Fashion Week Paris Jour 3: la première fois

Quand c’est la première fois, on n’oublie pas. Demandez donc à Julien Dossena pour Paco Rabanne, à Rick Owens, à Christian Wynants et au requin marteau.

Quand c’est la première fois, on n’oublie pas. Demandez donc à Julien Dossena pour Paco Rabanne, à Rick Owens, à Christian Wynants et au requin marteau.

Un premier défilé. Après des années de bons et loyaux services chez Balenciaga, aux côtés de Nicolas Ghesquière, Julien Dossena sort de l’ombre. Le jeune créateur, formé à la Cambre mode(s), faisait défiler son travail réalisé pour la maison Rabanne, laquelle avait si mal survécu au passage du siècle. C’est dire si l’ampleur de la tâche était grande, mais on n’avait guère de doutes, au regard du C.V. de Julien Dossena, de sa belle volonté et de sa capacité à construire un vêtement. Il connaît ses classiques, a sans doute aimé Françoise Hardy en robe de métal et Poly Maggoo en Paco Rabanne et sait que faire d’un héritage.

Au Musée du Jeu de Paume dans une lumière solaire, il montre avec une belle assurance sa vision d’un hier et d’un demain heureusement mariés : il y a du métal, bien sûr, comment en serait-il autrement ? Mais Julien Dossena l’utilise avec parcimonie, sans jamais faire de copier-coller, on en trouve là, sur les sandales, qui vient enlacer les orteils comme des bagues, sur un détail graphique, sur un textile technique ou en cotte de maille fine comme de la lingerie portée sous un top dézippé et une minijupe qui épouse tout. Le high tech à portée de main, dans des silhouettes fraîches comme le jour. C’est beau, une première fois.

Un premier défilé avec un gang de filles. Toujours fidèle à la salle Marcel Cerdan, au Palais omnisport de Bercy, Rick Owens, l’Américain devenu Parisien, fait frémir comme personne. L’homme qui pourrait être le frère d’Iggy Pop manie le cuir comme personne, de même la non couleur, les formes différentes, entre le médiéval et le vêtement de (sur)vie. Et surtout, il s’y entend pour offrir ces trop rares moments que l’on ne peut oublier, qui vous mettent les sens dessous dessus, des vibrations dans tout le corps et une extase sur le visage. Tout ça avec une collection de vêtements et une présentation qui n’a de défilé que le nom. Et cette fois-ci, Rick Owens a osé aller plus loin encore.

Pas de mannequins professionnels blondes, caucasiennes et filiformes mais une bande de vraies filles bleu-black-beur qui ont la rage de vivre. Au fond de la salle, un échafaudage, plusieurs volées de marches, une porte, deux par deux, elles en sortent, martelant leur poitrine de leur poing fermé et le sol de leurs baskets surdimensionnées. Leur visage est contracté, gaffe à qui leur dirai non, on les dirait projetées vers l’avant dans l’espace, faudrait pas se mettre en travers de leurs chemins, elles dansent, frappent dans leurs mains, épousent le rythme des tambours tribaux qui appellent le cri primitif. Et rien de tout cela jamais n’empêche la mise en valeur d’une garde-robe qui ne ressemble à aucune autre, et qui épate. Encore plus sur des jeunes filles qui en veulent, on n’avait jamais vu ça.

Un premier vrai grand défilé après un prix. Auréolé de son prix Woolmark, Christian Wynants poursuit sa route, pareil à lui-même, un ange. Ne pas croire pour autant que ses collections ont des airs éthérés. Même s’il se joue de la transparence, que la peau apparaît sous ses robes fluides à taille large ou ses pantalons aux coutures et poches apparentes, forcément, tout est tenu, pensé, fluide et si naturel. Il a pris du plaisir, un plaisir fou même, c’est lui qui le dit, à créer ce printemps-été 2014.

Il sourit, en backstage, après le défilé, Christian est heureux, et nous aussi, ce que c’est que de vivre un moment de grâce. Sur le sol, du sable blanc, sur les filles, des vêtements d’une belle évidence, drôlement séduisants, avec jeux de rabats, de plis, de tissu floqué, de superpositions, d’indispensables dans une garde-robe contemporaine. Logique dès lors qu’il y ait de la maille (rapport au changement climatique et à la passion de Christian). Et ce jeu de fils laissés à l’air libre, qui forment comme un bijou sur une robe nude et faussement simple qui montre toute la maîtrise de ce jeune et immense créateur belge.

Un premier défilé vingt mille lieues sous les mers. Le requin marteau nage lentement dans son grand bassin de l’aquarium de Paris, au pied de la tour Eiffel. Il ne sait pas, quoique, qu’il sert de toile de fond au défilé d’Olympia Le Tan, jeune fille légère et grave pourtant, qui crée des minaudières et des collections thématiques pour aller avec ses réticules formidables qui disent son amour des livres et de bien d’autres choses encore. Puisqu’elle avait décidé de baptiser son printemps été « A girl in every port », il était imparable de faire son show là, et dieu sait si il portait bien son nom. Avec elle, les filles, petit mousse en jarretelles ou capitaine à galons, sourient, bougent leur popotin et frétillent de l’oeil, c’est pour rire et ça fait du bien, merci.

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