Fashion Week Paris: Kenzo et David Lynch, même combat

© Reuters

David Lynch scénographie le show de Kenzo. Ambiance Mysterioso.

Il y a d’abord le carton d’invitation, recto « Kenzo Paris, collection Femme automne-hiver 14-15 », jusque-là, rien que du très normal ; verso, le carton noir est lacéré de blanc, comme si c’était le négatif d’un miroir brisé avec ses éclats ; quant à la tranche de 5 bons millimètres, elle laisse s’échapper une lumière bleuâtre, fantomatique, qui signale l’étrangeté de l’objet.

Au quai d’Austerlitz, dans le paquebot du Musée de la mode et du design, le noir règne, la collection sera placée sous le signe de l’étrangeté, Mysterioso, c’est son titre, ainsi l’ont voulu Carol Lim et Humberto Leon, le tandem à la direction artistique de Kenzo. Ils n’en font pas mystère, David Lynch est leur source d’inspiration du moment, après L’Homme et la Pré-Fall présentés cette année, « la Femme sonne comme le crescendo » de cette trilogie-hommage. Ils ont donc demandé au maître – réalisateur, metteur en scène, artiste, musicien- de signer la scénographie, le décor et la musique du défilé.

L’Américain (1946, Montana) leur a concocté un truc à sa (dé)mesure : dans cette boîte noire, les mannequins apparaissent à côté d’un cube transparent qui emprisonne une statue totem que l’on dirait de terre glaise, une tête de 3 mètres de haut, à vue de nez, comme maladroitement façonnée, aux yeux béants, bouche ouverte et bec de lièvre. David Lynch a voulu donner à ce show « une atmosphère singulière où le mystère flirte avec l’émotion », on y est jusqu’au cou, on savait qu’on pouvait compter sur lui, ajouté à cela la bande-son de vent et de rythmiques, plus ce film qui déroule des nuages et de la fumée tourmentée derrière la sculpture qui crie sans voix.

Et les vêtements ? Ce qui frappe d’abord, ce sont ces imprimés : sont-ce des feuilles, des couteaux suisses, des paires de ciseaux ? Au pays de l’étrange, rien n’est jamais sûr. Les couleurs vont du citron, au lilas en passant par le violet (références aux Lula, Laura et Dorothy lynchiennes), la jupe corolle se superpose à une veste croisée sur pantalon avec surcouche d’organza brodé et déchiqueté. Les sweaters s’offrent des « borderies triptyques », les bottes des métallurgistes du North West Américain osent le poulain et le cuir à effet caoutchouc, les costumes se font matelassés.

Le tout compose une silhouette en couches un peu agressive, le genre de fille qui sait où elle va – surtout si c’est sur Mulholland Drive. « Nous nous sommes introduits dans son esprit, disent les deux de Kenzo en parlant de David Lynch. Nous avons exploré les figures elliptiques et idiosyncratiques dont il a rêvé, nous avons fouillé le coeur de ces réalisations qui ont dépeint, avec la même fulgurance, l’amour, la vengeance, l’étrange et le mystérieux. » N’ayez crainte, on n’est pas obligé d’aller jusque dans ces/ses abîmes pour porter du Kenzo.

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