Titiou Lecoq, et la brillante « démasculinisation » de l’Histoire
effectivement, de convoquer, de déterrer autant de travaux scientifiques souvent passés sous silence ou inaperçu. Mais ce qui relève du tour de force est aussi de rendre cet exposé si brillant, si passionnant, si divertissant même. Comme si en lui-même son objectif était de ne laisser personne sur le bord de la route et d’embarquer tout le monde vers la lumière et l’histoire de l’humanité, qui ne serait plus tronquée de sa moitié.
L’éminente historienne Michelle Perrot parle de « tour de force » pour évoquer ce livre. C’en est un effectivement, de convoquer, de déterrer autant de travaux scientifiques souvent passés sous silence ou inaperçu. Mais ce qui relève du tour de force est aussi de rendre cet exposé si brillant, si passionnant, si divertissant même. Comme si en lui-même son objectif était de ne laisser personne sur le bord de la route et d’embarquer tout le monde vers la lumière et l’histoire de l’humanité, qui ne serait plus tronquée de sa moitié.
Pour se faire, l’auteure remonte jusqu’au origines ou presque de l’humanité. Et se basant sur la recherche scientifique, le redistribue plus justement les cartes, révèle des vertiges ou rappelle ceux qui ont été tus trop longtemps.
Elle remet l’église au milieu du village et sort les femmes de la maison, où le 19e siècle s’est appliquer à les cantonner. Pour lui rappeler le rôle qu’elle a, qu’elles ont joué depuis plus des siècles, des grottes paléolithiques à la fin du XXe siècle. Cette traversée du temps est riche en dévoilement et mise à jour de biais interprétations et autres mainmises de la part de ceux qui se sont emparée de la discipline historique pour mieux asseoir leur pouvoir.
À la lecture de ce prodige, on a la sensation d’une lumière qui se fait sur un secret de famille. Celle de l’humanité dont on se doutait, sans trop savoir comment pourquoi mais intuitivement, qu’elle n’avait ou s’écrire que par les hommes. Cette révelation, si passionnante, si captivante soit elle, n’en est pas moins abordable grâce au l’intelligence et au ton jamais solennel de Titiou Lecoq.
A l’instar de la langue française à laquelle l’auteure consacre un chapitre, la question ici n’est pas de « féminiser » l’histoire. Y lire ce seul enjeu monolithique serait un affront à l’intelligence scientifique et la rigueur de son auteure. Il est ici bien plus question de « démasculiniser » l’histoire, en mettant au jour les stratégies, les systèmes qui ont effacé les femmes actrices des évènements, pour faire les hommes les seuls acteurs du récit national (et international) et seuls modèles possibles pour les générations qui leur ont succédées. Ce faisant on prend conscience des erreurs d’interprétation qui ont pu être faits au fil des siècles.
En passant en revue les différentes périodes de l’histoire, Titiou Lecoq montre comment la domination masculine varie, change de forme.et d’intensité selon les époques. Mais qu’elle n’est en rien une fatalité ni un destin. « Pourquoi-t-on l’impression qu’introduire les femmes en histoire serait une décision politique alors que c’est de les en avoir retirer qui était réellement politique? » La question reste posée.
Enfin, et les curieux ses se réjouiront, car ce livre est un véritable vivier foisonnant de références, d’auteures, de scientifiques, d’actrices, etc à découvrir et à sortir de ce que Titiou Lecoq nomme l’oublioir. Dans sa conclusion l’auteure se demande « suis-je la seule à voir combien c’est dingue ? »
Qu’elle se rassure: grâce à elle, ce n’est plus le cas.
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