Expresso

La reine du polar livre un suspense haletant dans Rapt de nuit. Voici un moment de charme avec Patricia MacDonald, femme américaine attachante, qui passe aisément du rire aux larmes.

D’où vous vient votre inspiration ?
Des faits divers. Ce n’est pas tant le meurtre qui m’intéresse que les motifs psychologiques qui poussent quelqu’un au crime.

Vous estimez que « la vérité et la justice sont les règles du polar ». Quel est votre sens de la justice ?
C’est ce qui est juste et qui fait que chacun peut vivre en étant protégé. Comme le démontrent mes romans, la vengeance n’apporte ni justice ni apaisement.

Celui-ci a pour toile de fond la peine de mort. Pour ou contre ?
Ado, j’adorais en parler avec mon père. Lors de mes études de journalisme, j’ai réalisé une thèse sur Le rôle de la presse dans l’exécution de Carl Chessman. La Californie a refusé de muer sa peine en prison à vie, alors que beaucoup de gens soutenaient cet homme qui était devenu romancier. Je suis contre la peine de mort, mais je reste ouverte au débat.

Qu’est-ce qui pourrait vous pousser au crime ?
On en est tous capables ! Je pourrais tuer quelqu’un si on s’attaquait à ma fille.

Votre arme de prédilection ?
Les mains ou quelque chose qui se trouve sous la main.

Des rituels d’écriture ?
J’écris dans mon bureau, situé au troisième étage de ma maison. Chaque jour, le doute me prend à la gorge. Je n’ai jamais envie d’écrire, mais une fois que je m’y mets, je suis entraînée par l’histoire. En été, je vais à la plage avec ma soeur. Munie de feuilles et d’un stylo, je remplis quatre pages avant de papoter avec elle.

Pourquoi pas un autre genre que le polar ?
Que voulez-vous, j’adore les secrets ! En tant que confidente privilégiée, j’ai déjà entendu des choses inimaginables, que j’insère – sous forme déguisée – dans mes romans. La vie est plus étrange que la fiction (rires).

La famille et l’enfance sont au coeur de vos intrigues…
J’aime écrire sur les émotions fortes. Pour une femme, elles se situent au niveau de la famille et des enfants, qu’on aimerait protéger. Or c’est au sein de la cellule familiale que se nichent les pires secrets… Les enfants sont l’innocence même, mais l’influence familiale ou environnementale peut les pousser vers le Mal.

Quel genre d’enfant étiez-vous ?
Une véritable « nerd » (rires) à l’enfance très heureuse. Sage et intello, j’étais la jeune fille parfaite, qui n’avait jamais de petit ami. J’adorais ma famille, l’école et la lecture.

Quelles étaient vos craintes à l’époque ?
La peur de la mort. J’ai perdu mon père, quand j’avais 18 ans, et ma mère peu après. Mon existence a complètement basculé. Tous mes livres partent de là… La vie s’écoule tranquillement, jusqu’à ce qu’un événement la brise à jamais. C’est encore très frais dans ma mémoire… (Elle en a les larmes aux yeux).

Ressemblez-vous à vos héroïnes ?
Nous partageons la détermination, le positivisme, l’envie d’être juste et de comprendre, mais je ne suis pas aussi courageuse qu’elles ! Les pensées de Tess sont les miennes : nous possédons le sens du bonheur intérieur. Même si je souffre de la perte de mes parents, je n’ai pas vécu une telle tragédie. De nature heureuse, sa famille reste soudée malgré le meurtre de Phoebe.

Qu’est-ce que la maternité a changé en vous ?
Tout ! C’est si important pour moi… (Elle est soudain très émue). Ma fille n’a pas envie de lire mes romans. Ça me plaît d’être juste sa mère. Ce n’est pas ma vie qui m’importe, mais la sienne.

Pourquoi l’amour est-il souvent présent dans vos romans ?
Je n’écris pas des histoires d’amour, mais mon héroïne a tellement souffert, qu’elle méritait bien ça. L’amour symbolise l’espoir de l’avenir, la promesse du bonheur. J’aime offrir cela à mes héros.

Etre mariée à Art Bourgeau, auteur et libraire spécialisé dans le roman noir, est-ce un atout ou une difficulté ?
Un atout ! Art n’est pas mon premier lecteur, mais il m’aide beaucoup quand je suis coincée dans l’intrigue. J’ai entièrement confiance en son jugement. Nous partageons quelque chose de rare, mais à chacun sa vie et son travail. Le matin, on se promène séparément au bord de l’eau, avant de se retrouver autour d’un thé.

Où vous êtes-vous rencontrés ?
Lors d’une réunion d’écrivains de polars, à New York !

Quelles sont vos lectures préférées ?
Les nouvelles, les biographies d’écrivains et les grands classiques m’intéressent, mais je lis peu de polars. Mon auteur favori est Henry James, car il a compris les mystères psychologiques de l’être humain.

Le talent que vous auriez aimé avoir?
Jouer du piano, apprendre l’italien et mieux maîtriser le français, dont j’admire la précision.

D’autres passions ?
Le football américain et la cuisine. Je possède une bibliothèque culinaire et je privilégie les plats ou la pâtisserie, qui me prennent tout l’après-midi. Alors que j’adore mon existence paisible, j’aime que ma maison soit pleine de famille, d’amis et de vivacité.

Etes-vous branchée politique ?
Comment ne pas l’être ? Tous les Américains pensent à la fin des années Bush, qui n’arrivent pas assez vite. Quand je vois comme il nous a menés sur la voie de la folie, ça me révolte !

Si vous étiez présidente…
Quelle horreur ! En tant que démocrate, j’aimerais rétablir les Etats-Unis comme un endroit juste, doté d’une idée intelligente du monde. La planète nous déteste, alors qu’il y a tant de choses admirables chez les Américains.

Qu’évoque la Belgique pour vous ?
Bruxelles a l’air si mystérieuse qu’elle me semble sortie d’un film de James Bond (rires) ! J’aime ses rues à l’atmosphère si particulière.

Qu’emporteriez-vous sur une île déserte ?
Ce serait un cauchemar de me retrouver avec l’iPod de mon mari. Il est fou de jazz, alors que moi, j’aime l’opéra et le rythm & blues. L’idéal serait d’emporter MON iPod, ma famille et des livres.

Vos qualités et vos défauts?
La détermination et la paresse.

Premiers gestes au réveil?
Un bon petit-déjeuner, avant de dévorer la presse. C’est un vrai plaisir. J’admire les journalistes parce qu’ils ont la force de trouver des sujets intéressants. Malgré ma curiosité, je n’étais pas faite pour ce métier. Pour pouvoir écrire des romans, il faut se connaître et apprendre à examiner ses émotions, or tant de gens ne connaissent pas leur subconscient.

Vieillir c’est…
Si je vieillis avec mon mari, la vieillesse sera très agréable. Mon rêve est de pouvoir vivre assez longtemps pour voir ma fille épanouie et pour connaître mes petits-enfants. Est-ce trop demander ?

Propos recueillis par Kerenn Elkaïm

Rapt de nuit, par Patricia MacDonald, Albin Michel, 388 pages.

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