Arnaud Cornette de Saint Cyr, commissaire prisé

Chez les Cornette de Saint Cyr, on est commissaire-priseur de père en fils. Dans la famille, on prend le cadet, Arnaud, bon marteau. Avec lui, la vie est un roman et le reste, à l’encan.

Il faudra s’y faire mais l’on écrira Arnaud Cornette de Saint Cyr en version mail, les quatre initiales de ses nom et prénom, ACSC, non par dilettantisme ou trop grande intimité mais parce que les signes de ce portrait sont comptés, que sa vie, sa carrière, ses enchères sont des romans et qu’il sait diablement bien conter – ça tombe bien,  » pour être un bon marteau, il faut être un peu comédien « .

Tout petit déjà il l’avait compris, quand son père Pierre collectionnait pour le plaisir les dessins anciens et fréquentait les salles de vente pour le plaisir, avant d’ouvrir la sienne en 1973. Premier souvenir,  » sensuel et enchanteur  » de l’époque où les enchères se déroulaient à la gare d’Orsay,  » avec ses immenses salles, ces camions que l’on déchargeait, le bruit, quelque chose entre le monde de l’art et les puces, on aurait dit le ventre de Paris, les Halles telles qu’elles ont dû exister à l’époque de Zola « .

Deuxième souvenir, très précis, de ce dessin de la fin du XVIe siècle,  » un personnage assez tourmenté au visage grimaçant, aux traits forcés, un portrait à charge « , un cadeau d’Alain Delon, passion commune et solide amitié avec le paternel ; ACSC se rappelle des goûters d’anniversaire du fiston Delon, il y avait une vraie salle de cinéma dans l’appartement et même qu’une fois, ils avaient regardé un film, La tulipe noire.

Troisième souvenir, très puissant, cette terre cuite du XVIIe, devant laquelle Monsieur Cornette de Saint Cyr installe ses deux gamins, Bertrand et Arnaud, quatre ans de différence, avec pour seule consigne :  » regardez et ne bougez pas pendant un quart d’heure « , l’exercice est certes contraignant mais formateur. Les voici aujourd’hui en triumvirat à la tête de la quatrième maison de ventes française, laquelle prend ses quartiers à Bruxelles dans ce qui fut un restaurant très eighties et antérieurement un endroit où l’on enchérissait déjà, ah, le destin d’un hôtel de maître avec verrière.

Mais entre l’avenue Kléber et la chaussée de Charleroi, il y aura d’abord une prépa HEC, Sup de commerce, puis trois ans de  » coopération  » à Hongkong, grâce à  » un système assez malin qui permettait aux étudiants de faire leur service militaire de cette façon-là plutôt que de les envoyer ramper dans la boue « .

ACSC a 23 ans, on est en 1989, il découvre l’Asie, ce parfum d’empire colonial finissant, avec la crainte omniprésente que l’Armée rouge ne débarque après Tien An Men et que la rétrocession à la Chine communiste prévue en 1997 ne tourne mal. Trois ans de finance et de banque, une évidence, seul l’art l’intéresse.

ACSC assume son choix, ni  » par défaut  » ni  » par pente naturelle  » – voilà pour la partie psychanalytique, passe le concours de commissaire-priseur et n’oublie jamais que s’il avait débuté ex nihilo, les choses ne se seraient pas passées ainsi, elles auraient été plus difficiles, alors, merci papa. Cela expliquant ceci : le café partagé tous les matins, les décisions collégiales, les briefings et débriefings communs, les vacances prises ensemble.

Chez les Cornette de Saint Cyr, on est plutôt tribu. Et fidèles en amitié. Et attachés aux symboles. Prenez la vente de la collection d’Alain Delon en 2007, ACSC vous la rejoue comme si elle datait d’hier, il faut dire que c’est lui qui tenait le marteau, lequel avait appartenu à son père qui l’avait donné à Delon quand l’acteur lui en avait offert un pour sa première vente de jeune commissaire-priseur.  » Tout était parfait, la collection, Cobra et de l’abstraction d’après-guerre, quarante tableaux sublimes, le mythe Delon et son oeil absolu, instinctif, animal. » Une seule chose dont ACSC soit sûr : rien ne remplace la fréquentation quotidienne,  » charnelle « , des oeuvres d’art. Lui aussi collectionne, comment en serait-il autrement ?

Dans son petit musée perso, des livres, des objets improbables, des corbeaux, des crânes,  » quelque chose qui oscillerait entre le cabinet de curiosités et le frisson néogothique fin XIXe « . Et ACSC de citer Nietzsche :  » Méfiez-vous des choses évidemment belles, mais privilégiez la flèche lente de la beauté.  » Qui dit mieux ? ?

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