Grégoire Polet: Manifs partout

— Tu es où ? (Phrase statistiquement la plus fréquemment prononcée de la langue française, depuis l’apparition du téléphone portable.)

— À Montréal ! Et toi, chez toi ?

— Non, en citytrip, en Espagne, à Valence.

— Tcheu ! On va faire pleurer le roaming.

— On s’en fout, fait vite.

— Pas envie de faire vite, justement, envie de parler, j’ai un peu le blues, Montréal, la neige qui fond, gris, mouillé… Un hélico qui bourdonne dans le ciel, en stationnaire, surveillance, une grosse manif, je la vois de ma fenêtre, qui serpente, je suis au huitième, 20 000 personnes il paraît.

— Ah bah, Valence, fait plutôt beau, un soleil comme ça, la ville, vraiment top. Mais aussi deux ou trois hélicos toute l’après-midi, stationnaires, surveillaient les manifs.

— Toi aussi ? Ici, c’est les étudiants. Se révoltent contre la baisse des allocations et la hausse des frais d’accès aux études.

— Ici, c’est pareil. C’est la même chose. Et ils se fritent avec les flics.

— Tu trouves pas ça fou?

— Peut-être bien.

— Il se passe quelque chose, non ?

— Forcément. Mais ils me font rire. On n’a pas le choix, quoi. Quand y a plus de sous, y a plus de sous. C’est très injuste, mais… C’est totalement injuste, mais c’est complètement nécessaire.

— Mouais. Ça me fout mal à l’aise, cette phrase-là. C’est ce que Moureau disait pour les pensions. Parce que, bon, quoi, en définitive, c’est qui qui a raison: celui qui fait le nécessaire, ou celui qui combat l’injustice ?

La réponse est dans la question, fieu.

G.P.

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