Rencontre avec la chanteuse Sarina: “J’aime les femmes qui osent s’imposer où on ne les attend pas”
A 29 ans, l’artiste non voyante met en scène Lève-toi! Un spectacle musical mêlant l’histoire des femmes qui ont changé le monde grâce à la musique. Un récit drôle et émouvant dans lequel la Bruxelloise nous parle aussi de ses propres dépassements.
La musique a toujours fait partie de ma vie
Ma grand-mère était prof de piano et concertiste. C’est sur ce vieux Pleyel qu’elle m’a donné que j’ai appris à jouer. Et que j’ai commencé le chant lyrique. Avec mon frère et ma sœur, mes cousins, nous préparions chaque année un spectacle de cabaret. Cela prenait du temps sur nos vies d’enfants mais c’était avant tout beaucoup de plaisir. Ma grand-mère nous a quittés il y a deux ans mais je la sens près de moi qui regarde par-dessus mon épaule.
On n’est jamais préparé à perdre la vue
Je suis née malvoyante. Je ne suis devenue totalement non voyante qu’à l’âge de 15 ans. Le choc a été rude. Mais je n’ai jamais baissé les bras. Au contraire, c’est sans doute le moment où j’ai osé poser mes choix un peu fous, comme partir en Norvège donner un récital. Ou m’inscrire à la sélection belge pour l’Eurovision où je suis arrivée deuxième.
Personne ne doit fixer vos limites à votre place
Je n’ai pas tout de suite décidé de devenir artiste. Je me suis offert une soupape de sécurité en menant en parallèle de ma formation au conservatoire des études de psycho et de musicologie. Mes parents m’ont toujours soutenue sans projeter sur moi leurs aspirations ou leurs attentes. Ils ont su me faire confiance.
‘L’humour désamorce tous les clichés et le mien est plutôt caustique.’
Mon chien, c’est mon ombre
Chaque chien guide a son propre tempérament. C’est un être vivant avec sa sensibilité, ses préférences. La première qui m’a accompagnée à l’université profite maintenant d’une retraite bien méritée. C’est Tee, mon berger belge Tervueren, qui me suit désormais partout. Elle veille à ma sécurité avec vigilance. Elle a su s’adapter à ma vie hors normes. Je suis aussi responsable de son bien-être. Je fais également en sorte qu’elle se sente bien, qu’elle ait son lot de jeux et de câlins quand elle a fini de travailler.
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Les personnes handicapées ne sont pas des super-héros
Mais ce ne sont pas des petites choses fragiles non plus. Pour beaucoup de gens, le handicap renvoie à quelque chose de triste. Je veux montrer que ma vie ne l’est pas, que je suis d’abord une artiste qui tire du mieux qu’elle peut son épingle du jeu dans un milieu ultracompétitif. L’humour dans le spectacle permet de désamorcer les clichés. Et le mien est plutôt caustique, limite trash – j’ai été à bonne école avec l’acteur Charlie Dupont et sa femme Tania Garbarski qui m’ont aussi coachée dans ce projet.
Le féminisme ne doit pas toujours être clivant
J’aime les modèles de femmes qui s’engagent, qui osent s’imposer là où on ne les attend pas. Et qui sont aussi conscientes de leur propre valeur. C’est le cas de toutes celles dont je raconte les luttes dans mon spectacle. Que l’on pense à Joan Baez pendant la guerre du Vietnam, à Nina Simone face à la ségrégation raciale ou Billie Eilish confrontée aux tabous de la santé mentale, toutes ont à leur manière brisé des plafonds de verre.
Lève-toi! à Avignon cet été
Sarina est seule sur scène avec son piano et sa guitare dans une boite imaginaire. Au fil d’un
récit mêlant anecdotes historiques et autobiographiques, elle nous raconte son histoire au
travers de celle des chanteuses dont elle revisite les succès emblématiques et qui l’ont inspirée
pour se construire en tant que femme et artiste.
Par sa voix et en prenant à parti le public, elle nous transporte dans les années folles ou nous fait participer au concert mythique de Woodstock ! Les émotions ainsi créées nous font revivre les moments qui ont révolutionné le monde grâce à la musique.
Le spectacle est une invitation à se lever pour sortir de la boite, à penser «out of the box» en
dépassant les limites implicites et nos préjugés, en imaginant le monde tel qu’on le voudrait
afin de le changer petit à petit.
A voir du 29 juin au 21 juillet, au théâtre Episcène, à Avignon, episcene.be
Le 17 août au Théâtre au Vert, à Silly, theatreauvert.be
Le 24 août au Théâtre Le Public à Bruxelles, theatrelepublic.be
Les langues ont toutes leur musicalité
Ecouter, comprendre, répéter, apprendre, c’est ma manière à moi de «lire» les partitions depuis l’enfance car le braille musical est bien trop fastidieux. Grâce à cette «oreille absolue», j’ai réalisé que je pouvais aussi, avec un peu d’entraînement, chanter dans n’importe quelle langue. Car j’en capte très vite les dynamiques, les tonalités, même lorsque je ne les parle pas vraiment. C’est un défi passionnant que je me suis lancé d’ailleurs pendant le Covid en créant des petites capsules pour ma communauté que je retrouvais tous les jours pour un tea time.
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J’aimerais que les gens s’écoutent plus
C’est un peu un slogan de miss, mais j’assume. Tout s’emballe, les positions sont sans cesse de plus en plus violentes, quels que soient les sujets. C’est comme si nous avions perdu la capacité de nous regarder avant tout comme des êtres humains. A ma toute petite échelle, j’aimerais que les gens qui verront le spectacle aient envie, en sortant, de faire bouger les choses. Et ça peut commencer déjà tout simplement par renouer avec un ami à qui l’on n’a plus parlé depuis longtemps.
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