CHRONIQUE C'est pas faux de Nicolas Balmet

Treize couples fêtaient leur lune de miel sur le Titanic

Dans cette chronique, rien n’est en toc. Chaque vérité, cocasse ou sidérante, est décortiquée par un journaliste fouineur et (très) tatillon qui voit la curiosité comme un précieux défaut.

Ce n’est pas pour casser l’ambiance, mais quand même. Treize couples venaient à peine de se dire « oui » quand le destin leur a dit « nan, finalement, j’hésite encore un peu ». Treize couples qui, en se passant la bague au doigt, se sont dit qu’ils voulaient l’Amérique et qu’ils l’auraient, toutes les sirènes de
bateaux ayant chanté cent fois la chanson de l’Eldorado. Treize couples joyeusement en route pour New York.

Parmi eux, combien sont-ils à avoir bu un peu de champagne, puis la tasse ? Neuf hommes, exactement. Vos calculs sont bons : à peine quatre tandems ont eu la chance de revoir – ensemble – la terre ferme.

Bien sûr, le drame, transposé à notre époque, n’aurait pas affiché le même bilan : vu la parfaite – et je pèse mes mots – égalité qui règne aujourd’hui entre les hommes et les femmes, les deux sexes se seraient sacrifiés de façon équitable. Certes, treize couples, c’est compliqué à diviser en deux, je ne suis pas né de la dernière drache. Mais j’imagine que tout se serait joué à la courte paille ou à pierre-papier-ciseaux – j’aurais bien ajouté la possibilité d’un « je te tiens tu me tiens par la barbichette », mais là, par contre, les femmes auraient clairement été désavantagées.

Le drame du Titanic reste donc l’un des naufrages les plus galants de l’Histoire : les trois quarts des passagères ont été sauvées. Ainsi que la moitié des enfants. Le patriarcat, manifestement resté bloqué sur les quais de Southampton, n’est pas venu faire déborder le vase de cette catastrophe colossale qui, dans le cas contraire, aurait probablement perdu de son impérissable aura romantique. Passons sur le fait que les gars qui se sont jetés à l’eau n’ont même pas eu droit à un petit « merci » – veuillez m’apporter la preuve du contraire si je fais erreur, mais vous pensez bien que, comme d’habitude, j’ai préparé cette chronique en profondeur, ce n’est d’ailleurs pas un hasard si j’utilise l’expression « en profondeur », j’ai répertorié un tas d’expressions qui pourraient s’avérer cocasses pour parler d’un naufrage.

On en parle bizarrement assez peu, mais il y avait aussi vingt-sept Belges sur le navire de luxe, dont un violoniste originaire de Spa

Bien entendu, je ne me permettrais pas le moindre trait d’humour si, à l’heure d’écrire ces lignes, il y avait encore des survivants… en vie. Mais la dernière survivante du naufrage est décédée en 2009. Elle s’appelait Millvina Dean, c’était un bébé quand elle est montée à bord du bateau en avril 1912, accompagnée de ses parents et de son grand frère. La famille venait de revendre tous ses biens pour s’en aller rejoindre des proches dans le Kansas et y ouvrir un bureau de tabac. Millvina ne s’en est jamais souvenu, mais elle a quitté le Titanic en étant hissée dans un sac de toile à bord du Carpathia venu secourir les victimes au petit matin. Elle vivra ensuite plus de neuf décennies en traversant deux Guerres mondiales – un iceberg, à côté, c’est un flanc au caramel.

Alors que Millvina avait à peine 2 mois, à côté d’elle, dans le même paquebot, treize couples fêtaient donc leur lune de miel sur le Titanic, mais seuls quatre d’entre eux ont pu continuer à se serrer dans les bras après l’enfer. Puisque j’ai remué ciel et vagues pour vous abreuver d’infos, je me permets également une petite parenthèse patriotique. Car on en parle bizarrement assez peu, mais il y avait aussi vingt-sept Belges sur le navire de luxe, dont un violoniste originaire de Spa qui faisait partie du fameux orchestre «qui joua jusqu’au bout», ou un Ostendais qui était chargé de faire clinquer l’argenterie du restaurant de la première classe.

Seuls sept de ces Belges ont survécu. Qui sait s’il y en aurait pas eu un peu plus si un exercice de sauvetage, prévu la veille du départ, n’avait pas finalement été annulé par une compagnie qui était convaincue de l’insubmersibilité de son géant d’acier. Mais le plus fou, c’est qu’il y avait également douze… chiens, dont trois peuvent remercier je-ne-sais-qui de les avoir sauvés. Bref. Pardonnez-moi de m’épancher sur cette croisière funèbre que l’Histoire a transformé en odyssée déchirante, mais j’ai forcément quelques lacunes : nous sommes aujourd’hui en novembre 2023, et je n’ai toujours pas vu le film Titanic. Par pitié, ne me noyez pas sous les injures.

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