Faut-il être beau pour trouver un job?

L’apparence physique reste l’un des motifs de discrimination les plus fréquents et pourtant l’un des plus difficiles à endiguer.

L’adage selon lequel la beauté est intérieure ne fait pas l’unanimité dans le monde de l’entreprise. Rina Bovrisse, une salariée japonaise en a récemment fait les frais. La marque de luxe Prada qui l’employait l’a licenciée à cause de sa « laideur ». Le DRH lui avait d’abord demandé de changer de coupe de cheveux. Puis vint le temps où on lui demanda de perdre du poids et de s’entretenir physiquement. Ces changements devaient lui permettre de mieux coller à l’image « glamour » de la marque. Mais le résultat n’a pas convaincu sa direction qui l’a licenciée quelques semaines plus tard. La jeune femme a porté son cas devant la justice mais sa demande a été rejetée faute de preuves.

En France, les discriminations fondées sur l’apparence physique sont interdites depuis la loi du 16 septembre 2001 au même titre que celles basées sur l’origine, le sexe ou la religion. Mais elles sont courantes dans le monde de l’entreprise. Selon une étude de l’Observatoire des discriminations, un actif sur cinq en aurait fait les frais au cours de sa vie professionnelle.

Les « beaux » plus charismatiques et plus sociables

Celles-ci commenceraient dès les entretiens d’embauche. Un testing réalisé par l’Observatoire des discriminations démontre que présenter un visage disgracieux -c’est-à-dire ne répondant pas aux standards de beauté – peut apporter un désavantage au moment de la sélection. Hélène Garner-Moyer, chercheuse en sciences de gestion, a envoyé près de 700 CV pour répondre à des annonces pour des postes de commerciale, d’assistante de direction et de comptable. La moitié d’entre eux étaient accompagnés de la photo d’une belle femme, l’autre moitié d’une photo d’une femme moins séduisante. A compétences égales, la première candidate a été convoquée dans 42 % des cas, l’autre dans seulement 16 %.

la beauté devient un moyen de faire le tri entre les postulants

« La beauté fascine et sur le marché du travail, à CV équivalent, les employeurs ne sont pas insensibles à cette influence, explique Hélène Garner-Moyer. Les individus beaux sont jugés a priori plus charismatiques, plus sociables et bénéficiant de plus grandes qualités relationnelles que les autres ». Et d’ajouter: « Les niveaux de formation des candidats sont de plus en plus élevés et la beauté devient un moyen de faire le tri entre les postulants ».

La beauté aurait également une incidence tout au long de la carrière: accéder aux postes à responsabilités ou obtenir une mutation serait plus difficiles pour un salarié au physique disgrâcieux. Selon une étude de l’American Economic Association, le salaire des personnes peu séduisantes serait même 5 à 10% inférieur à celui de leurs collègues.

Toutes les professions touchées

Traditionnellement, les métiers dans le secteur de la vente ou nécessitant d’être en relation fréquentes avec les clients sont les plus touchés. Des études marketing ont même démontré que les vendeurs beaux étaient plus performants car plus convaincants à l’égard de la clientèle. Mais ces discriminations touchent également les postes moins exposés: ainsi dans le testing, ceux qui cherchaient un employé pour le poste de comptable ont été les plus nombreux à contacter la candidate séduisante. Seule exception autorisée par la loi: les métiers où le physique est l’essence même de la profession tel que les mannequins ou les comédiens.

Mais les plaintes restent encore rares car il est très difficile de prouver que l’on est passé à côté d’un poste ou d’une mutation à cause de son physique. « L’apparence n’est pas explicitement définie dans la loi et elle peut également recouvrir les discriminations fondées sur le poids, la taille, le look… La beauté n’est qu’une des facettes de cette apparence ».

Caroline Politi, Lexpress.fr

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