. Comme mon chien Stella est notre mascotte, nous avons choisi de soutenir Help Animals, un refuge qui accueille toutes sortes d’animaux abandonnés ou maltraités.
Grandir sans adulte référent pour vous guider dans les coups durs, c’est comme vivre sans filet. J’avais 18 ans quand je suis arrivé de Syrie, dans un pays où tout m’était étranger et où rien n’est mis en place pour accueillir les réfugiés dans la dignité. J’étais en colère tout le temps, je me demandais sans cesse ce que j’avais fait pour mériter un tel sort. J’ai appris à transformer toute cette frustration en énergie créative. Dans la musique d’abord – je suis violoncelliste classique mais je compose aussi sous le nom de Linear Minds des morceaux plus électro – et aujourd’hui dans le développement de notre coffee shop.
Je déteste la pitié. Qu’on ne s’intéresse à mon parcours que parce que je suis réfugié. Qui a envie de ça, vraiment? C’est presque ironique quand on y pense d’être connu pour cette raison. C’est un moment dur de mon histoire dont je n’ai pas toujours envie de parler. Je voudrais que l’on puisse un jour ne voir en moi qu’un type qui bosse dur comme n’importe qui. Et qui s’en sort plutôt bien finalement.
Stella, c’est mon super-pouvoir. Elle a été le témoin de toute ma vie. Je l’ai adoptée quand j’avais 12 ans, elle n’était qu’un chiot. Nous avons grandi ensemble. Je mourrais pour elle. J’ai été contraint de la laisser avec mon père en Syrie quand je suis parti. Heureusement, Ann et Joannes, le couple qui m’a accueilli en Belgique m’a aidé à la faire venir, j’ai d’ailleurs coécrit un album pour enfants qui raconte cette aventure. Elle est ce qui me relie encore à ce qui a un jour été mon pays, ma maison. Le jour où elle me quittera, une part de moi disparaîtra.
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La boxe, c’est un peu comme la méditation. C’est ce qui m’aide à rester centré. J’ai toujours fait beaucoup de sport − je cours, je fais du cardio − mais depuis que j’ai découvert la boxe il y a un peu plus d’un an, je m’entraîne quatre à cinq fois par semaine. C’est bien plus que prendre des coups et en rendre. C’est une métaphore de la vie.
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Un tatouage est une œuvre d’art que l’on porte sur soi. J’ai fait mon premier à 14 ans. J’ai grandi dans une famille de la classe moyenne, plutôt progressiste – encore faut-il s’entendre sur la signification d’un tel mot dans une société dingue comme celle d’où je viens. J’étais un ado rebelle. Les tattoos et boucles d’oreilles, c’était ma manière de m’opposer à mes parents et à tout ce qui m’entourait. C’était sûrement un moyen de rechercher de l’attention. Aujourd’hui, c’est devenu une petite addiction, j’en fais un tous les deux ou trois mois. Le dernier, c’est une représentation de Stella, en masque de samouraï Oni. Pour qu’elle soit toujours avec moi.
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